L’ère des opportunistes
3 min readUn verre totalement vide est prêt à recevoir n’importe quel contenu. Inerte de son état, il ne porte aucun jugement de valeur sur la matière qui le remplit. Liquide ou solide, il ne s’en soucie guère.
À ce stade où il se trouve, rongé par une crise multiforme, le pays est pareil à cet ustensile vide. Chacun se lance dans une course contre la montre pour être le contenu nécessaire. Politiques, gangs, communauté internationale, etc.
Dans les anciens éditoriaux du journal, nous avons attiré l’attention sur le syndrome du chef qui est à la base de cette crise structurelle. Chacun a sa solution dans son cartable. Néanmoins, la situation ne fait qu’empirer.
Tout comme les politiques, les gangs se divisent et se contredisent. Perdue, la population croise ses bras et observe tout en souffrant amèrement. Cette fois, ce ne sont pas les laissez-pour-compte qui vont choisir entre » nèg serye ak vagabon », le triste discours de l’ère Michel Martelly et Mirlande Manigat, mais ce sont les acteurs qui sortent leur arsenal et se préparent à prendre d’assaut les rênes du pays.
Les politiques n’arrivent pas à s’entendre sur une sortie de crise. Tous attendent l’ordre de l’oncle Sam. Ils se contentent de marcher sur le sang et au milieu des cris de détresse assourdissants des frustrés. Ils font de la Nation leur marchepied.
Parallèlement, les asservis civils armés qui gèrent des millions de dollars en terme d’armes et de minutions, se fixent plusieurs objectifs divergents. Ils sont accusés de kidnapping, de tuerie, de vol, de tout et de tout. Ils se querellent entre eux. En même temps, ils se présentent en libérateurs de la Nation.
Le vase est vide, toutes les catégories veulent tenter leur chance. Le pays touche finalement le fond de l’abîme. N’ayant pas les moyens politiques, un chef de gang opte pour la dialectique des armes et lance un ultimatum à Ariel Henry et son équipe. Il va diriger la révolution pour le bien-être de la nation. Paradoxal.
Pour commencer la révolution et montrer que la démarche n’est pas réellement réactionnaire, il faudrait que le concerné raconte au public ses sources de financement. Il faut aussi qu’il parvienne à réellement fédérer les gangs et s’en prendre aux vrais conservateurs et patrons du système. La révolution doit impliquer la confiance populaire. Que faire des gangs qui ont gagné des millions de dollars dans les activités du kidnapping?
La révolution trouverait l’approbation de plus d’un, mais la tactique semble être plus politique que patriotique. Jovenel n’est plus, Ariel partira, un autre viendra et ce sera du pareil au même. Il faut d’abord réconcilier la Nation. Il faut tourner les armes contre ceux qui financent le crime dans le pays. Là, et seulement là, vous montrerez votre bonne volonté de tout changer.
Dommage qu’on soit arrivé à ce point où l’on sent, ‘à mesure que s’écoulent les heures, qu’on s’approche davantage d’une guerre civile. Une sortie de crise paisible et haïtienne est nécessaire. Nous sommes devenus tristement célèbres. Gardons-nous de ne pas répéter la honteuse histoire de Jovenel. Le leader révolutionnaire qui empêche le fonctionnement de Varreux a déjà mis en déroute le chef de la Primature. Qui ose penser qu’il ne peut pas récidiver?
Daniel Sévère
danielsevere1984@gmail.com