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« Le sentiment général est qu’il sera difficile d’aller de l’avant sans s’attaquer efficacement à l’insécurité endémique »

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L’insécurité en Haïti a atteint ces derniers jours des proportions extrêmes, entre lynchages publics, attaques de gangs armés, ripostes de la police et de la population. Lors d’une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU ce 26 avril 2023, la nouvelle Représentante spéciale du Secrétaire général en Haïti, Maria Isabel Salvador, a plaidé pour une action urgente contre l’insécurité.

La violence armée atteint chaque jour un niveau de plus en plus inquiétant pour les millions de Haïtiens qui vivent dans le pays. Plus de 1 600 incidents criminels ont été répertoriés au cours du premier trimestre de l’année 2023, selon les données recueillies par la Police Nationale d’Haïti et le BINUH. « Le nombre d’homicides signalés a augmenté de 21 %, soit 815 homicides entre le 1er janvier et le 31 mars, contre 673 au cours du dernier trimestre de 2022. Le département de l’Ouest en comptabilise 80 % à lui seul. Par ailleurs, 637 enlèvements ont été enregistrés au cours du premier trimestre de 2023, contre 391 au cours des trois derniers mois de 2022, ce qui représente une augmentation de 63 % », lit-on dans un rapport du BINUH fait au Secrétaire Général de l’ONU en date du 14 avril 2023. 

« Les affrontements entre bandes armées, entre ces dernières et la police sont de plus en plus violents et fréquents. Ils font de nombreuses victimes civiles et entraînent la destruction de biens et le déplacement de civils, ce qui ne fait qu’accroître la vulnérabilité de la population et la nécessité d’une aide humanitaire », a fait savoir le BINUH dans son rapport.

« Le temps presse et le peuple haïtien mérite votre action urgente », estime Maria Isabel Salvador 

Aujourd’hui encore, la communauté internationale continue de déplorer l’aggravation de la situation sécuritaire en Haïti. Malgré les multiples réunions du Conseil de Sécurité sur la question, et beaucoup d’autres au niveau bilatéral, en particulier entre les États-Unis et le Canada, aucune action n’a été entreprise à part l’établissement d’un régime de sanctions à l’encontre de certaines personnalités. Encore indécis entre la constitution d’une opération de maintien de la paix ou un appui aux forces de l’ordre locales, le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est réuni une nouvelle fois ce  26 avril, et la nouvelle Représentante spéciale du Secrétaire Général dans le pays, Maria Isabel Salvador, estime que le pays ne peut plus attendre.

« Le temps presse et le peuple haïtien mérite votre action urgente. S’il n’est pas soutenu, le cercle vicieux de la violence, de la crise politique, sociale et économique, contre lequel le peuple lutte chaque jour, continuera », a déclaré Mme Salvador. 

Selon elle, la population est terrorisée dans un climat de violence extrême. « L’horrible violence dans les zones infestées de gangs, y compris la violence sexuelle, en particulier contre les femmes et les filles, est emblématique de la terreur qui afflige une grande partie de la population haïtienne », a-t-elle déclaré.

« Les enfants sont parmi les victimes des crimes les plus odieux, notamment les meurtres, les enlèvements et les viols. Au cours des trois derniers mois, des écoliers ont été touchés par des balles alors qu’ils étaient assis dans leurs salles de classe et enlevés alors qu’ils étaient déposés à l’école. En outre, de nombreuses écoles ont fermé à la fin de l’année dernière en raison de la violence et de l’extorsion par les gangs. Malgré la plupart des réouvertures au début de 2023, de nombreux enfants ne sont pas retournés en classe en raison de violences à proximité de l’école ou dans leur quartier, ou de l’incapacité de leurs familles à payer les frais de scolarité », a-t-elle ajouté.

Mme Salvador qui a succédé à  Helen La Lime comme Représentante spéciale du Secrétaire général de  l’ONU en Haïti semble croire, comme beaucoup d’autres, que la solution au problème de l’insécurité qui paralyse le pays doit être un prérequis à tout effort pour aller de l’avant. « Au cours de mes premiers échanges et interactions, j’ai observé qu’une voie permettant aux Haïtiens d’engager un dialogue vers la restauration des institutions démocratiques dans le pays a été tracée. Cependant, le sentiment général est qu’il sera difficile d’aller de l’avant sans s’attaquer efficacement à l’insécurité endémique ».

La Police Nationale réagit, mais les moyens sont limités

En début de semaine, la situation a dégénéré dans certains quartiers de la capitale. Turgeau, Canapé-Vert, La Grotte, Debussy, Débrosse, etc., tous des quartiers attaqués par des groupes armés au matin du  24 avril. La population ainsi que les forces de police locales ont riposté autant que possible afin d’éviter que ces quartiers ne tombent sous le contrôle des gangs armés. Pour le Ministre haïtien des Affaires Étrangères qui intervenait lors de cette réunion du Conseil de Sécurité, la situation est insoutenable, et il appelle lui aussi à des actions urgentes.

« La situation s’est considérablement détériorée durant les 48 dernières heures. Les scènes épouvantables de violence, enregistrées dans les rues de Port-au-Prince, traduisent la colère exaspérée d’un peuple qui ne peut plus accepter de subir passivement la violence des gangs. Le spectre effrayant d’affrontements violents se dessine déjà avec des conséquences néfastes qu’on peut s’imaginer. Il faut agir vite avant qu’il ne soit trop tard », a déclaré le Chancelier haïtien Jean Victor Généus.

Mme Salvador, elle, estime que la Police Nationale d’Haïti fait son maximum pour contrer la violence des gangs malgré les moyens limités, et enjoint presque la communauté internationale à les soutenir. « La police nationale a réussi à monter des opérations anti-gang efficaces, mais la préservation de ces gains de sécurité n’est que momentanée. On ne saurait trop insister sur la nécessité d’un soutien international urgent à la police pour faire face à la détérioration rapide de la situation sécuritaire », a-t-elle déclaré.

Face à des autorités qui semblent être dépassées par la situation et une police nationale limitée en ressources, la violence continuera-t-elle à régner dans le pays tout comme la corruption et les crises institutionnelles ? Face à cette situation, les défis sanitaires, ceux au niveau de l’éducation, la nécessité d’organiser des élections ou autres, bien qu’incontournables, paraissent secondaires. Rester en vie jusqu’à la prochaine heure, une tâche déjà bien difficile pour des millions d’Haïtiens.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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