Étant déjà sur la liste grise du Groupe d’Action Financière (GAFI), car ses dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux/financement du terrorisme sont faibles, Haïti va être soumis à plus de surveillance, d’exigences et de restrictions financières. Cela s’explique par le fait que Port-au-Prince et d’autres villes sont quasi contrôlées par des terroristes, a indiqué le Centre d’Analyse et de Recherche en Droits de l’Homme (CARDH) dans un rapport paru le 6 mai 2025, intitulé «Désignation de Viv Ansanm et de Gran Grif d’organisations terroristes internationales Analyses et enjeux pour Haïti ».
L’administration de Donald Trump hausse le ton dans la lutte contre le banditisme en Haïti en désignant « la coalition criminelle Viv Ansanm et Gran Grif comme des organisations terroristes». Ce qui revient à dire, selon CARDH, qu’« Haïti est désormais considéré comme un pays dont la capitale et d’autres villes sont quasi contrôlées par des terroristes ». Cependant, au-delà des objectifs et des intérêts de l’administration américaine — la sécurité nationale et la protection de ses ressortissants par exemple — si des mesures drastiques et adaptées ne sont pas prises pour contenir l’essence du problème (armes et munitions venant des États-Unis, trafics à la frontière haïtiano-dominicaine…), les gangs, pour la plupart, des victimes sociales, peuvent se radicaliser davantage et Haïti peut devenir un pays contrôlé par des groupes terroristes, explique le CARDH. Dans ce cas, dit-il, ce serait le chaos total dont les conséquences s’étendront au-delà des frontières nationales, d’autant qu’Haïti est au bord de la faillite institutionnelle et sociale.
Cette désignation risque d’avoir des conséquences désastreuses sur Haïti sur le plan financier. À preuve, selon le CARDH, les institutions économiques et financières internationales dont la Banque mondiale et le Groupe d’Action Financière (GAFI), organisation mondiale de surveillance du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, vont intensifier leur restriction sur Haïti, déjà sur la liste grise. Quand un pays est sur cette liste, il est considéré donc comme un refuge pour le financement du terrorisme et le blanchiment d’argent, explique le CARDH.
Pourquoi les États-Unis ont-ils désigné les gangs armés en Haïti comme des organisations terroristes ?
En désignant la coalition Viv Ansanm et Gran Grif d’organisations terroristes étrangères le 2 mai 2025, l’administration de Trump peut poursuivre plusieurs objectifs, selon le CARDH. Parmi lesquels, il pense que les États-Unis veulent réaffirmer son « leadership en Haïti et dans la région ». « En désignant Viv Ansanm et Gran Grif comme organisations terroristes étrangères, cela peut se faire pour dissuader ceux qui, depuis les États-Unis, soutiennent les activités criminelles, en fournissant notamment des armes et des munitions aux gangs », estime l’organisme. Il précise, par ailleurs, que l’une des conséquences majeures de l’inscription par le gouvernement américain d’une entité ou d’une personne sur la liste de terroristes est le gel et la saisine de ses « avoirs aux États-Unis ou en possession ou sous le contrôle de ressortissants américains ».
Le CARDH a aussi penché sur le cas de la République dominicaine. Selon le rapport, en désignant Haïti comme pays ayant des groupes terroristes, la République dominicaine se donne progressivement un levier stratégique pouvant servir à plusieurs objectifs vis-à-vis d’Haïti, comme l’opération militaire. « Par l’adoption du décret 104-25 du 4 mars dernier, le président de la République dominicaine, Luis Abinader, a ordonné au Conseil national de lutte contre le terrorisme d’exercer les pouvoirs qui lui sont attribués par la nouvelle loi, a rappelé le CARDH. Ainsi, « les agences de renseignement et de sécurité de l’État sont chargées de prendre les mesures appropriées pour empêcher les incursions des groupes susmentionnés sur le territoire national ou contre les intérêts dominicains à l’étranger ». Selon le CARDH, le président dominicain en a profité pour rappeler que la réponse de la communauté internationale était « faible » et « lente » face aux multiples crises, complexes et aiguës en Haïti.
Il y a une question économique à prendre en compte dans le comportement de la République dominicaine à l’égard d’Haïti. « En faisant d’Haïti un État ayant des groupes terroristes, cela peut servir de levier économique et politique à la République dominicaine en pleine extension », souligne le CARDH, tout en rappelant que 14 avril 2023, la République dominicaine avait sanctionné 39 personnalités politiques et économiques haïtiennes et des membres de gangs impliqués, selon elle, dans la violence en Haïti, dont des anciens premiers ministres, un ministre en fonction, des anciens parlementaires, des hommes d’affaires… « Un processus de saisine de biens des Haïtiens a déjà été mis en place », rappelle l’organisme de défense des droits humains.
De la responsabilité
Le CARDH s’est adressé également aux autorités haïtiennes. « La classe dirigeante haïtienne doit sortir de son mutisme et de son attentisme », exige-t-il en déplorant par ailleurs qu’aucune disposition n’avait été encore prise pour définir le leadership dont le pays a besoin pour affronter la violence des gangs, malgré les souffrances de la population et les efforts des citoyens dans les quartiers pour se protéger contre l’assaut des gangs dont beaucoup en font les frais. Pour l’organisme, « les responsabilités doivent être fixées et assumées, les engagements doivent être pris et les sacrifices doivent être faits ».
La Rédaction