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Jérémie –La nudité de l’hôpital a fait pleurer le vidéaste

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L’Église de Jérémie décapitée. Elle était le phare au sens propre comme au figuré.

Par Max Dorismond

Triste spectacle ! Devant la nudité des tiroirs, des armoires de l’hôpital Saint-Antoine de Jérémie, les médecins et les infirmières ont, semble-t-il, pris la poudre d’escampette. C’est la seule institution pour toute la région de la Grand ’Anse incluant les villes et villages limitrophes : Corail, Pestel, Beaumont, Roseau, Abricot, Marfranc, Moron, Bonbon, Chambellan, Dame-Marie, Anse d’Hainault, Les Irois, etc.

Le séisme dont l’épicentre se trouve à 8 kilomètres de Petit-Trou de Nippes a eu lieu à 8 h 39, causant de multiples dégâts à l’instar de celui du 12 Janvier 2010. Plusieurs maisons ont été détruites avec leurs occupants. Les accidentés de l’évènement ont emprunté le chemin de l’Hôpital Saint-Antoine.

Il est midi, aucune infirmière, aucun médecin ne se trouve sur place. Même les réceptionnistes ont disparu. Les victimes et leurs accompagnateurs affluent. L’attroupement, devant l’imposant immeuble vert et blanc, ne cesse de croître et les cris de douleur insoutenable des blessés, qui implorent l’aide du très haut, viennent te chercher au tréfonds de ton être.

Immédiatement, mille fléchettes ont perforé ma pensée, à l’idée que moi ou des membres de ma famille aurions pu être dans cette bulle dantesque, si le destin n’était pas pressé de nous choisir pour nous éloigner de la terre natale.

Les traces de sang engluées dans les couloirs de la bâtisse n’invitent personne à y pénétrer. On fait sortir les lits pour les diviser en deux parties : le cadre en fer nu pour un blessé moins grave, le matelas pour les estropiés souffreteux, avec les membres éclatés, la chair vive écarlate, étalée en pleine rue face à l’institution pour gagner un peu d’air frais et obtenir le premier service à l’arrivée d’un éventuel médecin, si la chance leur sourit. Les tables, les banquettes sont aussi utilisées comme lits de fortune, aux aléas des microbes ambiants. Le va-et-vient routinier, sans masques en pleine pandémie de Covid-19, ne surprend personne. Le public insouciant, dans l’attente d’un secours céleste, ne fait plus cas de la contamination croisée. C’est le délire d’une ville en plein désarroi.

Et le pauvre vidéaste, à la 34èm minute d’enregistrement, a craqué. De longs sanglots inondent son visage et ses lèvres, psalmodiant contre le gouvernement, déshabillent l’État, les administrateurs, les gestionnaires, que sais-je, avec des mots salaces à faire rougir Saint-Pierre.

Voilà le pays, voici la région qui demeure, jusqu’à preuve du contraire, le grenier de Port-au-Prince. L’incompétence accablante, le déficit de services, la prévarication des prédateurs composent toute la recette de la présente situation.

On ne peut se soustraire de ce constat diffamant, des effets pervers des conséquences de la corruption à grande échelle. En cherchant à saisir les paramètres de cet état de fait, on en vient à déplorer cette habitude dévorante de chaque Haïtien à pratiquer la déprédation à tour de bras. Individuellement, c’est une réussite pour chacun d’arrondir sa semaine par la rapine mais, pour la collectivité, lors d’un drame national, le décompte de l’inorganisation se fait tristement peindre dans le décor avec un résultat à somme nulle.

La Grand-Anse, ce coin de terre oublié, a toujours évolué loin des canaux du vandalisme d’État. Mais les conséquences se moquent des limites kilométriques quand le malheur frappe à la porte. Cette région est purement et simplement une victime collatérale de la gabegie délibérée. Si les médecins mal approvisionnés et les infirmières sous-payées se retrouvent les mains nues, face à des accidentés en mal de vivre, mieux vaut prendre ses jambes à son cou au lieu de se faire lyncher sans être le vrai coupable à damner. La corruption, c’est comme la pluie. Une seule goutte peut nous laisser indifférents, mais des milliers de gouttes peuvent chambouler la terre entière. Tel est le cas de tous les coins du Grand-sud aujourd’hui. Le mal est absolu.

Cliquez ici pour voir la vidéo : https://youtu.be/vxI2VEriPlw

Max Dorismond

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