Le Palais de justice de Port-au-Prince assiégé : les autorités ne réagissent pas encore
4 min readLe vendredi 10 juin 2022, le Palais de Justice de Port-au-Prince a été l’objet de violentes attaques armées menées par des gangs opérant dans la 3e circonscription. Une semaine après, les autorités judiciaires et policières n’ont toujours pas repris le contrôle du symbole de la justice se trouvant au bicentenaire. Dans une note sortie cinq jours après l’attaque, le Commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, impuissant, se dit entre autres, « consterné »…
Près de cinq jours après l’attaque survenue au Palais de Justice de Port-au-Prince, le Commissaire du gouvernement Me Jacques Lafontant essaie de se dédouaner de toute responsabilité. En effet, le commissaire a fait savoir qu’il avait demandé au Directeur Départemental de l’Ouest 1 (DDO) de la Police Nationale d’Haïti (PNH) de l’ « accompagner sous escorte policière » avec au moins deux (2) blindés pour qu’il puisse se rendre au Parquet de Port-au-Prince » pour des fins de constats mais le directeur a été réticent à sa requête.
« Le Commissaire du Gouvernement se voit dans l’obligation de vous adresser cette réquisition formelle puisque vous lui avez signifié votre réticence lors de notre dernier entretien téléphonique, soit le dimanche 12 juin 2022, arguant que vous devriez avoir l’avis de votre supérieur hiérarchique pour l’accompagner au Parquet aux fins de constat », peut-on lire dans une correspondance datée du 15 juin 2022. Entre temps, faut-il le signaler, l’une des questions qui revient souvent dans les débats au sein de la société haïtienne est la suivante : est-ce que les autorités ont vraiment la volonté de résoudre le problème de l’insécurité à Martissant ? ».
Parallèlement à cette correspondance, le CG a rendu publique une note de presse le même jour dans laquelle il assimile les attaques armées contre le Palais de justice de Port-au-Prince à « un attentat contre la sureté de l’État ; puisque celles-ci visent à saper le fondement d’un symbole régalien de l’État ». Après cinq jours, le Commissaire du Gouvernement « se dit interpellé et consterné par les dégâts enregistrés suite à ces attaques armées et annonce déjà l’ouverture » d’une « information judiciaire contre les auteurs, co-auteurs, et complices de ces actes ». À l’instar des nombreuses enquêtes qui n’ont jamais abouti jusqu’à date, l’on craint déjà que ces actes criminels ne passent dans la catégorie ayant pour même refrain : « l’enquête se poursuit ».
Par ailleurs, le Commissaire du Gouvernement a indiqué également avoir déplacé à titre provisoire au Tribunal de Paix de la section Sud de Port-au-Prince, les services suivants : « le service de légalisation des actes, le service de la plainte, la délivrance d’exéquatur ». Faut-il faire remarquer que ces services peuvent donner, entre autres, une idée des dossiers, des archives qui sont sous le contrôle des individus armés. Selon le président de l’Association Nationale des Greffiers Haïtiens (ANAGH), Martin Ainé qui était sur les lieux le jour de l’attaque, plus de quatre jours après, l’espace du dit tribunal est toujours « occupé par des individus lourdement armées ». Une semaine après ces attaques, soit le vendredi 17 juin 2022, les autorités au plus haut de l’État n’ont toujours pas fait d’annonce indiquant une quelconque reprise en force du Palais de Justice.
Alors que depuis des années la communauté internationale ne cesse de clamer vouloir aider la PNH dans sa lutte contre les gangs armés. Certains de ces pays faisant partie de cette communauté ont même trouvé le moyen d’aider l’Ukraine dans son conflit contre la Russie. Les discours sur le cas d’Haïti ne manquent toujours pas au niveau international.
« Une fois de plus, nous exprimerons tous notre préoccupation concernant les tendances mises en évidence dans ce rapport, ainsi que les rapports plus récents d’attaques contre un Palais de Justice à Port-au-Prince. Une fois de plus, nous condamnerons le bilan horrible que la violence continue fait peser sur les femmes et les enfants en Haïti », a déclaré l’ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, Linda Thomas-Greenfield le 16 juin 2022 lors de la réunion du Conseil de sécurité des Nations-Unies en Haïti tout en soulignant que son pays continue à fournir de l’assistance à la PNH.
Rappelons que ces attaques contre le Palais de Justice sont survenues après que deux autobus assurant le trajet de Miragoâne/Port-au-Prince ont été détournés et séquestrés le 10 juin dans la matinée par des bandits à Martissant avec une trentaine de passagers. Ces derniers ont été relâchés par la suite. Les autorités policières ont abandonné le sous-commissariat de Martissant depuis pratiquement un an, occupé maintenant par des groupes armés. Est-ce qu’on va encore assister au même scénario pour le Palais de Justice de Port-au-Prince ?
Wisly Jean Baptiste