dim. Déc 22nd, 2024

Le Quotidien News

L'actualité en continue

Levée des subventions sur le carburant : une décision fermement contestée

5 min read

Lors de ses allocutions du 11 septembre 2022, le Chef du Gouvernement de fait a annoncé que les subventions sur les produits pétroliers en Haïti seront enlevées, décision qui a provoqué la colère de nombre de citoyens, et a causé l’arrêt de toutes les activités. Pour l’économiste Frantz VILSENAT, c’est une décision qui aura pour effet une diminution du pouvoir d’achat des ménages et une aggravation de l’insécurité alimentaire dans le pays.

« […] Nous dépensons plus de cinquante milliards de gourdes en subventions destinées aux produits pétroliers pour des gens qui ont les moyens de les payer normalement. Même dans ce cas, le gaz coûterait moins cher que sur le marché noir. Nous allons ajuster le prix de l’essence ! Nous voulons qu’il soit disponible en tout temps et en tous lieux dans tout le pays. Nous travaillons là-dessus et bientôt nous devrions l’avoir normalement », a déclaré le Premier Ministre Ariel Henry lors de son discours du 11 septembre.

Une décision du Ministère de l’Économie et des Finances, et de celui du Commerce et de l’Industrie s’en est suivie pour fixer les nouveaux prix des produits pétroliers. Le prix de la gazoline est passé de 250 gourdes á 570 gourdes, en augmentation de 128%. De même, le diesel est passé de 353 gourdes à 670 gourdes, et le kérosène de 352 gourdes à 665 gourdes, ce qui constitue  ainsi et respectivement des hausses de 89,8% et 88,9%.

Pour le Gouvernement, cette décision intervient du fait de l’incapacité de l’État à continuer de subventionner le carburant. « L’ensemble des recettes enregistrées à la Douane ne suffit pas pour payer la subvention des produits pétroliers. Le financement pour constituer l’importation des produits pétroliers s’élève à 9 milliards de gourdes par mois, soit 2 fois plus que la masse salariale mensuelle de l’État », a expliqué le Ministère de la communication sur les réseaux sociaux.

Pour le réalisateur, Richard Senecal, le peuple est peut-être conscient de la nécessité d’augmenter le prix du carburant mais n’a aucune confiance dans ses dirigeants au pouvoir. « Je ne pense pas que le peuple est inconscient de la nécessité d’augmenter le prix du carburant à la pompe. Le problème c’est que les gens ne croient absolument pas que l’argent libéré à cet effet sera mis au service du pays. Il ira tout simplement augmenter les privilèges d’une fraction de personnes au pouvoir pendant que la misère continuera de s’aggraver. C’est un problème de confiance », a-t-il indiqué.

Quels sont les impacts de la levée des subventions ?

« En tenant compte du fait que les produits pétroliers sont des produits stratégiques et transversaux, l’État pourrait décider de les subventionner au bénéfice de la population. Toutes subventions accordées pourraient premièrement affecter négativement le niveau des recettes publiques; au cours de l’exercice 2021-22, les subventions des produits pétroliers représentent près 50 milliards de Gourdes », a fait savoir l’économiste Frantz VILSENAT. Pour lui, « les subventions auront un effet positif sur les conditions de vie de la population par une diminution considérable des prix des biens et services puisque le carburant est un produit transversal et par la suite augmentera le pouvoir d’achat des consommateurs ».

Autrement pour l’économiste VILSENAT, la levée des subventions aura pour effet une diminution du pouvoir d’achat des ménages, et une aggravation de l’insécurité alimentaire dans le pays. « Une levée des subventions, dit-il,  sur les produits pétroliers fait augmenter les prix à la pompe de ces derniers et par la suite une hausse des prix des biens et services sur tout le territoire national, donc cela aura de graves conséquences sur la population telles que : une perte considérable de son pouvoir d’achat déjà pénalisé par une inflation de plus de 30% ; et une augmentation importante des personnes en situation d’insécurité alimentaire et par la suite entraînera une hausse de la pauvreté dans le pays.Actuellement plus de 5.6 millions d’Haïtiens sont déjà touchés par l’insécurité alimentaire d’après l’ONU ».

Pour M. VILSENAT, cette pénurie de carburant peut s’interpréter, entre autres, par l’incapacité de l’État à financer les subventions et les nombreux acteurs qui s’adonnent à la vente illicite de ce produit sur le marché noir. « La cause principale de la rareté répétée du carburant en Haïti, avance-t-il,  s’explique principalement par l’ingérence de l’État dans ce marché.

Mais en plus il ya actuellement un facteur externe qui est la rareté et la hausse du pétrole sur le marché international suite à la guerre entre la Russie et l’Ukraine; la Russie fournit à elle seule 40% de la consommation de l’Europe, a-i-il aussi souligné.

La position de l’Ordre des Défenseurs des Droits Humains (ORDEDH)

« La décision d’augmenter le prix des produits pétroliers est de nature criminelle, car elle est prise dans le contexte de la hausse du coût de la vie. Au lieu d’agir pour réduire le prix des produits de première nécessité, les gouvernements préfèrent augmenter le prix des produits pétroliers de plus de
128 % au détriment des familles les plus vulnérables », a fait savoir l’ORDEDH ajoutant que « cette décision a un effet multiplicateur sur le prix des produits de première nécessité et sur le prix des transports publics. La hausse des prix des produits pétroliers sur le marché intérieur créera davantage de chômage, car les familles ne pourront pas subvenir à leurs besoins, en raison de leur faible pouvoir d’achat ».

Pour l’ORDEDH, le « droit de manifester ne saurait constituer une infraction pénale sous aucun prétexte ». Dans ce contexte, l’Organisation croit que « la mobilisation reste l’ultime moyen pour obliger les dirigeants au pouvoir à agir contre la pauvreté, contre l’insécurité, et contre l’augmentation des prix des produits pétroliers ».

S’il est vrai que la décision de maintenir l’augmentation  des prix des produits pétroliers peut enlever un fardeau sur le prochain gouvernement à venir, toutefois, il n’est pas certain que les fonds qui seront tirés vont être utilisés à bon escient au profit la population. L’avenir dira le reste.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

Laisser un commentaire