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Insécurité en Haïti, le HCDH dresse le portrait d’une catastrophe

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Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) dévoile dans son dernier rapport annuel un tableau saisissant de la situation des droits humains en Haïti. Élaboré à partir des observations averties de l’expert William O’Neil, cet état des lieux révèle une réalité troublante : la montée en puissance de la violence des gangs, exacerbée par les lacunes criantes dans les capacités de répression de l’État haïtien, demeure le principal catalyseur des abus et des violations des droits fondamentaux dans le pays.

Les chiffres sur la violence en Haïti sont ceux d’un pays en guerre. Et la situation ne va pas en s’arrangeant.  Au cours de ces derniers mois,  on a vu les gangs monter en puissance, multipliant le nombre des victimes au sein de la population civile. En chiffres, “au moins 1 436 personnes, non impliquées dans les échanges violents en cours, ont été tuées (686), blessées (371) ou kidnappées (379) entre le 1er janvier et le 29 février 2024”, a rapporté le Haut-Commissaire dans son rapport. Ajoutés aux 695 membres de gangs tués ou blessés au cours de cette période, ces chiffres indiquent une augmentation de 40% du nombre des victimes par rapport aux deux mois précédents.

Une influence largement étendue

L’activité des gangs dans le pays a connu une large expansion. Ils ont gagné des territoires, reformé leurs alliances, renforçant ainsi leurs capacités à générer le crime. Pour la région métropolitaine de Port-au-Prince, les chiffres avancés parlent de 80% du territoire qui serait sous le contrôle des gangs. La région est assiégée, il ne subsiste plus aucune une voie de sortie, “les routes principales et les ports reliant la capitale au reste du pays sont restés sous le contrôle des gangs”. Depuis plus d’un mois, même l’aéroport international Toussaint Louverture, le principal du pays et l’unique à Port-au-Prince, a été contraint de fermer.

Au nord de Port-au-Prince, les communes du Bas Artibonite de Montrouis, Marchand Dessalines, Gros Morne, l’Estère, Liancourt, Petite Rivière de l’Artibonite, Verrettes et Saint Marc font face à une croissance de violence. Cette région du Bas Artibonite et Port-au-Prince hébergent les plus importants foyers de gangs du pays. “84 % de toutes les victimes d’assassinats et de blessures ont été signalées dans le département de l’Ouest et 9 % dans le département de l’Artibonite, tandis que 51 % des enlèvements ont eu lieu dans le département de l’Ouest et 47 % dans le département de l’Artibonite”, indique le HCDH dans son rapport.

Impact sur les droits humains

Le manque de surveillance au niveau des frontières du pays fournit aux réseaux criminels “une chaine d’approvisionnement fiable” pour leur trafic d’armes et de munitions. Une activité qui leur permet de maintenir leur influence, et d’entretenir le cauchemar de la population. Aujourd’hui, des enfants sont de plus en plus recrutés par les gangs. “Les témoignages recueillis par le HCDH soulignent que les enfants sont utilisés comme guetteurs, ou « antennes », comme on les appelle localement, pour faciliter les enlèvements et les vols. Les filles sont généralement impliquées dans des activités telles que les tâches ménagères et l’espionnage”, explique le HCDH. Pour les enfants enrôlés, il ne semble y avoir aucune porte de sortie, ceux qui tentent de s’enfuir sont “recherchés et exécutés”.

Par ailleurs, les besoins sociaux de base ne peuvent plus être satisfaits du fait des violences ajoutées aux défis structuraux préexistants. Que ce soit pour la nourriture, la santé, l’eau, le logement ou l’éducation, la situation est désastreuse. Les écoles sont fermées et les enfants et professeurs attaqués à l’intérieur même des établissements; l’approvisionnement en intrants médicaux et les déplacements du personnel vers les établissements de santé sont rendus impossibles; et la crise alimentaire s’en trouve exacerbée.

Faible capacité de réponse

L’État haïtien a de plus en plus de mal à apporter des réponses, faisant lui-même face à une crise institutionnelle sans précédent. Aucune institution politique n’est opérationnelle aujourd’hui, sans pouvoir législatif, ni un vrai exécutif dont le Gouvernement, tout illégitime qu’il soit, est démissionnaire. La Police Nationale continue à être la seule institution qui s’efforce de contrer la progression des acteurs criminels. Cependant, l’institution fait face à des défis de taille, notamment en matière d’équipement, possédant des matériels moins lourds  et moins puissants que les gangs.

“La PNH est toujours confrontée à de multiples défis, notamment au manque de capacités adéquates pour dissuader, arrêter et désarmer des gangs lourdement armés, souvent dotés d’une puissance de feu supérieure, y compris des équipements de protection, des armes, des munitions, des véhicules et d’autres équipements tactiques”, selon le HCDH. En plus, déjà en sous-effectif avec un ratio de 1.3 policiers pour 1000 habitants alors que la norme internationale est d’un policier pour 450 habitants, le taux d’attrition est élevé. “Au moins 1 600 policiers ont quitté le pays en 2023”.

L’institution est attaquée de toutes parts par les gangs armés. “Du 1er janvier au 31 décembre 2023, 34 policiers ont été tués et 22 ont été blessés dans des violences commises par des gangs. En octobre 2023, sur 412 bâtiments de police, 45, y compris des établissements pénitentiaires, n’étaient pas opérationnels, étaient sous le contrôle direct de gangs ou avaient fait l’objet d’attaques répétées”.

L’appareil judiciaire n’est pas lui non plus épargné, le système est dysfonctionnel. En plus des bâtiments qui sont attaqués, pillés ou brûlés, “les juges et les greffiers restent la cible de menaces, de violences et d’intimidations, ce qui compromet leur indépendance et les empêche d’exercer leurs fonctions”. Cependant, les défis auxquels fait face la justice haïtienne ne sont pas dûs aux gangs, l’impunité a presque toujours existé, “un fil conducteur du système d’application de la loi en Haïti  reste un défi majeur pour la démocratie et la sécurité”.

Pour le HCDH, la mission internationale de soutien à la sécurité sera “cruciale pour protéger les institutions de l’État attaquées jusqu’à leur noyau, y compris le nouveau Conseil présidentiel de transition”. Toutefois, “le renforcement de la sécurité ne suffira pas à garantir une solution durable”, estime-t-il dans ce rapport, affirmant que “des politiques globales visant à rétablir l’État de droit et à prévenir la violence seront essentielles pour garantir la paix et la sécurité”.

Clovesky A-G PIERRE

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