La réalité du métier de « Broker » en Haïti
4 min readAvec la montée exponentielle de l’insécurité dans le pays et la question des armes illégales, la douane est au centre de toutes les attentions ces dernières semaines. L’arrestation de Gina Rolls (Broker) est venue mettre le feu aux poudres, faisant mauvaise presse pour un métier qui n’est pas vraiment connu de tout le monde. Pour en savoir davantage sur le métier de « Broker » en Haïti, le journal Le Quotidien News en a parlé avec une personne qui exerce ce métier depuis l’année 2016.
Un « Broker (Commissionnaire en douane) peut être défini comme une personne physique ou morale qui accomplit pour le compte d’autrui les formalités en douane à l’importation et à l’exportation ». En effet, « pour être commissionnaire en douane (broker), on doit d’abord passer par une école de technique douanière pour mieux comprendre le fonctionnement du système d’importation, d’exportation et aussi les procédures de dédouanement. En plus, pour avoir l’agrément et être reconnu par l’Administration Générale des Douanes, vous devez subir un examen organisé par cette même institution. Si vous réussissez l’examen, vous êtes éligible pour l’obtention de l’Agrément moyennant un paiement pour sa validation. Après tout ça, vous êtes reconnu par l’Administration générale des Douanes en tant que Commissionnaire en douane agréé », explique notre interviewé requérant l’anonymat.
Le « Broker » est-il un métier libéral ou un métier faisant partie de l’administration publique ? « On ne peut pas totalement dire que c’est un métier libéral, on peut dire plutôt que c’est un métier libéral règlementé c’est-à-dire régi par un Ordre et nécessitant un diplôme pour l’exercer », a précisé notre source.
Les principales difficultés existantes dans la pratique de ce métier en Haïti
En Haïti, dans la pratique de ce métier, on rencontre pas mal de difficultés. De jour en jour, indique notre interviewé, on constate qu’on rend un peu plus compliquées les formalités de dédouanement. On pense qu’on doit les améliorer pour rendre encore plus simples et plus fiables les processus de dédouanement, malheureusement ce n’est pas du tout le cas, dit-il, estimant qu’on peut rendre fiable un système sans le compliquer plus qu’il ne l’était avant.
« Vous n’êtes pas sans savoir que la douane haïtienne perçoit environ 70 à 80% des recettes de l’État. Alors pourquoi, se questionne-t-il, ne pas améliorer la structure pour donner un meilleur rendement » ? Pour une institution qui rapporte autant à l’État haïtien, il pense qu’on devait la structurer, la simplifier sans avoir un impact négatif sur la rentabilité de l’institution. D’après notre interviewé, parfois, le système douanier ne fonctionne pas bien vraiment et cela représente un autre problème majeur. « Le système peut passer toute une demi-journée sans fonctionner. Vu ce que représente cette institution pour l’État et le pays, il ne devrait pas y avoir des dysfonctionnements du réseau qui durent tout ce temps-là », estime-t-il.
L’insécurité et le débarquement illégal des armes peuvent porter préjudice à ceux qui pratiquent le métier de « Broker »
« Haïti, dit-il, un pays où 85% de la population est exposée régulièrement à l’insécurité sociale. Port-au-Prince, le berceau des gangs armés. Comment quelqu’un peut-il exercer n’importe quel métier dans cette ville sans risquer sa vie ? De nos jours, c’est quasiment impossible. En ce qui concerne le métier de « Broker », c’est encore pire. La douane et ses bases ou entrepôts (endroits où l’on fait l’entreposage des conteneurs, des véhicules et des colis avant le processus de dédouanement) sont tous situés dans des zones à haut risque quotidien pour tous les gens qui pratiquent ce métier ». Et il s’interroge ainsi : «Pour une institution qui rapporte autant à l’État haïtien, pourquoi ne pas au moins assurer la sécurité dans ces zones-là » ?
Pour celui qui est « Broker » depuis environ 6 ans, l’insécurité, en majeure partie, provient des armes illégales dédouanées dans les ports. « Sans aucune exagération, je ne pense pas comment dans ce métier si noble une personne peut accepter de dédouaner des armes illégales qui peuvent être aussi fatales pour lui et sa famille », avance-t-il. Il estime que si ce métier apporte une grande aide au pays, il contribue aussi au grand mal que le pays est en train de vivre depuis les 20 dernières années avec le pullulement des gangs.
« Presque toutes ces armes en circulation sont passées par un port de débarquement. Même quand c’est difficile de l’admettre et triste de le dire, ce métier fait aussi beaucoup de mal au pays notamment aux citoyens qui y vivent. Les armes illégales sont les bases principales de l’insécurité sociale du pays. Personne n’est à l’abri », dit-il tout cru, ajoutant qu’il faut qu’il y ait une réelle volonté pour parvenir à prendre des mesures pouvant aider à contrôler davantage le métier de commissionnaire en douane qui est souvent exposé à la corruption.
JOSEPH Yevgueny O.