Haïti/lutte contre le choléra :le besoin d’information loin d’etre comblé
4 min readAprès une première vague, de 2010 à 2019, ayant causé la mort de près de 10 000 personnes, l’épidémie de choléra a ressurgi en Haïti en octobre 2022, et à ce jour les décès se comptent par centaines. Il est vrai qu’une bonne partie la population connaisse l’existence de la maladie, mais le besoin d’information sur les modes de prévention et de traitement persiste.
Plus de 2 800 personnes ont été testées positives depuis la résurgence du choléra en octobre 2022, rapporte la Direction d’Épidémiologie, des Laboratoires et de la Recherche (DELR) du Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP). Malgré une vitesse de propagation plus lente du vibrio cholerae, comparativement à la période de 2010-2019, le choléra reste une menace bien réelle en Haïti. En effet, selon les chiffres de la DELR sur la situation de l’épidémie, pour la période du 1er au 21 mai, le nombre total de cas suspects a été estimé à 2 672, alors que les cas d’hospitalisations se rapprochent des 2495. Pendant la même intervalle, sur les 157 cas confirmés, 24 décès institutionnels ont été enregistrés.
Un urgent besoin d’information
Certes depuis l’introduction du choléra en Haïti, le MSPP et ses partenaires internationaux et locaux se sont attelés à produire des outils de sensibilisation dont des spots audio et vidéos sur les modes de prévention et de traitement, mais le fait que le choléra est réapparu à un moment où le pays fait face à une instabilité politique chronique, à des crises humanitaires et à l’épidémie de Covid19, il s’avère nécessaire d’insister davantage sur les principes d’hygiène à respecter et sur l’obligation de se faire vacciner pour une protection totale. Faut-il préciser que la nouvelle épidémie de choléra dans le pays, a causé la mort de plus de 700 personnes en seulement 8 mois (octobre 2022-mai 2023).
Dans le cadre d’une étude menée par Internews avec l’implication de l’Institut Panos Caraïbes et Policité autour de l’accès à l’information sur le choléra et la Covid-19- une enquête réalisée auprès de 171 personnes au niveau de quatre départements du pays (Nord, Ouest, Nippes et Sud)- a permis de conclure que le besoin d’information sur cette pathologie n’est pas encore comblé, même chez ceux qui déclarent en avoir une bonne compréhension. 90,1 % des personnes interrogées disent ne pas disposer suffisamment d’informations sur le choléra, indique-t-on.
Parmi les explications les plus plausibles fournies : les médias haïtiens privilégient les dossiers politiques, et accordent beaucoup plus d’importance aux autres sujets qui se traitent généralement à chaud. A titre d’exemples, l’instabilité politique et l’assassinat du Président Jovenel Moïse et la situation sécuritaire délétère qui s’en est suivie occupent tellement les esprits que les problèmes de santé sont relégués au dernier plan, hiérarchisation de l’information oblige.
Toutefois, 98,2 % des personnes interrogées dans la cadre de cette enquête affirment avoir déjà entendu parler du choléra, et 94,2% étaient en mesure de dire une ou deux choses qu’ils ont apprises sur la maladie. Les enquêteurs se sont rendus à l’évidence qu’une majorité des personnes interrogées connaissent quelques moyens pour se protéger contre le choléra. Seulement 8,8 % des répondants ne savent pas comment se prémunir contre ladite maladie.
Saison des intempéries et menace
À Hinche, chef-lieu du département du Centre, les cas de choléra étaient en perte de vitesse fin mai 2023, à en croire les constats de Beatrice Lundy, infirmière stagiaire à l’hôpital universitaire de Hinche, ralentissement confirmé par les bulletins de la DELR. Mais, avec la saison pluvieuse, on doit s’attendre à une possible recrudescence des cas, quant on sait que cette période correspond à la saison des mangues, fait remarquer Madame Lundy qui répondait aux questions du journal Le Quotidien News.
En effet, les rapports de la DELR ont montré que malgré une augmentation au niveau du nombre des cas suspects saisis, passant de 935 à 1040, du 30 avril au 20 mai 2023, seulement un cas de choléra est confirmé dans la ville de Saut-d’Eau.
Présente dans le département du Centre depuis plusieurs mois, Beatrice Lundy affirme observer une absence de sensibilisation sur le choléra à Hinche, l’une des principales villes du pays. « Malgré ses nombreux dégâts, je n’ai entendu parler d’aucune activité de sensibilisation, de conférences, de rencontres ou même des agents communautaires qui vulgarisent les méthodes de prévention du choléra dans la ville », explique-t-elle avant d’ajouter : «Il y a de petits messages de prévention qui sont diffusés à la radio, mais dans les zones les plus éloignées, ce moyen de communication est peu tilisé. Ce sont les agents communautaires qui sont les plus susceptibles de faire passer les messages efficacement ». Sachant que le partage d’information est crucial dans une telle conjoncture, l’infirmière appelle les entités responsables à rectifier le tir.
Clovesky André-Gérald PIERRE