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Haïti, une énorme plaisanterie !

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On a quasiment tout vu dans ce pays. Parfois on a l’impression d’avoir même trop vu. On a marqué l’histoire à l’encre d’or comme on le fait aussi à l’encre désagréable. On alterne en Haïti le bon comme le mauvais.

Si l’on fait un petit retour en arrière sur les années 1986, on comprendra la soif de bien-être qui animait alors l’être haïtien. La dictature est chassée. Le peuple, doté d’une nouvelle Constitution, connaît un nouveau régime fondé notamment sur la libre jouissance des droits fondamentaux. On a franchi une nouvelle étape. En tout cas, on le croyait. La torture, le sous-développement, le pouvoir autocratique, tout cela appartenait déjà au passé.

Aujourd’hui, on comprend que l’espoir du 7 février 1986 n’a pas fait long feu. Autrement dit, la nation se cherche encore dans une démocratie qui ne fait qu’accoucher crise après crise. La lutte acharnée des acteurs politiques dépourvus d’éthique n’a pas permis à la société de voir clairement où elle se rend.

Les événements ne se ressemblent pas tous mais leur récurrence incite à réfléchir. Néanmoins, l’aspect inédit qui doit être considéré à présent, c’est la place des gangs armés dans cette nouvelle politique. Ils ont pris une telle importance, qu’on pourrait croire qu’ils sont les principaux décideurs du pays.

Ironie de cette affaire, ces gangs qui devraient craindre les autorités établies, opèrent en toute quiétude et sous l’œil passif des autorités. Le phénomène de la gangstérisation de la société n’est pas  spontané. Des hommes politiques en sont malheureusement les auteurs. On se rappelle des OP Lavalas, de leur rôle dans la résistance pour garder Jean Bertrand Aristide au pouvoir dans les années 2003, 2004. Les sociétés médiatiques d’alors avaient souligné leur présence active à la Faculté des sciences humaines le 5 décembre 2003 où le Recteur d’alors avait vu ses jambes brisées, l’enceinte de la Faculté saccagée, des étudiants bastonnés,  entre autres. S’ensuivit la commune de Cité soleil qui était devenue une zone de non-droit. On se rappelle  de Gonaïves et de leurs chefs super puissants, les chefs de gangs célèbres de Port-au-Prince, tous partisans du régime d’alors. Bref, les gangs étaient particulièrement très actifs à partir du deuxième mandat de Jean Bertrand Aristide.

De nos jours, ils sont devenus plus agressifs. Avec des chefs d’orchestre qui se pavanent et qui pointent du doigt les uns les autres. Le chef de l’État accuse l’opposition et les acteurs du secteur privé. L’opposition de son côté accuse le chef de l’’État d’être le cerveau des civils armés. Une position partagée par la société civile. De toute évidence, les patrons sont et dans le pouvoir et dans le secteur privé des affaires et dans l’opposition si l’on se fie à la CNDDR et au puissant chef de gang défunt du village de Dieu, Arnel Joseph, dont les révélations au cabinet d’instruction ont été reprises par un journaliste connu de la place.

S’agissant de l’État lui-même, on laisse planer le doute. Mais, trop d’événements suspects se sont produits dans l’intervalle. Notamment l’acquisition des munitions et armes des chefs de gangs, l’impunité de leurs actes, leur force de pression avérée. Ces hommes armés sont pour l’heure plus puissants que l’État dans son ensemble. De deux choses l’une, soit l’État est inexistant, soit il est la mamelle qui nourrit ce phénomène.

Pour ce qui est de l’opposition ou du secteur privé, une question est incontournable. Pourquoi les autorités n’arrivent-elles pas à contrôler le trafic d’armes et des munitions pour éradiquer définitivement ce problème? Pourquoi le CSPN qui détient le monopole de la violence n’intervient pas dans les zones de non-droit connues de tous pour mettre hors d’état de nuire les malfrats qui y opèrent? Pourquoi la CNDDR aurait besoin de négocier une trêve avec les bandits kidnappeurs au lieu de mettre fin à ce phenomena une fois pour toutes  ? Pourquoi les religieux étaient-ils obligés de passer plus de quinze jours entre les mains des bandits, dont les zones d’opération sont connues ? Autant de questions qui prouvent que l’État haïtien peut avoir n’importe quelle mission, sauf celle pour laquelle  il a été mandaté.

Véritable plateau de comédie. Au lieu de traquer les semeurs de troubles, l’État sollicite auprès d’eux une trêve. Au lieu de démanteler les réseaux mafieux, le président se contente de clamer avoir identifié le foyer du kidnapping. Le groupe des “400 marozo” enlève, celui de Grand-Ravine et de Village aussi, maintenant le président parle de kidnapping politique comme s’il venait juste d’arriver dans le pays. Comme s’il ne connaissait pas ceux qui opèrent. On vit réellement une plaisanterie d’une étrange énormité en Haïti. Cette République où les politiques se plaisent à dire n’importe quoi. Le pays où l’État fait profil bas face au super-pouvoir des bandits.

Nous n’avons pas seulement besoin d’une transition, mais d’un changement de paradigme et de gouvernance. Car incapable de contrôler la douane, le trafic d’arme engendre le banditisme. Incapable de respecter la loi, les politiques recourent aux hommes armés pour protéger le pouvoir. Sans vision politique aussi, les politiciens pensent que la violence serait le compagnon idéal. A ce rythme on finira bientôt par accepter que les gangs puissent prendre de force le pouvoir. Et là, ce sera la catastrophe!

Daniel Sévère

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