Impasse politique en Haiti : l’heure de la confusion et du doute
4 min readAlors que la date fatidique du 7 février s’approche, la communauté internationale (CI) commence à faire planer le doute au niveau de la classe politique haïtienne. Le pouvoir qui n’a jamais réagi depuis l’accession de Jovenel Moise au pouvoir aux déclarations de la CI, a exprimé son malaise par rapport aux récentes sorties des hauts dignitaires étrangers sur la conjoncture. Quant à l’opposition politique, sceptique, elle ne sait pas encore si elle peut saluer des deux mains les positions exprimées par la CI ou si elle peut se fier à elle-même.
Tout a commencé par la douche froide dans le dos du pouvoir par la Chambre du trésor américain qui a fait rebondir un dossier que l’exécutif pensait pouvoir paralyser. C’est survenu à un moment où le président républicain qui a soutenu le régime haïtien en place, Donald Trump, est en passe de laisser le pouvoir. Les observateurs pensent qu’il s’agit d’une trahison nécessaire pour remettre à l’heure les pendules, ou qu’il s’agit d’un virage fracassant.
Il n’y a pas que cela à faucher cette belle relation de confiance entre les étrangers, particulièrement, avec les USA. Le Core Group lui aussi semble ressentir ce malaise en désapprouvant pour la première fois une décision du chef de l’État, assouplissant du coup sa position sur la tenue des élections en Haïti. En effet, Jovenel Moïse a pris pas mal de décrets controversés qui, jusqu’à présent, n’ont pas dérangé les diplomates. Au contraire, ils l’ont encouragé. Paradoxalement, les mêmes diplomates du Core Group viennent de critiquer les deux derniers décrets portant sur la création et le fonctionnement de l’agence nationale d’intelligence (ANI) et celui portant sur la sécurité nationale. Accroché au locataire du palais national, le Core Group, sans le dire clairement, semble vouloir ralentir ses pas.
Après le Core Group et la Chambre du trésor américain, le Sous-secrétaire américain aux affaires pour l’hémisphère de l’Ouest, Michael Kozak, a soutenu, comme pour dire que le régime a trop abusé les pays amis et qu’ils n’en peuvent plus, que ce ne sont pas seulement les États-Unis qui s’inquiètent de l’érosion continue de la démocratie en Haïti, de l’absence d’élections législatives et de la gouvernance par décrets. C’est toute la communauté internationale qui est révoltée de ce qui se passe en Haïti, laisse-t-il croire. En fait, Haïti au regard de ses mésaventures met mal à l’aise tous les autres pays.
L’exécutif n’est pas à l’aise
Contrairement à son habitude, le pouvoir ne réagit pas aux déclarations ou positions des pays étrangers sur la conjoncture. Il ne fait que suivre minutieusement ce que ces pays recommandent ou souhaitent. Ironie du sort, le secrétaire général du conseil des ministres, Rénald Lubérice, a vite recadré le Core Group en lui rappelant que l’exécutif n’a pas de leçons à recevoir. Il en est de même pour le chef de gouvernement, Joseph Jouthe, plus clément, qui a émis le souhait que le Core Group et l’exécutif continuent de dialoguer afin de pouvoir juguler la crise qui sévit dans le pays.
L’opposition comme le chat qui craint l’eau froide
L’opposition politique qui n’arrête pas de fustiger la communauté internationale pour son soutien inconditionnel au chef de l’État, se montre prudente. Certes, elle applaudit les positions du Core Group et celles des USA, cependant, elle demeure sceptique. Pour Schiller Louidor, si le Core Group est sincère et reconnaît son échec, il faut l’en féliciter. Néanmoins, le porte parole du secteur démocratique et populaire croit dur comme fer que la transition de rupture est inévitable et que le destin du pays ne repose que dans la mobilisation continue. « Il ne faut pas claironner la trompette et le tambour, car ils (les membres du Core Group) sont ceux qui maintiennent au pouvoir Jovenel Moise », réplique Schiller Louidor.
André Michel pour sa part croit que la communauté internationale doit aller au-delà des constats et des dénonciations. La mise en accusation des hauts dirigeants du régime et l’encouragement de la bataille populaire vers une transition est inévitable. Le Core Group aura à prouver qu’il est du coté de la population, soutient-il sur une station de la capitale.
C’est en fait la même position pour Chavannes Jean-Baptiste intervenant sur Vision 2000. Le leader politique veut avant tout connaître la motivation du Core Group qui n’a jamais ménagé ses efforts pour aider Jovenel Moïse à terroriser la population. Il invite dans la foulée le pouvoir à prendre leçon de ce virage potentiel appelant du coup l’opposition à recoudre urgemment les morceaux et à présenter à la nation la feuille de route du gouvernement de transition dès ce mois.
Rappelons que d’autres responsables de l’opposition ont tous salué la prise de position équivoque du Core Group et des USA tout en y décelant une énième stratégie des blancs pour saboter le mouvement populaire. En attendant, c’est la confusion totale au sein de la classe politique divisée sur la question du 7 février 2021.
Daniel Sévère
danielsevere1984@gmail.com