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Les désastreuses conséquences de l’insécurité pour le peuple haïtien

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Depuis la chute de la dictature des Duvalier en février 1986, un climat d’insécurité aveugle accompagné d’impunité s’est installé dans notre pays. Toutes les couches sociales sont frappées par le phénomène qui a pris des proportions infernales avec la crise politique que connait le pays et plus particulièrement depuis juillet 2018. Nous avons assisté à des massacres horribles comme ceux de La Saline en novembre 2018 et de Bel Air en novembre 2019. Les parents des victimes et la société attendent encore justice et réparations.

De nombreux citoyens particulièrement engagés de par leurs fonctions au service du pays ont perdu la vie suite à des actions criminelles restées  sans suite judiciaire. La liste des crimes serait trop longue dans le cadre de cet article. Nous soulignons juste quelques cas parmi des milliers enregistrés par la presse :  Robert Marcello responsable de la Commission Nationale des Marchés Publics (CNMP) enlevé le 12 janvier 2009, le Directeur de la Banque Nationale de Crédit (BNC), Guiteau Toussaint abattu chez lui le 12 juin 2011, de nombreux autres cas d’assassinat enregistrés, celui de l’informaticien Stephen Bruno, 42 ans,  le 15 juin 2016, de la doctoresse Frédérique Viau, 32 ans,  le  5 juin 2017,  du Père Joseph Simoly,  le 21 décembre 2017,  du Colonel Ramus Sainvil, le 30 mai 2019, des journalistes Pétion Rospide le 10 juin 2019 et Néhémie Joseph le 10 octobre 2019, de  l’agronome Frantz Nelson, le 8 novembre 2019, de Michael Licius ancien haut cadre de la Police Nationale, le 1e décembre 2019, de l’ex-policier  Gaudy Salomon,  39 ans et de sa fille Alice Siarrha de 13 ans  le 23 janvier 2020, Jean Rubens Eugène, 28 ans, le 10 février 2020, l’assassinat du Bâtonnier Monferrier Dorval le 28 août 2020, etc. Des cas de viols sordides sont enregistrés comme celui de 5 femmes tirées d’un bus reliant le Cap à Port-au-Prince à Gran Latanye (Pignon) le 3 février 2020. Les passagers de ce bus ont été dépouillés de leurs avoirs par les bandits.

« Les politiciens et l’élite économique transforment le pays en enfer, dit Roudy Bernadin dans Haïti-Économie du 17 février 2020….les entreprises les plus puissantes unissent leurs forces aux pires dirigeants politiques pour capturer l’État et créer un système qui ne fonctionne que pour elles. Au fil des ans, le système a rendu de nombreux dirigeants politiques riches et méchants, et la seule façon dont ils savent acquérir des richesses est la corruption ».

L’ex-Coordonnateur de « Éducation Pour Tous » (EPT), programme financé par la Banque Interaméricaine de Développement (BID), Norbert Stimphil, suite  à l’attaque sauvage contre sa résidence le 29 octobre 2017, a dû laisser le pays pour protéger sa vie et celle de sa famille.

Ce climat d’insécurité (kidnappings, assassinats, attaques contre des camions de transports de marchandises, viols, etc.) qui règne dans l’ensemble du pays anesthésie tout progrès économique et social. Et il est vraiment triste d’apprendre que des membres des élites politiques et économiques alimentent ces gangs qui sèment le deuil et la désolation dans de nombreuses familles.

Une économie dynamique est une économie qui attire des investisseurs nationaux et étrangers, et ce sont les investissements qui permettent de créer des emplois pour les citoyens, de produire des biens et services,   d’exporter vers l’étranger, d’attirer des touristes. Le capital financier nécessaire pour la relance économique a deux ennemis : l’insécurité au sens large (physique, juridique, sanitaire…) et l’instabilité politique.

Depuis le tremblement de terre de 2010, des responsables politiques proclament qu’Haïti va s’ouvrir aux investissements. Les capitaux existent pour notre pays et attendent que les conditions nécessaires soient remplies, à savoir une administration compétente et saine (non corrompue), la stabilité politique et la sécurité.

Un développement durable et soutenu n’est possible que dans un climat de sécurité maximum et de grande stabilité politique. Les cas sont légion : Allemagne, Danemark, Norvège, Luxembourg, Pays-Bas, Rwanda, Singapour,  Suisse, etc. Tous ces pays sont d’une étincelante prospérité grâce à leur grande stabilité politique et à leur haut degré de sécurité (physique, juridique et sanitaire). La richesse de ces pays repose aussi sur un système d’éducation de très haute qualité qui attire aussi les investisseurs étrangers.

A cause de l’insécurité actuelle, Haïti perd des milliards de dollars par année. Les milliards transférés actuellement par la diaspora repartent vers l’étranger pour payer les produits importés. Notre pays ne produit pas assez et n’exporte presque rien en termes de biens et de services. Les touristes ont fui notre si beau pays. Pourtant, la conjoncture n’a jamais été si favorable pour l’industrie touristique haïtienne malgré la pandémie. Ses enfants qui travaillent à l’étranger ne rentrent plus au pays pour les rendez-vous traditionnels à Noël, Pâques, pour les fêtes patronales. Leur apport en dollars verts va, malheureusement pour Haïti et les Haïtiens, à d’autres pays plus stables et plus sûrs. De plus, une minorité de ces migrants (diaspora) dispose de gros moyens qu’ils préfèrent investir dans des pays où la sécurité est garantie. Quant à l’aide internationale, elle  a ses exigences qu’Haïti a de la peine à remplir. Et c’est une aide qui n’a pas pour objet de développer un pays.

En résumé, sans exportations, sans touristes, sans aide internationale, avec des transferts en diminution, les dollars verts ou d’autres devises se raréfient et notre gourde devient ˮzòrèy bourikˮ. Il faut en mars 2022 un peu plus de 100 gourdes pour avoir 1 dollar américain. Et la situation peut encore empirer, notamment sur le marché informel.

Conséquences : le pays s’enferme dans un cercle vicieux de misère avec des millions de chômeurs condamnés à l’exil ou à une mort lente et indigne.

Les milliers de diplômés qui sortent chaque année des universités et des écoles professionnelles vivotent sur place ou cherchent par tous les moyens à fuir le pays.

Si cette situation d’insécurité et d’instabilité perdure c’est qu’il y a des forces occultes intérieures et extérieures qui ont leurs raisons  à ce qu’Haïti reste immergé dans cet état de décomposition physique, économique, morale et sociale.

Quel avenir pour Haïti, l’ancienne Perle des Antilles ?

Un  changement souhaitable ne peut venir que d’une prise de conscience des forces morales et de toute la société consciente, j’entends  les divers corps religieux, catholiques, réformés, vodou et autres, les universités, les syndicats, les chômeurs, les paysans, les femmes, les jeunes, les partis politiques organisés. Il est impératif qu’ils unissent leurs forces avec des objectifs clairs et précis et s’engagent résolument dans une lutte obstinée pour sortir le pays du cauchemar actuel.

En acceptant passivement l’inacceptable, nous sommes en train de basculer, peut-être sans nous en rendre compte dans une nouvelle catastrophe duvaliérienne avec des Tontons macoutes plus exécrables que ceux des années 1957 à 1986.

Le changement véritable dépend de notre volonté. Toute hésitation, tout retard pour une action concrète et solidaire risque de nous conduire tout droit à une sorte de suicide collectif.

Damien François

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