L’Organisation des prochaines élections en Haïti : l’insécurité s’installe comme première opposition, selon des citoyens
5 min readDepuis maintenant dix mois, Haïti connaît la plus longue vacance de son histoire au niveau de son exécutif. Rares sont les autorités qui peuvent se vanter de détenir vraiment une quelconque légitimité et les institutions étatiques dans leur grande majorité sont bancales, voire inexistantes à l’instar du Conseil Electoral Provisoire (CEP). Conscients que l’organisation des élections dans le pays est nécessaire pour remettre le pays sur les rails, certains citoyens croient que c’est impossible ou difficile dans la conjoncture actuelle dominée par la montée en puissance des réseaux criminels dans le pays, et d’un manque de volonté manifeste des dirigeants actuels.
C’est ainsi que, pour Shedson qui habite la Croix-des-Bouquets, « l’organisation des élections est aujourd’hui une nécessité, voire une urgence parce que seul, un gouvernement légitime, stable et responsable peut permettre au pays de trouver une issue à cette crise ». Cependant, selon lui, les dirigeants actuels semblent manquer de volonté pour organiser les élections dans le pays, et ne sont pas prêts non plus à décider du temps de la transition. Pour lui, un fait est clair, avec les actes de corruption et la mauvaise gestion de l’insécurité, le gouvernement ne remplit aucun critère pour pouvoir résoudre les vrais problèmes du pays. Lorsque le gouvernement aura enfin décidé d’organiser des élections, il lui faudra mettre sur pied un conseil électoral crédible, pour ensuite assurer la sécurité publique, dit-il.
Mapouse Antoine, journaliste aux Cayes, constate que le pays fait face à des crises multiples, et dans la situation qu’on connaît, la stabilité institutionnelle est une chose à espérer pour que le pays puisse se remettre sur les rails. Selon elle, organiser des élections est une nécessité pour stabiliser les institutions du pays et aboutir à l’installation d’un exécutif digne de ce nom. Toutefois, l’insécurité selon elle représente le premier défi à relever.« Organiser des élections aujourd’hui, dans ce contexte fortement marqué par l’insécurité grandissante, reviendrait à priver une grande partie de la population de son droit de vote, parce qu’il s’avère impossible pour elle d’aller voter en toute quiétude ». De plus, pour la jeune journaliste, il faudrait parvenir à une entente nationale pour réussir la transition et organiser les élections, parce qu’au sein de la population, existe un déficit de légitimité concernant Dr Ariel Henry.
Les élections, une obligation faite par 1986
Depuis 1986, en reversant la dictature des Duvalier, le pays a entamé un processus de démocratisation. Selon Sébastien, commentateur d’événements sportifs pour une chaine de télévision à Port-au-Prince, « L’organisation des élections est une nécessité en Haïti tout simplement parce que depuis 1986, nous avons entrepris un processus de démocratisation. Et l’un des principes de base de ce régime est l’organisation des élections à intervalles réguliers. Mais aujourd’hui, nous fonctionnons dans l’illégalité quasi-parfaite, on n’a qu’un Premier Ministre irrégulier qui dirige seul, sans Parlement, sans autres institutions de soutien. Par contre, organiser des élections dans ce contexte s’avère extrêmement difficile à cause de l’insécurité qui ne cesse de grandir. Les candidats ne pourront pas faire campagne dans les régions contrôlées par les groupes armés. La meilleure façon de rendre possibles les élections, c’est que le gouvernement garantisse un climat de sécurité propice pour que les candidats puissent faire campagne et que la population puisse aller voter en toute quiétude », argue celui qui est aussi étudiant en relations internationales.
Pour Davidson, étudiant en relations internationales lui aussi, abonde dans le même sens que Sébastien en arguant du processus de démocratisation entrepris en 1986 qui impose au pays d’organiser des élections pour pouvoir progresser au moyen de l’alternance politique. Il faut un réel changement dans le pays, dit-il, et ce changement doit passer par un renouvellement du personnel politique. « Pour être direct et bref, je dirai qu’il nous faut un changement, et pour y arriver, il nous faut une autre organisation de l’État, et pour cela il nous faut un nouveau personnel politique avec de nouvelles idées, et pour cela il nous faut des élections », affirme-t-il. Mais pour lui aussi, le constat est sans appel : pas d’élections sans sécurité.
La peur des urnes
« Personnellement je ne pense pas que l’organisation des élections soit une nécessité en l’état actuel des choses. Nous avons d’autres priorités comme la cherté de la vie ou l’insécurité grandissante. Mais d’un autre côté, des élections ne seraient pas de trop si elles arrivaient à accoucher d’un personnel politique qui serait au moins conscient des souffrances de la population, et qui œuvrerait pour nous permettre de reprendre notre souffle. Mais, il faut un climat de sécurité pour pouvoir organiser des élections libres. Si la paix et la tranquillité ne sont pas établies, on ne saurait avoir des élections. Qui pourra prétendre garantir à la population d’aller voter sans danger ? Qui pourra prétendre que les partis politiques ne vont pas s’allier aux gangs armés pour pouvoir remporter les joutes ? S’ils veulent organiser des élections, ils le peuvent, mais ce sera sans le peuple, parce qu’il a peur », déclare Mildred qui habite la sous-région de la Plaine du Cul-de-Sac.
C’est la même réflexion pour Guerby habitant dans la Plaine du Cul-de-Sac. Il croit que la conjoncture actuelle ne correspond pas à un « momentum » électoral à cause de l’insécurité dans le pays qui augmente de jour en jour. Pour lui, la sécurité est une condition sine qua non pour l’organisation d’élections, et il faut un gouvernement qui puisse créer un climat propice à apaiser les tensions sociales.
Clovesky André-Gérald Pierre
cloveskypierre1@gmail.com