Haïti-Justice : Énième grève des greffiers
3 min readEncore une fois, des greffiers haïtiens entrent en grève dans toutes les juridictions du pays. Entre les mauvais traitements, l’état des tribunaux et des conditions de travail inappropriées, l’appareil judiciaire se retrouve dans une situation lamentable et les greffiers insistent pour qu’intervienne rapidement une amélioration.
Le système judiciaire, qui fonctionnait déjà au ralenti, est à l’arrêt à cause de la grève des greffiers bien que le ministre, Me Bertho Dorcé, ait accepté,par une correspondance datée du 8 avril 2022, de rencontrer les responsables de l’Association Nationale des Greffiers Haïtiens (ANAGH).
Dans une interview accordée le 20 avril 2022 à la rédaction du journal le Quotidien News, le Président de l’ANAGH, Me Martin Ainé, a fait savoir que les grèves sont décidées de manière récurrente pour protester contre le mauvais traitement que subissent les greffiers et le personnel de l’appareil judiciaire en général. Il affirme qu’il existe une disparité entre le salaire des greffiers, et celui des juges. Il déclare que leur salaire se situe entre 21,000.00 et 26,000.00 gourdes, alors qu’un juge qui est le collègue immédiat du greffier reçoit un salaire nettement supérieur et bénéficie d’avantages tels : fiches de carburant et carte de débit. Me Ainé a fait savoir que l’ANAGH réclame donc que le salaire des greffiers soit fixé à 80 % par rapport à celui des juges. Les greffiers représentés par Me Ainé demandent aussi le respect de l’accord de 2017 signé avec les autorités du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP).
Une justice à l’abandon
Me Ainé croit qu’il y a une volonté des autorités de piétiner la justice. Selon lui, la justice est traitée en parent pauvre, il n’y a pas d’infrastructures pour le Ministère de la Justice ni pour plusieurs Palais de Justice. Il affirme que certains tribunaux fonctionnent en plein air, que d’autres, comme le Tribunal de Léogane, l’une des plus grandes juridictions du pays, fonctionnent tout bonnement dans un « Kafe ». Certains tribunaux, poursuit-t-il, n’ont pas de juge pour dire la justice. « Certains tribunaux ne disposent pas de toilettes », ajoute l’avocat au Barreau de Petit-Goâve.
Par ailleurs, Me Ainé a indiqué qu’à maintes reprises, l’ANAGH a proposé qu’un système de surveillance soit installé dans les tribunaux et les cours de justice du pays, et qu’un éclairage approprié soit mis en place de manière à réduire ou même faire cesser les cambriolages qui se font de manière récurrente, mais en vain.
Sans greffier, un tribunal ne peut pas fonctionner
Me Ainé a précisé au journal les tâches d’un greffier. Ce dernier, dit-il, a pour rôle d’assurer la procédure des dossiers et de les classer par ordre de priorité. Il détermine l’ordre des audiences, tient les archives du tribunal, assure le classement, délivre des documents judiciaires, tels les extraits de casier et fait des recherches. Le greffier, dit-il, vient après le doyen, de même pour le parquet. Selon Me Ainé, le greffier est la plaque tournante du tribunal, l’administrateur du greffe.
Comment devient-on greffier ?
Le président de l’ANAGH affirme que devenir greffier est un choix. Le greffier est formé au même rang qu’un magistrat debout ou assis et la loi lui impose presque les mêmes exigences. Il participe au concours de l’École de la Magistrature après avoir obtenu une licence en Droit. Selon le décret du 22 août 1995 relatif à l’organisation judicaire, pour devenir greffier en Haïti, il faut répondre aux exigences de l’Article 35 : Pour être nommé greffier à la Cour de Cassation, à une cour d’appel, à un tribunal de 1ère instance, au tribunal spécial du travail, il faut être au moins licencié en droit. Pour être greffier à un tribunal de paix, il faut avoir fait au moins la classe de seconde.
La revendication des greffiers va-t-elle être satisfaite par les autorités compétentes, ou va-t-on assister à un nouveau cas d’éternel recommencement ?
Danie Charlestan