La lutte pour les droits des femmes en Haïti peut-elle porter ses fruits dans les conditions actuelles?
4 min readÀ l’heure actuelle, il y a plusieurs combats à mener en Haïti. Entre les crises politiques, sociales, économiques et les questions d’inégalité, le débat sur la hiérarchie des luttes en Haïti revient souvent sur la table. Cependant, le 8 mars qui marque la Journée Internationale des Droits des Femmes rappelle encore qu’en matière de droit, Haïti n’est pas prêt de voir le bout du tunnel et qu’en matière de lutte le chemin est bien long.
La Journée Internationale des Droits des Femmes est célébrée en Haïti dans un contexte particulier cette année en raison de la situation socio-politique, économique et sécuritaire du pays. Haïti passe totalement à côté du thème retenu par l’ONU cette année : « Pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes ». Il est triste de remarquer que la terre tourne trop vite pour Haïti car en matière de droits des femmes, ce pays en est encore aux droits fondamentaux. D’ailleurs, actuellement, le Parlement est dysfonctionnel, la justice est quasiment inexistante et les organisations féministes quoique très nombreuses dans le pays sont incapables de répondre correctement à leur mission.
Des réformes au niveau des lois qui visent à protéger les femmes contre des violences et des précarités tardent à venir. D’ailleurs, depuis près de trois ans, le Parlement haïtien est dysfonctionnel. Les notions de législation et de droits sont mises sur pause dans la République, car les mandats de la totalité des Sénateurs et des Députés ont pris fin. De plus, la sous-représentation féminine au niveau du Parlement, depuis sa création en 1806, n’est pas un élément négligeable quant à la qualité et à l’effectivité des lois votées en faveur des droits des femmes et filles haïtiennes. Or, la lutte pour le respect des droits des femmes haïtiennes doit passer par le Parlement. En outre, il faut des institutions et autorités fortes pour faire appliquer les lois.
Il est presque inutile de soulever la question de l’absence d’instances et de structures judiciaires dans le pays. En 2023, les victimes de harcèlement et de violences sexistes et sexuelles en Haïti ne savent pas vers qui se tourner pour déposer plainte et quelle procédure suivre pour la prise en charge du préjudice. D’ailleurs, les policiers et autres agents du milieu judiciaire n’ont pas reçu une formation efficace pour la gestion de ces dossiers tout aussi importants que n’importe quel autre. Sans parler de la question de l’impunité dans les cas de violence dont sont quotidiennement victimes les femmes.
Entre-temps, les organisations féministes font ce qu’elles peuvent avec les moyens disponibles. Même si ces dernières sont présentes en grand nombre dans le pays, elles semblent incapables de donner de bons résultats avec tout ce qui se passe actuellement. D’ailleurs, comment lutter pour le respect des droits des femmes et des filles dans un pays où même les droits fondamentaux de l’être humain sont bafoués et où la dignité humaine n’est plus qu’une expression vidée de son sens ? D’un point de vue réaliste, toutes les institutions du pays sont paralysées par les crises pluridimensionnelles. Et la lutte pour les droits des femmes a pris de sérieux coups.
Les violences s’accroissent. Les chiffres sont désespérants. En effet, depuis la montée en puissance de la violence armée, les cas de violences sexuelles sur mineures, de viols collectifs et de grossesses non-désirées ont largement augmenté. La précarité et la pauvreté chez les femmes notamment deviennent de plus en plus ingérables. De plus, le viol devient un instrument de répression contre les femmes par les groupes armés non seulement pour marquer leurs territoires mais aussi pour inspirer la crainte au niveau de la population.
Aujourd’hui encore, ce sont les mêmes questions qui se posent. Il est vrai que l’instabilité constante qui sévit dans le pays n’aide pas. Certains estiment que plusieurs problèmes doivent être résolus pour toucher les questions de discrimination de genre, l’insécurité doit être éradiquée et la justice remise sur pied pour en finir avec les violences basées sur le genre.
Leyla Bath-Schéba Pierre Louis