Ile-à-Vache, l’île mystérieuse oubliée
4 min readSituée dans la mer des Caraïbes, ce petit joyau d’île a survécu à bien des catastrophes. Les pirates, la colonie américaine, le méga projet touristique, les cyclones et le séisme du 14 août. Aussi convoitée que négligée, l’île n’a que ses habitants pour pleurer ses malheurs. Délaissée, personne ne la mentionne plus depuis l’échec du méga projet de 2013.
L’Île-à-Vache est une commune du département du Sud d’Haïti. Découverte par le pirate anglais Morgan, elle a une superficie de 45,97 km2 pour une population de 15 399 habitants (IHSI, 2015). Il y a plus de personnes vivant en milieu rural et qu’en milieu urbain sur l’île. La gestion politique et administrative de la commune est assurée par un conseil communal, composé d’un maire principal et deux maires assesseurs élus pour quatre ans au suffrage universel, selon la Constitution haïtienne de 1987 amendée. La population est concentrée dans quatre localités à Madame Bernard, Caille-Coq (Kakok), Gros-Morne et La Hatte ; elle vit de la pêche et de la culture vivrière. Il y a 25 écoles, dont 5 sont publiques.
L’Île-à-Vache a toujours été habitée essentiellement de propriétaires constituant une vaste communauté d’individus peu prospères, mais libres, cultivant leur terre pour assurer leur survie. Au XIXème siècle, elle a été une colonie américaine qui exportait des denrées chez l’oncle Sam. Redevenus libres, les habitants vivaient des activités du secteur primaire qui représentent la base de leur économie. Trois siècles plus tard, soit en 2013, un arrêté présidentiel en date du 10 mai déclare l’île « zone réservée et zone de développement touristique, tant son territoire que toute l’étendue maritime comprise dans ses limites ». La population n’a été informée de cet arrêté que par le biais de la presse ou par ouï-dire. Ainsi, différentes rumeurs et spéculations faisant état de délocalisation et d’expropriation des propriétaires, engendrent alors un climat de peur.
Cet arrêté faisait suite à un projet de développement touristique de la zone. Il devait reposer sur un partenariat concerté entre les gouvernements d’Haïti et du Venezuela grâce à l’accord Petrocaribe, qu’Haïti a rejoint en août 2007. Ce partenariat s’inscrivait dans la stratégie de développement de la zone économique des Caraïbes dans des domaines tels que les transports et les communications, les lignes de production, le tourisme, le commerce et l’intégration, la culture et la société. La construction d’un aéroport, d’un complexe hôtelier, d’un hôpital communautaire, etc. Ce qui devait pousser la population à passer d’une économie résidentielle axée sur la maîtrise de ses moyens de subsistance, à une intégration à l’économie mondiale, via le salariat touristique contrôlé par des acteurs exogènes à l’île. Après maintes résistances des habitants, le projet échoua. En 2017, l’île a été victime du cyclone Mathieu et les efforts des habitants se sont encore envolés dans les vents qui emportaient arbres et maisons. Durant la campagne électorale de 2016-2017, ils avaient réussi à trouver de quoi survivre et ils ont recommencé dans l’attente de jours meilleurs sans pour autant sortir de la crise des années précédentes. Le 14 août 2021, le séisme frappe le Sud du pays et l’île n’est pas épargnée.
Des maisons se sont écroulées. Des hôtels à peine rénovés sont maintenant fissurés. Abaka Bay Resort classé 57ème parmi les 100 plus belles plages au monde en 2013 par CNN, ne reçoit presque plus de visiteurs depuis un certain temps et Port-Morgan, dont le propriétaire annonçait la fermeture à maintes reprises pour manque d’activités, ont été touchés. Ces hôtels de standard international, victimes de la crise, ont succombé. L’absence d’aéroport et de débarquadère cause du tort aux habitants qui n’ont reçu aucune visite depuis le fameux séisme. Ils s’en remettent entre les mains de Dieu. Sinistrée, l’Île-à-Vache essaie de s’en sortir afin de survivre et de voir prospérer ses habitants. Oubliée ou pas, elle fait partie intégrante des dix départements de la République d’Haïti et mérite d’être traitée comme tous les autres communes.
Geneviève Fleury