La Caricom persiste pour le dialogue, les acteurs politiques haïtiens persistent dans leur intransigeance
5 min readAprès les échecs à Kingston (Jamaïque), la Caricom s’est érigée une nouvelle fois comme médiatrice entre les acteurs haïtiens dans l’objectif de trouver un compromis politique en vue d’un éventuel dénouement à la crise multidimensionnelle aiguë que traverse Haïti depuis plus de deux ans. En dépit de l’insistance de la Caricom pour trouver une issue à cette crise, les protagonistes de leur côté persistent dans leur intransigeance.
Les émissaires de la Caricom sont en Haïti depuis le 4 septembre 2023 et ils comptent quitter le pays ce 10 septembre 2023. La Caricom est venue dans l’objectif de poursuivre le processus de dialogue déjà initié à Kingston entre les acteurs haïtiens et dans la perspective de trouver une solution à la crise politique qui paralyse le fonctionnement du pays depuis plus de deux ans.
Cependant, à entendre certains acteurs ayant pris part à ce processus de dialogue, les pourparlers risquent de ne pas contribuer à apporter une solution à la crise sociopolitique actuelle. Il est difficile pour les protagonistes de trouver une entente entre eux. Les acteurs peinent à se dépasser dans l’intérêt du pays. Ils ne sont pas flexibles. Ils veulent n’être rien d’autre que des vainqueurs et presque tous n’ont aucun sens du compromis.
Les représentants de la Déclaration de Kingston ont été absents lors de la rencontre du 7 septembre 2023 avec les émissaires de la Caricom. Ils exigeaient la présence du Premier Ministre Ariel Henry qui, lui, était absent. Alors que les signataires de l’Accord du 21 décembre ont été présents lors de cette rencontre.
À bien comprendre le coordonnateur du parti politique UNIR, Clarens Renois, il n’y a rien d’anormal d’exiger que le Premier ministre Ariel Henry soit présent dans une rencontre à travers laquelle on discute des problèmes du pays. « La démarche est normale. Elle est légitime car les représentants de l’Accord du 21 décembre ne peuvent prendre aucun engagement pour le Premier ministre Ariel Henry. Alors que le premier bénéficiaire de cet accord c’est le Premier ministre lui-même », explique l’ancien candidat à la présidence aux élections de 2016.
À travers le comportement de nos acteurs politiques, on peut facilement dire qu’ils accordent peu d’importance au pays en dépit de la souffrance de la population haïtienne, souligne M. Renois. « Une semaine après les événements de Carrefour-Feuilles et deux semaines après le carnage à Canaan, le Premier Ministre Ariel Henry ne fait même pas un Tweet (X, Ndlr) pour condamner ce qui s’est passé dans ces zones. Il ne s’intéresse à rien de qui se passe dans le pays. C’est un manque de respect et du mépris total pour la population. Le Gouvernement ne fait preuve d’aucune responsabilité à l’égard du pays », souligne-t-il.
La situation actuelle du pays est chaotique. Il est temps de s’asseoir autour d’une table et de poser les vrais problèmes du pays et le Premier ministre doit prendre part à ces discussions. « Le pouvoir du Dr Ariel Henry est illégal. Ce n’est pas son pouvoir. Je ne comprends pas pourquoi il refuse de s’asseoir pour dialoguer », s’interroge le leader de l’UNIR.
Les propositions pour résoudre la crise !
Selon Clarens Renois, depuis la réunion à la Jamaïque, les signataires de la Déclaration de Kingston avaient fait une proposition claire de gouvernement bicéphale inspirée de la Constitution haïtienne du 29 mars 1987. « L’objectif c’est de mettre un gouvernement équilibré à la tête du pays pour pouvoir donner des garanties à tout le monde que les préparatifs pour les prochaines élections ne vont pas favoriser un secteur au détriment d’un autre. Et la gouvernance du pays va donner des ordres et des moyens à la Police Nationale d’Haïti pour pouvoir prendre des décisions en vue de rétablir l’ordre et la paix à travers le pays », déclare-t-il en précisant que ce qui est suggéré, c’est d’élargir le HCT en lui accordant des attributions présidentielles et doter le pays d’un Premier Ministre pour équilibrer la gestion de l’État. « La proposition d’en face veut que le Premier ministre reste à sa place et dirige seul comme maître et seigneur », a-t-il indiqué.
Selon lui, le Dr Ariel Henry a fait une première expérience. Et cela n’a pas donné les résultats souhaités. « Il a dirigé seul pendant deux ans sans donner aucun résultat. Je pensais qu’il allait poser un acte magnanime et patriotique en se retirant dans le but d’arriver aux élections le plus rapidement possible », affirme M. Renois. Toutefois, il avoue que ces deux propositions ont besoin d’acteurs flexibles qui sont conscients que la situation du pays est critique et qu’elle ne peut pas rester comme elle l’est.
Deux ans au pouvoir : quel bilan pour Ariel Henry ?
Selon Clarens Renois, les deux années du Premier ministre Ariel Henry à la tête de la Primature, se résument à deux ans d’échec. « Nous avons perdu beaucoup de temps. Ariel Henry a mené le pays dans une catastrophe », dit-il.
Par ailleurs, il importe de rappeler que les représentants de différentes organisations politiques, de la société civile et des membres du Gouvernement en place ayant pris part au dialogue inter-haïtien qui s’était déroulé du 11 au 13 juin dernier à la Jamaïque, ne sont pas parvenus à un consensus qui aurait pu être un pas vers la résolution de la crise multidimensionnelle aiguë que traverse Haïti depuis plus de deux ans. Et aujourd’hui, en Haïti, les émissaires de la Caricom risquent de refaire la même expérience avec des protagonistes qui n’arrivent pas à se dépasser dans l’intérêt du pays, alors la crise ne fait que s’aggraver.
Jackson Junior RINVIL