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« Le financement étranger légitime l’ingérence étrangère dans les élections en Haïti », selon Fanfan Étienne

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Les élections sont à la base de toute démocratie moderne. Elles permettent aux citoyens de participer politiquement, en choisissant à la majorité, leurs dirigeants. Cependant, le financement international pèse lourd sur les élections en Haïti, et les résultats sont influencés selon certains. Pour le Professeur Fanfan Étienne, le financement international confère une légitimité de fait à la mainmise étrangère sur la politique haïtienne.

Depuis la Constitution de 1987, le pays a entamé sa longue marche vers la démocratisation. La démocratie est proclamée après 29 ans de dictature. Cependant, 35 ans plus tard, le pays peine encore à stabiliser sa démocratie, et les élections représentent un véritable casse-tête. Le financement des élections, lorsqu’elles sont réalisées, dépend largement de l’aide internationale, et pour plus d’un, ceci est loin d’aider au renforcement démocratique.

Pour l’Institut International pour la Démocratie et l’Assistance Électorale (International IDEA), une organisation intergouvernementale dont la mission est de promouvoir la démocratie durable dans le monde, les méthodes de financement des processus électoraux ont une incidence sur leur efficacité et leur intégrité. Dans un rapport publié en 2018 (Le financement des processus électoraux : Un investissement pour une démocratie inclusive et durable) sur les élections dans certains pays d’Afrique, l’IDEA International a souligné la nécessité pour un pays de prévoir un financement national pour les élections, non pas comme s’il s’agissait d’un événement, mais plutôt comme un « investissement dans la cohésion sociale ».

« Il est important de favoriser un changement conceptuel dans le discours sur le financement des élections – qui ne doit pas être considéré comme un coût lié à un événement, mais plutôt comme un investissement dans la cohésion sociale. Un budget national qui finance de solides programmes de sensibilisation électorale peut être considéré comme un indicateur de l’engagement en faveur d’une démocratie inclusive et participative », lit-on dans ce rapport.

Pour le psychologue, professeur, écrivain et initiateur du mouvement « KONBIT », Fanfan Étienne, la mainmise internationale sur la politique haïtienne tire sa légitimité dans le financement par les acteurs des événements nationaux. Les élections n’en sont pas épargnées. « Les élections sont un parmi les meilleurs outils pour le bon fonctionnement d’une démocratie. Elles permettent aux citoyens de participer au choix de leurs dirigeants. Cependant, en Haïti, ce n’est pas la majorité qui choisit en réalité. La communauté internationale impose ses dirigeants au pays, malgré la tenue d’élections. Ensuite, peu de citoyens prennent le chemin des urnes lors de joutes électorales, et même pour eux, l’expérience ne se réalise pas en toute liberté. Bien souvent, le vote se fait marchander, ou est récupéré suivant le bon vouloir de dirigeants locaux », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée au journal Le Quotidien News.

« Le financement international confère aux bailleurs, les « grandes puissances », beaucoup plus de légitimité dans leur diktat de ce qui doit être fait. Le financement étranger légitime l’ingérence étrangère », soutient-il.

Les élections de 2016, une expérience à retenter ?

Les élections du 20 novembre 2016 ont été pour certains un signe montrant que le pays pourrait, s’il le souhaite, se défaire de la mainmise internationale lors des élections. C’est ainsi que pour l’économiste Leslie Péan, le financement haïtien des élections de 2016 pourrait être considéré comme un « acte de souveraineté ». « Cela fait longtemps qu’Haïti s’est privée du droit de financer ses propres élections. Une gageure que le gouvernement intérimaire de JocelermePrivert est en train de tenir. Cet acte de souveraineté ouvre la voie à un voyage introspectif en faveur d’un autre modèle de rapport avec la vie tout court », écrivait-il en août 2016 dans un article titré « Financement électoral, diplomatie et lutte contre la corruption en Haïti », publié sur Alterpresse.

Pour le Gouvernement d’alors, ce fut un pari réussi. C’est ce qui devrait devenir la règle dans le pays. « Nous avons réussi le pari d’organiser les élections avec nos propres ressources. C’est une bonne chose qu’il va falloir continuer et nous comptons déposer au Parlement, peut-être à la fin de la semaine, un projet de loi pour que les élections soient financées à partir des ressources du pays… », avait déclaré le ministre des Finances, Yves Romain Bastien, propos recueillis alors par le quotidien Le Nouvelliste.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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