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« Le pays est au four et au moulin quand il s’agit des négociations sur le changement climatique », estime le professeur Kenel Delusca

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L’écologie politique est aujourd’hui un sujet des plus importants. Jamais l’humanité n’a eu à relever pareil défi. La planète se réchauffe, le niveau des océans augmente, des écosystèmes entiers sont détruits, et des espèces sont en voie de disparition. Haïti, petit État insulaire du bassin des Caraïbes, est confrontée à cette nouvelle réalité, mais les capacités de résilience sont relativement faibles. Pour le professeur Kenel Delusca, « le pays est au four et au moulin quand il s’agit des négociations sur le changement climatique ».

La 27e Conférence des Parties qui s’est déroulée en Égypte pendant deux semaines jusqu’au dimanche 20  novembre dernier a mis en avant des enjeux parmi les plus importants du changement climatique : la question des pertes et préjudices, le financement de l’adaptation et de l’atténuation, les circonstances particulières des pays africains, et la question du rehaussement des ambitions en matière d’atténuation pour maintenir l’augmentation de la température moyenne à 1.5 degré par rapport à l’époque préindustrielle. Cependant, pour plus d’un, la COP 27 n’a pas donné les résultats escomptés, malgré la signature d’un document sur la mise en place d’un fonds spécifique  en dédommagement des pertes et dommages.

Dans une interview accordée au journal Le Quotidien News, Dr Kenel Delusca, Président du Groupe d’Experts des pays les moins avancés de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Directeur-associé à la firme de Conseils Unité Caribbean et Professeur associé à l’ISTEAH, estime que des avancées ont eu lieu sur certains aspects, notamment sur la question du « réseau de Santiago sur les pertes et préjudices », bras technique pour les efforts d’éviter, amoindrir et se relever des pertes et préjudices.

« Quand on parle de pertes, ce sont les dégâts causés et qui présentent un caractère irréversible, par exemple les pertes en vies humaines suite aux événements climatiques extrêmes comme les ouragans majeurs. Quant aux dommages, il y a les moyens de subsistance qui sont généralement touchés par les événements climatiques extrêmes », explique le professeur Delusca.

Selon l’expert, la question du financement des pertes et préjudices est d’une importance capitale, surtout pour les pays moins avancés, subissant de plein fouet les effets du changement climatique. « Les pays les moins avancés sont généralement des pays qui dépendent soit de l’agriculture ou des activités basées sur l’exploitation des richesses naturelles. Donc, avec le passage des événements climatiques extrêmes, les moyens de subsistance des communautés de ces pays sont généralement touchés comme c’est le cas en Haïti lors du passage de cyclones, de pluies intenses, ou d’épisodes de sécheresses, etc. », explique-t-il.

1.5º, un seuil à ne surtout pas dépasser

La température moyenne augmente de façon exponentielle depuis la période préindustrielle. Le progrès tant apprécié présente aujourd’hui ses revers, les émissions de gaz à effet de serre fait augmenter la température, ce qui est la cause de profonds déséquilibres au niveau des écosystèmes. Une augmentation de 1.5º de la température de la planète par rapport au niveau préindustriel aurait un impact considérable sur tous les pays, notamment sur les Petits États Insulaires en Développement et sur les Pays les Moins Avancés, rappelle le professeur Kenel Delusca.

« Tout dépassement de ce seuil risque de se traduire par des dégâts sans précédent, des déséquilibres dans les écosystèmes et la disparition des espèces et même de certaines communautés, de certains États insulaires en développement », prévient-il. L’exemple est criant dans le bassin des Caraïbes, la mer y est à présent dangereuse. « Des rapports ont montré que le niveau de la mer a déjà augmenté dans la région des Caraïbes, et avec l’amplification du changement climatique, ça va augmenter davantage. La hausse du niveau de la mer est une réalité, ce n’est pas une farce. Elle a déjà été observée, et risque  de s’amplifier », prévient M. Delusca.

Parmi les plus grands pollueurs, beaucoup œuvrent dans le but de limiter leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, mais le meilleur reste à faire. « Des rapports ont montré que beaucoup de pays du G-7 ont pu effectivement réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, pas au niveau espéré, mais des efforts ont été faits. Par contre, d’autres pays du G-7 trainent un peu des pieds et n’ont pas encore pu réduire leurs émissions de gaz à effet de serre », rappelle l’expert.

Haïti, victime de premier plan

Les pays les plus vulnérables face aux effets du dérèglement climatique sont pour la plupart ceux qui contribuent le moins à engendrer la catastrophe. Avec plus de la moitié de sa population victime de l’insécurité alimentaire, Haïti subit déjà les effets. « Haïti est vraiment touchée par la question du changement climatique. Que ce soit les déplacés climatiques, l’érosion des moyens de subsistance ou l’érosion de la biodiversité. Donc je pense que le pays est au four et au moulin quand il s’agit des négociations sur le changement climatique et les capacités sont relativement faibles », explique le Président du groupe d’experts des PMA. Le pays a accusé une perte estimée à près de 400 millions de dollars en 2020 à cause des effets du changement climatique, selon les déclarations de la délégation haïtienne à Charm el-Cheikh.

Pour le professeur, les jeunes et les universitaires ont un grand rôle à jouer dans la lutte contre les effets du changement climatique dans le pays. « Je dirais aux jeunes et aux universitaires qu’il s’agit là d’une problématique qui menace la stabilité sociopolitique du pays, qui menace les moyens de subsistance des Haïtiens et Haïtiennes, notamment des plus vulnérables, donc il faut prendre cette question au sérieux. Il faut – au niveau des universitaires – qu’ils arrivent à effectuer des recherches qui peuvent alimenter les politiques, et qu’ils fassent le plaidoyer pour que désormais il y ait une culture d’utilisation de la science dans les processus de prise de décision. Je dirais aux jeunes qu’il en va même de leur avenir, il faut qu’ils s’impliquent pour faire du plaidoyer afin de conscientiser le plus de monde possible sur cette question et d’amener les décideurs à prendre les vraies décisions pour juguler et réduire les impacts de ce phénomène sur le pays de façon générale, et sur les plus démunis notamment ».

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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