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Émeutes, pillages et barricades pour protester contre la vie chère et l’augmentation des prix du carburant en Haïti 

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Depuis le lundi 12 septembre 2022, des mouvements de protestation ont gagné toutes les rues de la capitale et de ses environs, ainsi que la plupart des grandes villes du pays. Barricades, pneus enflammés,  manifestations et diverses scènes de pillage, c’est désormais presque tout le pays qui replonge dans les tristes épisodes du « peyi lòk ». Face à cette situation, le Gouvernement condamne, mais les réponses se font encoreattendre.

Qui en Haïti aurait déjà oublié le désormais célèbre « peyi lòk » ? Toutes les activités socio-économiques et culturelles du pays sont à l’arrêt, à l’exception près du petit commerce dans certains quartiers. En signe de de protestation contre la mauvaise gouvernance et les mauvaises conditions d’existence, plusieurs villes du pays ont vu toutes leurs activités suspendues. À Port-au-Prince, aux Cayes comme dans la ville des Gonaïves, plusieurs scènes de pillage ont eu lieu sous le regard impuissant des forces de l’ordre. Face à cette situation, la Direction Générale de la Police Nationale d’Haïti (DG-PNH) a pris la décision de suspendre tous les permis de port d’arme, selon une note publiée par l’institution policière le jeudi 15 septembre.

« La Direction Générale de la Police Nationale a constaté qu’un climat de tension existe dans la zone métropolitaine et ses environs, et dans certaines villes de province depuis des jours. Eu égard à sa mission de protéger les vies et les biens des citoyens, la Police Nationale d’Haïti porte à la connaissance de tous que, dans le cadre de sa gestion de ce climat d’agitation, tous les permis de port d’armes sont suspendus jusqu’à nouvel ordre. S’agissant des compagnies de sécurité, elles prendront des dispositions pour effectuer les relèves sur place », lit-on dans cette note où la DG-PNH sollicite la coopération de toutes les personnes concernées.

Réagissant à cette décision, Me Bernard Gousse a indiqué sur son compte twitter  le même jour: « La PNH vient de légaliser pour les bandits le permis de tuer. Puisqu’elle interdit aux détenteurs légaux d’être en mesure de se défendre ou de porter secours à des parents ou des clients. Sottise ou complicité ? ».

Pillage dans différentes villes du pays

Les scènes de pillage ont été multiples en cette semaine de troubles. Après les villes de Cayes, Delmas et Gonaïves, la ville de Léogâne a connu diverses scènes de violence le vendredi 16 septembre. Un bureau de la Direction Générale des Impôts (DGI) a été pillé et des matériels de travail ont été emportés. Une succursale de la UNIBANK a été également prise pour cible dans la même zone, et une génératrice ont été incendiée, tandis que d’autres entreprises privées de la ville ont été pillées.

Face à ces situations, le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Me Berto Dorcé a qualifié de « barbares, révoltantes, répréhensibles, contraires à la loi, à l’État de droit et aux normes démocratiques », les différentes scènes de pillage dans le pays. Ainsi, le Ministre a exprimé sa volonté de poursuivre les responsables. « Les pouvoirs publics concernés ont été instruits de sévir contre les auteurs intellectuels et les exécutants de ces actes, en les déférant par devant les tribunaux pour répondre de leurs forfaits », a-t-il laissé entendre.

Pour Davidson Pierre, étudiant en Sciences Politiques habitant la ville des Gonaïves, la situation au niveau de la cité de l’indépendance est très grave, et les récentes décisions ne font qu’envenimer les choses. « Les choses sont à présent très compliquées dans la ville des Gonaïves, affirme-t-il. Elles l’étaient déjà à cause des frustrations contre la mauvaise gouvernance de l’État central et des autorités locales. Pas d’activités pour les jeunes, les activités économiques sont au ralenti, il n’y a pas d’électricité ni presqu’aucun autre service pour la population. Mais aujourd’hui, la montée des prix du carburant a tout envenimé. Le peuple aujourd’hui est désarçonné face à cette décision d’augmenter les prix du carburant à la pompe de plus de 125%, jamais on n’a vu pareille chose », a-t-il indiqué lors d’une interview accordée à la rédaction du journal Le Quotidien News.

« Si l’on considère les zones comme Jubilée, Raboto, où la population ne vit que de la petite pêche et du commerce du sel et où les autres activités socio-économiques sont inexistantes, il n’y a pas d’autres solutions pour eux malheureusement, ils sont à bout. Et les pillages des dépôts du PAM et de Caritas ne sont que le résultat de ces malheurs. La ville des Gonaïves connaît vraiment l’un de ses pires moments », s’indigne Davidson Pierre.

De son côté, le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres, se dit préoccupé par la situation actuelle, et exhorte les parties prenantes à trouver une solution. « Le Secrétaire Général est profondément préoccupé par la situation actuelle d’Haïti, où les troubles ont paralysé le pays et la sécurité de tous les Haïtiens, y compris les plus vulnérables. Il appelle au calme et à plus de retenue et exhorte toutes les parties prenantes à prendre des mesures immédiates pour désamorcer la situation, éviter la violence et permettre à la Police Nationale d’Haïti de remplir son mandat de protéger la population » a-t-il indiqué dans une Note du16 septembre.

Après une semaine de « peyi lòk », les autorités au niveau du Gouvernement ne semblent prendre aucune mesure pour calmer les tensions dans les rues, la Police Nationale fait son maximum pour éviter d’aggraver la situation, et les protestataires entendent poursuivre leur mobilisation. Entre-temps, la situation risque de mener la ville de Port-au-Prince vers de plus graves crises, l’eau potable et le propane deviennent très rares dans toutes les artères de la ville, faute de possibilités de ravitaillement. Le Gouvernement semble vouloir jouer sur le temps,  mais les protestataires n’entendent pas lâcher prise.

Clovesky André-Gérald PIERRE

cloveskypierre1@gmail.com

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