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Quels supports logistiques pour de bonnes élections en Haïti ?

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La réalisation d’élections est une exigence pour toute société qui veut être démocratique. Il n’existe pas de démocratie connue aujourd’hui sans élections. Les élections nécessitent une bonne planification en termes de logistique. Quelles sont, entre autres, les supports logistiques nécessaires pour la réalisation d’élections en Haïti ?

Les élections en Haïti se réalisent encore aujourd’hui de manière traditionnelle. L’article 146 du décret électoral de 2015 le précise en ces termes : « Le vote a lieu à la manière traditionnelle ». Ces élections nécessitent une planification logistique énorme, mais aussi un personnel qualifié surtout dans la gestion des centres et bureaux de votes.

Pour Jacques (nom d’emprunt), un ancien employé du Centre de Tabulation des votes, originaire des Cayes, dans le sud du pays, une bonne planification logistique est une condition sine qua non pour la réalisation d’élections. « La planification logistique joue un très grand rôle lors de la préparation des joutes électorales. Quand on parle de logistique en période électorale, on voit l’ensemble des mises en place de tout ce qui a trait aux centres de votes, aux bureaux de votes, etc. Une élection qui accuse des déficits au niveau logistique est une élection qui risque  de très mal  se passer », dit-il.

« Il faut s’assurer de la disponibilité de tous les matériels nécessaires dans les centres de votes, bureaux et isoloirs, il faut également s’assurer d’un personnel qualifié à tous les niveaux ». Pour lui, ceci est sans appel, « sans un bon soutien logistique, il ne peut y avoir de bonnes élections ».

Pour celui dont le travail dépend de l’assurance que seront réunies toutes les conditions logistiques pour un bon déroulement des joutes électorales, toutes les erreurs doivent être évitées, elles sont prises en compte lors de la tabulation des votes. « Des erreurs peuvent conduire à la non-comptabilisation de procès-verbaux. D’abord, il y a les erreurs concernant les noms manquants ou erronés, les ratures. Ensuite, il y a les codes qui identifient les procès-verbaux. Si en scannant son code un agent constate que le procès-verbal ne correspond pas, ce dernier ne sera pas comptabilisé et sera considéré comme frauduleux », explique-t-il.

Certaines conditions logistiques peuvent soulever des doutes concernant le bon déroulement du processus. En effet, après la journée électorale, le transport et la sécurité des matériels sensibles jusqu’au centre de tabulation se révèle être un réel défi. « Certains centres de votes sont dans des endroits très reculés du pays. Le centre de tabulation des votes reçoit leurs procès-verbaux entre 3 et 7 jours après la journée électorale. Il faut de bons supports logistiques pour s’assurer à la fois de leur transport, mais aussi de leur sécurité, afin d’écarter tout risque de corruption durant le trajet. Sans une bonne logistique, ces procès-verbaux risquent d’être tronqués, détruits ou modifiés pendant leur transport », explique-t-il.

Le décret électoral de 2015 et la question logistique

Le décret électoral de 2015 précise la plupart des moyens logistiques devant être mis en œuvre lors des joutes électorales. C’est ainsi que dans ses Articles 138 et suivants, l’organisation des centres et bureaux de votes est précisée. « Le CEP dispose sur le territoire national d’au moins deux (2) Centres de vote par section communale.Le CEP peut établir plus de deux (2) Centres de vote dans une section communale, si le nombre ou l’éloignement des électeurs en justifie l’établissement ».  « Les membres des bureaux de vote, dans leurs zones respectives, sont choisis par les partis politiques, sur une liste de citoyens électeurs soumise par les universités, les écoles, les cultes, les associations socioprofessionnelles et culturelles reconnues et les organisations de femmes, au moins soixante (60) jours avant le scrutin » (Art. 139-1).

En ce qui a trait aux bulletins de vote, élément essentiel pour une journée électorale, le décret fixe des conditions pour qu’ils soient valides. « Chaque bulletin de vote comporte les renseignements suivants: a) Les nom et prénom du candidat; b) La fonction pour laquelle il se présente ; La reproduction de l’emblème et le numéro du parti ; d) Sa photo, s’il est candidat à la députation, au Sénat ou à la Présidence ; e) Une case dénommée « aucun cartel ou aucun candidat » placée à l’extrême droite, en bas du bulletin, de manière techniquement détachée ». (Art. 147)

L’incapacité physique ne peut en aucun cas empêcher un citoyen d’exercer son droit de vote, selon les lois électorales. Les articles 157 et suivants du décret électoral de 2015 le précisent dans les termes qui suivent. « Le jour du scrutin, l’incapacité physique ne peut être évoquée pour interdire le droit de vote à un citoyen. Seul le citoyen frappé d’une incapacité mentale dûment constatée et déclarée, par une autorité médicale compétente, perd son droit de vote. Tout électeur ayant une incapacité physique peut se faire accompagner d’une personne de son choix pour voter. Un procès-verbal sera dressé en la circonstance. Des facilités similaires seront également accordées aux femmes enceintes, aux personnes âgées et à toute autre personne jugée vulnérable. Le Conseil Électoral Provisoire prend toutes les dispositions nécessaires pour faciliter l’exercice du droit de vote à ces électeurs, y inclus le bénéfice de la priorité » (Art. 157).

« Des dispositions spéciales, notamment les facilités prévues à l’Article 157, seront accordées aux mères nourricières accompagnées de leurs nourrissons, ce, en vue de leur faciliter l’accès au scrutin » (Art. 157-2).

La question des élections en Haïti est, depuis l’avènement de la Constitution de 1987, un véritable casse-tête. Malgré la précision de certains principes par la Constitution et les lois, le pays ne semble pas être en mesure de réaliser des élections convenables. Malgré les étiquettes « Libres, crédibles, honnêtes et démocratiques » qui reviennent quand il s’agit de réclamer de bonnes élections, elles ne le sont pas dans la plupart des cas. Les conditions logistiques laissent toujours à désirer, et le modèle électoral traditionnel semble être à bout de souffle dans le pays.

Clovesky André-Gérald PIERRE                        

cloveskypierre1@gmail.com

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