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Le danger

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             Il était près de 10h du soir, je venais me refugier comme je le faisais tous les soirs, devant ce magasin, dans ce coin qui est mien, mon adresse. Pendant que je me préparais pour dormir, je vis la porte du magasin s’ouvrir sur une belle femme …. C’était la première fois que je la voyais. Elle me regardait bizarrement comme si elle avait vu un fantôme et elle m’a dit :  » Que fais-tu ici jeune fille ? N’as-tu pas de famille ? «  »

         Et en entendant ces dernières paroles, je me suis mise à rire, à rire aux éclats… Comme une enfant, comme une folle et à travers mon fou rire, à travers cette fausse joie des larmes coulaient de mes yeux, comme si ces paroles venaient de me briser en plusieurs petits morceaux, comme si elles avaient bouleversé mes sens. Ça ne m’arrive pas souvent de pleurer mais cette fois je me suis laissé aller pour toutes les fois où je me suis tu quand j’aurais dû parler, pour toutes les fois où je ne me suis pas défendue quand on me traitait mal. Pour la première fois depuis des années, j’ai pleuré.   Au milieu de mes larmes silencieuses, je l’entendis me dire d’une douce voix : «  » Qu’est ce qui ne va pas? Qui es-tu?! » ».                                       Et elle s’est assise près de moi.

        Raconter ce qui ne va pas…       J’eus un moment de silence avant de répondre. Mais qu’est-ce qui ne va pas ?   En fait, rien ne va. Et qui suis-je ? Moi-même je l’ignore.          Je ne suis personne au milieu de tout le monde, je suis un individu errant dans les rues. Je suis venue au monde par erreur ou par malchance. Je suis le fruit du hasard. Je n’ai ni nom, ni prénom. Je n’ai pas de maison, pas d’adresse. Je n’ai pas d’âge, pas de parents. Je n’ai personne, je n’ai rien.

        Je fais partie de ces enfants qui sont des victimes de la société et qui sont rejetés par cette même société. Je travaille dur pour survivre et gagner ma vie. Et quelle vie?!            Je fais partie de ceux qui se battent sous le soleil afin d’avoir de quoi se nourrir. Je fais partie de ceux qui n’ont personne à qui crier, qui n’ont personne vers qui tourner le regard. Je suis une victime parmi tant d’autres, une victime de ce système, de ce foutu système qui nous malmène, qui nous traite comme des choses. Ce système qui nous traite de voleur mais en réalité. Qui vole qui ?! Parfois, ça m’arrive de leur voler une bourse, un portable ou des choses sans valeur mais eux , ils nous volent nos rêves, notre existence, notre enfance, notre jeunesse, notre vie. 

   Certaines fois, j’ai été contrainte de faire des choses ignobles pour assurer ma survie… J’ai dû mettre de côté ma bonne foi, et ma conscience pour sauver ma peau. Et là où je suis, je suis en danger. Je suis en danger car n’importe qui peut me faire n’importe quoi. Je n’ai pas d’asile. Je n’ai personne pour me protéger ou pour m’aider. Je n’ai personne à qui m’accrocher. Je n’ai personne pour m’aider à me battre. Me battre contre qui ? Contre quoi? Contre eux, contre vous mais finalement je me bats contre moi-même, contre mes semblables et c’est mal, c’est révoltant. Mais ai-je le choix ?! Je dois survivre et dans un monde égoïste ,je dois être égoïste. Pourtant, J’ai peur, peur des gens, peur de moi. Mais les gens ont peur de moi, j’ignore pourquoi. Je suis vulnérable et en danger mais selon eux, c’est moi, le danger. Ils disent que je suis un danger pour leurs sécurité mais c’est parce que je ne suis pas en sécurité. Ils disent que je suis un danger pour leurs enfants, pour l’avenir du pays mais c’est normal car je n’ai pas d’avenir. Et comment ne pas l’être ?! Puisque je suis un danger pour moi-même.

                 Leyla Pierre Louis.

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