Le Gouvernement dit rejeter la corruption, la communauté internationale agit contre des présumés corrupteurs
5 min readLe niveau de la corruption qui gangrène le pays a atteint, ces dernières années, des proportions des plus démesurées. La violence armée engendrée par la montée du grand banditisme dans le pays a exacerbé le phénomène, et la multiplication des sanctions internationales à l’encontre de différentes personnalités du pays continuent de mettre en lumière des présumés responsables. D’un autre côté, le Gouvernement en place indique avoir pris ses distances contre la corruption.
Tandis que le pays connaît une récession économique sans précédent, les réseaux criminels semblent proliférer à grande vitesse, provoquant ainsi une accélération de la dégradation des conditions de vie. Depuis le début des sanctions à l’encontre des principaux chefs de gang, ainsi que d’autres personnalités des secteurs politiques et économiques du pays, l’insécurité qui règne en maître dans les principales villes a désormais des visages, mis à nu par les États-Unis et le Canada, auteurs d’une liste de dizaines d’individus.
Récemment, le vendredi 9 décembre dernier, deux autres personnalités politiques de haut rang ont été ajoutés à la liste des sanctionnés, pouvait-on apprendre dans un communiqué de l’ambassade américaine : Romel Bell, ancien directeur général de l’Administration Générale des Douanes, et Rony Célestin, ancien Sénateur de la République, pour « Corruption considérable ». Accusées de financement des activités criminelles de gangs armés, de corruption ou encore de blanchiment d’argent, d’autres personnalités pourraient bientôt se retrouver sur la liste des sanctionnés par l’Organisation des Nations Unies à partir de janvier 2023, selon des révélations faites par la congresswoman Sheila Cherfilus Mc Cormick – américaine d’origine haïtienne – au journal « La Voix de l’Amérique » le mardi 13 décembre.
Le Canada finance la lutte contre la corruption en Haïti
Le 9 décembre dernier, le Gouvernement canadien a réaffirmé sa détermination à aider dans la lutte contre la corruption en Haïti à l’occasion de la « Journée Internationale contre la corruption » au moyen d’un financement à hauteur de huit millions de dollars, dont 5 millions seront consacrés à une initiative multilatérale menée par l’OEA et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Ces fonds serviront, disent-ils, à « renforcer la capacité des institutions juridiques haïtiennes à enquêter, poursuivre et juger les cas de corruption et de criminalité économique, de blanchiment d’argent et d’infractions connexes, ainsi qu’à améliorer le partage d’informations avec les partenaires internationaux, y compris au Canada, sur le crime organisé transnational », selon une note publiée par le bureau du Premier Ministre canadien.
Le Sénateur Hervé Fourcand convoqué au Parquet des Cayes
Les accusations portées par les États-Unis et le Canada semblent avoir attiré l’attention du Commissaire du Gouvernement près du Tribunal de Première Instance des Cayes, qui a invité l’ex-sénateur Hervé Fourcand – sanctionné par le Département du Trésor américain pour trafic illicite de drogues, – à se présenter en son office, le mardi 20 décembre à venir. Sanctionné également par le Canada le 21 novembre dernier, l’ex-parlementaire a été accusé d’utiliser son « statut d’ancien ou d’actuel titulaire d’une charge publique pour protéger et permettre les activités illégales de gangs criminels armés, notamment par le blanchiment d’argent et d’autres actes de corruption », selon un communiqué publié par « Affaires Mondiales Canada ».
Le Chef du Gouvernement dit prendre ses distances contre la corruption
À l’occasion de la Journée Internationale contre la Corruption célébrée le 9 décembre, le Premier Ministre de fait, Ariel Henry, n’a pas manqué de tenir des propos contre la corruption. «Célébrer cette Journée Internationale de lutte contre la corruption, dit M. Henry, revêt pour nous un double sens. Premièrement, il s’agit d’affirmer avec conviction le rejet du Gouvernement que je dirige de la corruption et de ses manifestations multiples en priorisant dans nos démarches la transparence et la reddition de comptes, et deuxièmement, de faire corps avec les 189 États signataires de la susdite Convention pour, comme le thème de cette année le précise, « Unir le monde contre la corruption ».
Le secteur privé des affaires ciblé par les sanctions de la communauté internationale
Étant parmi les principaux créateurs de richesses, le secteur privé haïtien est plus que jamais divisé après les sanctions édictées à l’encontre de plusieurs éléments de l’élite économique du pays. Accusés « d’utiliser leur statut de membre très en vue de l’élite économique en Haïti pour protéger et permettre les activités illégales de gangs criminels armés », Gilbert Bigio, Reynold Deeb et Sheriff Abdallah, trois ténors de l’économie haïtienne ont été sanctionnés par le Canada.
Après l’appel lancé le 8 décembre dernier par « des organes institutionnels principaux du secteur privé » au moyen d’une note de presse « supportée par plusieurs entreprises et entrepreneurs » dans lequel ils appellent à former un « gouvernement d’unité nationale », plusieurs institutions du secteur privé ont pris leurs distances. Alors que des individus proches des personnalités ciblées sont signataires de la Note de presse du 8 décembre, la Chambre du Commerce et de l’Industrie (CCI) du Sud se dit ne pas être concernée. « Cette Note n’engage que ses signataires », a indiqué la CCI du Sud dans une Note publiée le 11 décembre 2022. L’institution dit refuser de se ranger aux côtés « d’un petit groupe de décideurs qui défendent les intérêts de leur clan, au mépris de ceux d’une population appauvrie par l’avarice des insatiables ».
Alors que la situation économique, politique et sécuritaire s’aggrave dans le pays, les pistes d’une réelle solution semblent disparaître peu à peu. Avec la corruption et l’instabilité qui règnent dans presque tous les secteurs de la vie nationale, l’espoir se fait rare, et beaucoup ne jurent désormais plus que par l’intervention de la communauté internationale.
Entretemps, le Gouvernement du Premier Ministre Ariel Henry continue de faire ses promesses, et annonce des changements importants pour 2023. « L’année 2023 sera une année où l’Etat s’attèlera à créer des conditions propices à la restauration de l’ordre public, de la stabilité socioéconomique et à garantir un climat de sécurité indispensable à l’organisation des élections libres, transparentes et démocratiques », a-t-il déclaré ce 15 novembre sur son compte Twitter.
Clovesky André-Gérald Pierre