La preuve du mépris du Gouvernement Ariel Henry face à la souffrance du peuple haïtien, fournie par le politologue Mathias L. DEVERT
6 min readLe Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes, Jean Victor Généus, a déclaré, lors de la séance du Conseil de Sécurité de l’ONU en date du 26 septembre 2022, qu’il est en mesure d’annoncer qu’à l’exception de quelques cas isolés, la situation est globalement sous contrôle et que le calme est revenu au pays. Pour le politologue Mathias L. DEVERT, ce discours de M. Généus est « la preuve de l’irresponsabilité au plus haut niveau de l’État et témoigne du mépris du Gouvernement face à la souffrance de la population ».
Haïti est en plein chaos. La crise tant au niveau politique, social et économique a empiré suite à la levée de la subvention sur les produits pétroliers. Des mouvements de protestation sont organisés partout dans le pays. Certaines routes principales sont bloquées. Du 26 au 28 septembre 2022, le pays a connu une grève générale suivi de manifestations. Les activités ont été complètement paralysées pour une énième fois. En dépit de cette triste réalité que vit le pays, le Ministre des Affaires Étrangères Haïtiens et des Cultes, Jean Victor Généus, a affirmé devant le Conseil de Sécurité de l’Organisation des Nations Unies « que la situation est globalement sous contrôle et le calme est revenu au pays ».
Selon le politologue Mathias L. DEVERT, l’intervention de M. Généus est la preuve de l’irresponsabilité au plus haut niveau de l’État et également du Gouvernement du Premier Ministre de facto Ariel Henry face à la souffrance de la population. « Il est clair que le ministre n’a pas représenté Haïti dans cette assemblée, il a représenté uniquement un Premier Ministre qui n’a aucun engagement envers le peuple haïtien, qui est uniquement attaché à son pouvoir au point d’être disposé à accepter toute forme de compromis qui lui garantit son maintien au pouvoir ; en témoigne son accord avec la communauté internationale pour annuler la subvention sur le carburant et également son pacte avec Biden pour accepter le retour des migrants haïtiens en violation du principe de non refoulement de la convention de Genève », déclare-t-il.
M. Généus a juste agi en bon serviteur en acceptant de porter la parole d’un Gouvernement qui cohabite avec des gangs, affirme M. DEVERT en précisant que le Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes devait obligatoirement prononcer un discours montrant qu’Ariel Henry a le contrôle de la situation afin que ce dernier puisse continuer à bénéficier de la confiance de la communauté internationale.
Cela étant, à en croire le politologue, le Gouvernement n’a pas atteint son objectif car le chaos, la violence des gangs, l’amateurisme du Premier Ministre et la misère de la population haïtienne ne sont plus un secret pour les chefs d’État du monde.
Coup d’œil sur la diplomatie dans le cas de Jean Victor Généus
Selon Mathias L. DEVERT, un diplomate n’est pas un évangéliste, il n’a pour morale que la défense des intérêts de la nation qu’il représente. « Sauf que dans le cas d’Haïti, nos diplomates ne représentent pas l’intérêt du peuple haïtien, mais plutôt celui du clan qui a facilité leur nomination », affirme-t-il. « Traditionnellement, dans la diplomatie lorsque le chef vous délègue pour le représenter, il sait pertinemment que vous êtes prêt à tout faire pour remplir votre mission même s’il faut mentir», a-t-il ajouté.
La crise haïtienne
Le constat est que la crise haïtienne persiste. Sombre est l’avenir. Les protagonistes de la crise tardent à trouver un accord entre eux. En conséquence, nombreux sont les observateurs et spécialistes qui pensent que le pire est à venir. Mathias L. DEVERT est de cet avis, semble-t-il. « Face au tableau de discorde entre les acteurs et de conflits d’intérêts dans une perspective de main mise sur le pouvoir, il est clair que le pays va tout droit vers un éclatement social », estime-t-il. « Nous sommes face à une crise organique en Haïti où les acteurs politiques toutes tendances confondues ne parviennent pas à trouver la formule qui pourra faire fonctionner le pays », dit-il en précisant que dans ce cas « l’explosion sociale est inévitable ».
Et tout ne va pas s’arrêter là selon lui car il est fort probable que des forces étrangères envahissent le territoire national. « Dans la charte des Nations Unies, il est clairement mentionné au cas où la sécurité et la paix internationale sont menacées, le Conseil de Sécurité se doit d’intervenir », explique-t-il. « De plus, à partir des résolutions de 1988, 1990 et 1991 de l’ONU, la communauté internationale a consacré la naissance d’un nouveau Droit dénommé le Droit d’ingérence humanitaire », a-t-il souligné avant d’ajouter que, lorsque les Droits Humains sont violés constamment et que le Gouvernement est passif ou complice, l’ONU a le devoir d’intervenir.
Que peut faire le Gouvernement pour résoudre la crise actuelle du pays ?
Ariel Henry n’a pas les solutions au problème du pays, constate le politologue. « L’idéal serait de convoquer tous les acteurs de la société civile et de la classe politique autour d’une table pour redéfinir les paramètres du pouvoir », propose-t-il. « Dans ce dialogue, dit-il, aurait pu naître un nouveau gouvernement avec ou sans Ariel Henry, dont la légitimité lui donnerait le droit d’aborder les problèmes conjoncturels et structurels du pays.[…] Car sans cette légitimité, cette acceptation d’autorité Ariel Henry n’est pas différente de l’ombre de Jovenel Moïse, car même en étant Premier Ministre le constat est qu’il ne dirige rien ».
Le dossier relatif à l’assassinat du Président Jovenel Moïse
Jean Victor Généus, Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes a été chargé de faire la lecture du discours du Premier Ministre Ariel Henry lors de la 77e session ordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies. Durant son allocution, il a déclaré : « Je veux ici saluer les propos du président colombien Gustavo Petro qui, à cette tribune, a présenté ses excuses au peuple haïtien pour la participation de mercenaires colombiens dans le meurtre du président Moïse. Il s’agit d’un crime transnational impliquant des ressortissants de plusieurs pays. L’enquête est difficile et complexe. Je veux ici remercier tous les pays concernés qui y collaborent », a-t-il déclaré.
Cependant, pour M. DEVERT, il y a trop de simplicité dans la façon dont le Gouvernement haïtien a abordé la question ayant rapport à l’assassinat de l’ancien Président Jovenel Moïse. « L’assassinat de Jovenel Moïse est un affront au peuple haïtien. Nulle excuse ne peut enlever cette page noire dans l’histoire d’Haïti et également dans ses relations avec les autres nations impliquées de près ou de loin dans cette affaire », affirme M. DEVERT. « La réaction simpliste du Premier Ministre Henry est la preuve du mépris porté à l’assassinat du Président Moïse et de l’absence d’intérêt de ce Gouvernement pour rendre justice au peuple », a-t-il ajouté.
À en croire le politologue, la Colombie n’est utilisée dans ce dossier que comme l’arbre qui cache la forêt en vue de protéger les oligarques, les politiciens haïtiens et également les barons internationaux impliqués dans ce crime.
Jackson Junior RINVIL