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Les élections et les institutions étatiques en Haïti

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Les nombreuses institutions étatiques, ces derniers temps, peinent à remplir leur fonction. Durant 35 ans de transition démocratique, Haïti n’est jamais parvenu vraiment à instaurer un système électoral stable, fiable et garant de la stabilité politique. Contacté par la rédaction de Le Quotidien News, Mikerlange Registre, un jeune militant politique, stratégique manager, fondateur de la Coalition de la Jeunesse Haïtienne (CJH) et signataire de l’Accord pour la Paix Sociale et la Stabilité Politique (APSSP), partage ses impressions avec le public.

Le Quotidien News (LQN) : Depuis 35 ans Haïti a choisi la démocratie comme régime politique, avec comme point d’ancrage des élections dites libres et démocratiques.  Est-ce que cela a été un bon choix selon vous?

Mikerlange Registre (M. K.) : Le choix d’un régime politique est souvent le fruit d’une dynamique sociopolitique provoquée par un certain malaise au niveau du corps social. Autant dire que c’est normal qu’un peuple, à  partir d’un moment donné de son histoire, choisisse la manière dont le pouvoir doit être organisé et exercé.

LQN : Comment percevez-vous la transition démocratique en Haïti : qu’est-ce qui l’a motivée, nous sommes-nous fait des illusions ou qu’est-ce qui cloche en réalité ?

M. R. : Dans le cas d’Haïti, ce fut un choix motivé par le ras-le-bol du peuple face au régime des Duvalier ; donc nous avons choisi la démocratie en raison du mauvais goût laissé par le régime dictatorial. Un régime qui était aux antipodes de ce que le peuple haïtien voulait. Cependant, quelque chose d’importance capitale nous a échappé ; la démocratie c’est un processus. Nous n’avons pas pris le temps de  franchir toutes les étapes et  les conséquences sont visibles. Aucun des régimes politiques n’est parfait, chacun à ses forces et ses faiblesses.

Le Quotidien News : Les élections sont souvent décriées, dénoncées ou contestées en Haïti, ce qui amenuise leur légitimité. Mais la légitimité justement est-elle indispensable, a-t-elle une importance à tous les niveaux du système politique haïtien ?

M. R. : Évidemment! Le rapport entre les dirigeants et les dirigés demeure un rapport dialectique. L’attente des dirigés se mesure rarement à l’aune des capacités réelles des dirigeants. Seule la légitimité peut anéantir la perplexité de ce rapport dans un régime démocratique.

LQN : On pointe du doigt les faiblesses du système électoral, (absence de calendrier fixe, organisation irrégulière) qui affaiblissent les institutions étatiques. Selon vous qu’en est-il?

M. R. : Je pourrais dire qu’il s’agit là d’un problème plus grave que celui des faiblesses du système électoral. Nous n’avions pas pris le soin de poser les jalons essentiels qui devraient nous conduire vers une vraie société démocratique. Aujourd’hui on ne peut pas parler de faiblesse institutionnelle, cette appellation ne correspond pas à la réalité actuelle, car nous avons deux (2) des trois (3) pouvoirs de l’État, détenteurs de bon nombre de prérogatives constitutionnelles  pour la gouvernance de ce pays, qui n’existent plus. Nous assistons à  la faillite même de l’État.

LQN : Certains postes non-électifs suscitent des controverses politiques : la Primature et le Commissaire du Gouvernement principalement. Croyez-vous qu’ils devraient être électifs eux-aussi, est-ce là une piste de solution ?

M. R. : C’est une question qui mérite d’être abordée avec un peu de recul. Prenons par exemple le premier poste ; la controverse que suscite ce dernier est souvent due à la mauvaise pratique des personnes nommées à ce poste qui  donnent des pots-de-vin en vue de l’obtention d’un vote de confiance. Dans ce cas, le problème n’est pas seulement une question de moyen par lequel un PM est arrivé à l’autre branche de l’exécutif, mais notre culture de recourir à  la corruption pour accéder au pouvoir. De ce fait, nous avons avant tout besoin d’hommes sérieux dans les institutions du pays et des mesures coercitives pour ceux et celles qui agissent en dehors de la loi.

LQN : Dans les différents projets de modification et d’amendements constitutionnels, certains points comme le régime présidentiel, l’indépendance du Commissaire du Gouvernement, le Parlement monocaméral, se rejoignent. Peut-on affirmer que c’est une volonté nationale de changer ces éléments dans le régime actuel ?

M. R. : Alors,  il faut comprendre qu’assez souvent lorsque nous sommes face à un imbroglio, nous pensons que ce sont les lois qui régissent les responsabilités régaliennes qui en sont la cause. Ce n’est pas nécessairement vrai. L’État est une fiction juridique qui se matérialise à travers des institutions qui sont gérées par des individus. Par conséquent, il revient à ces individus de faire respecter et d’appliquer la loi, non pas à la loi de d’appliquer de par elle-même. La loi ne s’appliquera jamais « erga omnes » si nous n’avons pas de juges compétents et intègres. Néanmoins, ayant été fait pour répondre à une demande de la société à une période bien particulière, notre corpus juridique peut avoir besoin d’être révisé ou amendé, il revient aux secteurs vitaux du pays d’en décider.

LQN : L’absence du Conseil Électoral Permanent joue quel rôle dans la faiblesse des institutions de l’État aujourd’hui ?

M. R. : Les dispositions transitoires, notamment les articles 289 et 290 de la Constitution en vigueur traitent de la question du Conseil Électoral Permanent et avaient ainsi pavé la voie à une société respectant les règles du jeu démocratique. Trente-six (36) ans plus tard nous assistons à la substitution de ces dispositions à plus d’une dizaine de « Conseils Électoraux Provisoires », les uns plus décriés que les autres qui organisent des élections contestées ; c’est évidemment l’un des éléments déclencheurs de situations de troubles politiques. Il est clair que la Constitution n’est pas  une panacée, mais son application stricte aurait amoindri nos maux.

LQN : La rédaction vous remercie Monsieur Registre. Pour conclure, feriez-vous un autre commentaire ?

M. R. : Je dirais qu’aujourd’hui le pays a besoin d’hommes et de femmes qui soient animés et motivés par le désir de servir dignement l’État. Au cours de ces trente (30) dernières années, nous avons assisté à une débauche managériale au plus haut niveau de l’État, il est du devoir des élites de ce pays de s’asseoir et de s’entendre sur les actions à poser pour réorienter la marche du pays vers le progrès socio-économique.

Propos recueillis par :

Daniel Toussaintdanieldavistouss

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