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Jean-Claude Martineau, une légende vivante dans la culture haïtienne

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Bon danseur de son état, Jean-Claude Martineau valse sur les planches du théâtre avec la parole, la poésie, en sa qualité de parolier ou de dramaturge. Portant de multiples chapeaux, « Koralen », de son nom de scène, tutoie la culture haïtienne à travers son art. L’auteur du roman historique « Le serment des Aradas » a, dans son armoire artistique, des œuvres qui transcendent le temps, dans la musique comme dans la littérature.

Voix suave, sereine et pleine de charme, de bouche à oreille, Jean-Claude Martineau rencontre l’imagination de ses interlocuteurs, à travers ses audiences (lodyans), ces histoires assez communes, qu’on a tous l’impression d’avoir déjà vécues. Maître des mots, il a cette capacité à vous transporter dans ce cadre spatio-temporel du récit, tant il est persuasif. Captivant. Jean-Claude est en fait un magicien avec une plume pour baguette, et son encre pour potion. Un audiencier qui se veut dieu dans son domaine.

Né à la Croix-des-Bouquets, Jean-Claude voit le jour en 1937, quelques années après l’occupation américaine. Né d’un père originaire de la cité des poètes, et d’une mère plaisantine, il grandit en jonglant avec les mots. À Plaisance, l’endroit qu’il affirme connaître le mieux en Haïti, où il a vécu d’ailleurs le plus clair de son enfance, il se découvre une passion ardente pour l’agriculture. C’est dans cette douce atmosphère qu’il apprend aussi à sarcler et à manier les machettes. C’est aussi dans cette petite ville qu’il réalise ses études primaires avant de venir à Port-au-Prince pour ses études secondaires.

Jean-Claude Martineau revient à la capitale, avec ses mains affermies par les travaux de la terre, portant les souvenirs de son enfance à Plaisance. À la fin de ses études au Lycée Toussaint Louverture, il n’a qu’un rêve : intégrer la Faculté d’agronomie. Mais, le concours d’admission a lieu tous les quatre ans, donc il doit encore patienter pour réaliser son rêve. De manière nonchalante, il va étudier les Sciences Comptables.

Entretemps, les Duvalier font main basse sur le pouvoir, et règnent en maîtres et seigneurs. Fanatique de la liberté d’expression, il rejoint les mouvements contre le régime dictatorial à la fin des années soixante, et va devoir laisser sa terre natale, en conséquence, pour s’installer aux États-Unis.

À Boston plus précisément, le parolier s’installe pendant environ une quarantaine d’années, et en profite pour prendre un nouvel élan dans sa vie en s’adonnant à l’art. Au carrefour des cultures du monde, il y trouve une place pour son art reflétant l’identité haïtienne. Nostalgique, il trouve alors un refuge incommensurable dans le théâtre, l’écriture et la musique, qui finiront par se synchroniser dans son patrimoine artistique.

Jean-Claude Martineau, surnommé « Koralen » (qui signifie pirogue en français), découvre le théâtre à 26 ans, de manière fortuite. Suppléant un comédien non disponible, il joue son premier rôle dans La Cagnotte de Labiche (Eugène Labiche). Il y prend goût et se  met à arpenter de nombreuses planches dans le milieu du théâtre, certaines fois comme comédien, musicien ou metteur en scène. D’autres fois, comme dramaturge. En effet, le théâtre est un jeu auquel il s’adonne avec enthousiasme. L’auteur de Larguez les amarres sera l’auteur de plus d’une trentaine de pièces, jouées et interprétées en France des milliers de fois.

Comme un papillon qui vagabonde dans un jardin avec son regard curieux et admiratif, le poète et dramaturge, Jean-Claude Martineau, patrouille sur les chemins des arts, jetant un coup d’œil à la musique ; saluant le théâtre ; serrant la main au conte et la poésie. Son talent, si versatile, tutoie la culture haïtienne dans toute sa plénitude.

Nombre de ses textes ont été chantés par de belles voix de la musique contemporaine haïtienne.  Manno Charlemagne, Emeline Michel, Beethova Obas, sans oublier Carole Demesmin dont sa voix mélodieuse immortalise les paroles de Lumane Casimir. L’auteur de Mauvaises pioches, qui s’inspire du quotidien des Haïtiens, a dans son répertoire des centaines de contes dont : « Podanj », « Galipot », « twa pa »,  « Liman Kazimi », « Baka », « Telson » et l’un des plus connus, « Flè dizè », pour ne citer que ceux-la.

« Son non nou te bay yon tifi

ki te konn anreta chak maten

Se lè rekreyasyon sonnen

a dizè pou wè l ap vini

Nou te rele l FLè dizè

E non sa a te byen ale avè l

Paske si m di n jan l te bèl

n ap konprann se gam m ap fè ».

Un extrait de « Flè dizè », conte populaire de Jean-Claude Martineau.

La musicalité de ses contes ou poésies, aide le compositeur à en faire des chansons, des hymnes qui transcendent le temps. Le plus ahurissant, c’est qu’il est capable de le faire dans pas moins de quatre langues.

Père de deux gaillards, le célèbre parolier et historien, Jean-Claude Martineau est au crépuscule de sa vie. Son immense talent aura servi à raconter l’histoire de son peuple autrement, à redorer le blason de la culture haïtienne.

Statler Luczama

Luczstadler96@gmail.com

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