L’université haïtienne et son adoption au modèle néolibéral : pour une compréhension de sa posture en ce temps de crise sanitaire
36 min readL’université ne devrait pas avoir mauvaise conscience de demeurer quelque peu en retrait des activités bourdonnantes de notre société. Si l’université n’est pas le lieu où l’on peut se donner du recul, de la perspective, quelle autre institution pourra remplir cette fonction ?
Louis Balthazar et Jules Bélanger
Introduction.
L’histoire d’une institution peut nous en dire beaucoup sur elle. Elle peut nous montrer les raisons de sa création, les caractéristiques particulières lors de sa formation, les luttes menées pour sa destruction ou sa préservation et en dernier lieu nous éclairer sur l’ensemble des étapes qui ont marqué sa mutation suivant une époque donnée. Pour cela, avant d’avancer sur le fait université en Haïti, nous avons essayé de faire une petite historique sur le contexte d’apparition de l’université au moyen âge en Europe. C’est ce qui démontre l’importance et la nécessité de remonter dans le temps, pas littéralement, mais à travers des ouvrages pour faire l’histoire de cette institution.
Elle a donc pris naissance dans un contexte spécifique au XIIème siècle au moyen-âge. D’abord avant d’aller plus loin tentons de dire ce qu’est le moyen-âge. Le moyen-âge est donc ce modèle d’organisation socio-économique, politique, juridique et culturel surtout à forte influence ecclésiastique (le catholicisme) définissant et régissant les rapports entre les différentes couches et sous-couches, dans lequel, donc, s’opère une multiplicité de liens, inégaux pour certains, où il existe divers réseaux, aussi complexes et élaborés que d’autres, agissant pour une modélisation de l’affirmation des valeurs dominantes. Il est vrai que, du point de vue organisationnel, ce segment temporel dans le sens de Freire[1] pour marquer l’époque s’étalant d’une période à une autre, nous offre plus que ces caractéristiques. Dans ses attributs politiques il primait le morcellement ou l’éclatement de l’autorité, une faiblesse au niveau de l’institutionnalisation et la prédominance du système de servage. Nonobstant ses irrégularités historiques – parce qu’elles ne sont pas de simples apparitions fortuites, mais plutôt des conditions construites pouvant, sans gènes, par des actions collectives, se transformer- on commençait à s’apercevoir une volonté pour le savoir supérieur qu’on ne peut, en aucun cas, qualifier d’université mais d’école[2].
Sa mutation se sentait et se faisait de manière progressive, elle remplaçait les écoles monastiques et cathédrales qui existaient par des regroupements d’étudiants de plusieurs nations qu’on nomma université. Mais une fois formée l’institution a été rapidement passée sous le contrôle de forces telle que l’état et l’autorité ecclésiastique qui la réclamait pour en faire un instrument près à produire des cadres répondant à leur besoin. On aurait dit qu’il existait un pacte qui alternait les périodes d’influences de chaque force extérieure puisque l’église peut, dans un temps, se permettre de dire qu’il dominait l’université. Et dans un autre temps les autorités politiques pouvaient en faire de même. L’autonomie que recherchait tant cette institution semblait être une illusion face à cette réalité.
D’année en année, de siècle en siècle les institutions universitaires se multiplièrent en Europe, se propagèrent dans le monde. Les régions accueillirent toutes des universités qui se modifièrent suivant le contexte local ou mondial. Cette situation provoquèrent des crises, que nous n’avons pas touché en profondeur mais mentionné. Les changements qu’apportaient ces crises touchaient les visions, les orientations des universités jugées pas assez ouvertes, c’est à dire, pas assez démocratique parce qu’elles étaient réservées à une minuscule fraction. L’université n’a pas cessé d’être influencé par une idée dominante faute d’autonomie. Dans les années 1970 on a vue une nouvelle conception de la chose universitaire qui la dépossède de toute sa capacité à se percevoir comme un espace de production de savoir où de formation d’intellectuels mais un espace qui forme des étudiant(e)s pour accéder à des emplois. Cette nouvelle mutation enlève à l’institution ce qui dans son essence la définissait.
Parallèlement, ce texte se veut aussi de retracer, non pas de façon exhaustive, les chemins de l’université en Haïti en faisant une brève histoire pour arriver à voir l’impact de l’adoption de la doctrine néolibérale qui dénature un enseignement jugé déjà moribond, pour certains, inexistant. Nous avons décidé d’accorder une prioritéé à l’approche holistique pour voir comment la structure globale peut orienter les parties, par contrainte ou par volonté, dans la même directive qu’elle, jusqu’à faire en sorte qu’elle perde toute son autonomie. Le modèle d’enseignement est à questionner parce qu’elle réduit l’individu en un être insouciant de sa personne et de sa réalité. Cette formation veut que l’étudiant(e) ne soit prêt(e) qu’à s’intégrer, s’adapter sur le marché du travail au lieu de tenter, par la réflexion et l’action, de la transformer. Nous avons donc voulu analyser la posture de cette institution dans les périodes de crises, surtout dans la crise sanitaire qui nous assiège en ce moment.
Aussi, nous avons voulu aussi faire une démarcation capitale entre les mouvements de protestation initiée par certain(e)s étudiantes/étudiants et professeures/professeurs qui n’engage que leurs positions progressistes en oppositions à celle que véhicule véritablement l’université comme étant une institution dont sa tâche est (était), si nous pouvons nous le permettre, de reproduire l’ordre des choses. Ce paradoxe s’alimente par le fait même que le programme d’enseignement s’opère dans tout un autre registre qui diffère de la visée institutionnelle que devrait avoir l’université. Nous pensons que la position de l’université n’est pas ou ne veut automatiquement pas dire la position de toutes/tous. Parce qu’elle est une entité à part entière et en tant qu’institution elle a ses propres codes normatifs ou systèmes de valeurs qui la caractérise, elle peut du coup avoir ses propres positions conformes à l’idéologie qu’elle a choisie de suivre, volontairement ou par contrainte. Nous n’avons pas voulu aborder l’incapacité de l’université du point de vue infrastructurel qui démontre un manque d’implication de l’état ou du secteur privé dans la création de celle-ci comme l’a fait quelques auteurs. Car si nous prenons l’exemple de certains pays ou l’État et ce même secteur privé investissent dans l’université, des auteurs de ces pays se plaignent aussi de la qualité de l’enseignement, de l’orientation de l’institution qui est corrompu par le modèle néolibéral.
De ce fait, nous nous demandons en quoi, si nous ne brisons pas le lien de cette adoption, l’implication de ces secteurs servira à l’université ? Nous produirons toujours des robots. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous n’abordons pas le niveau des infrastructures, quoique c’est autant un problème à considérer, mais la perte de l’autonomie ainsi que la méthode d’enseignement fourni qui se révèle être désuète et inadéquate pour une quelconque prise de conscience.
Les écoles du XIIème siècle.
L’apparition ou la naissance des premières universités s’est fait sentir au début du XIIIème, en Europe Occidentale[3] plus précisément dans des pays comme l’Italie, la France, l’Angleterre. Tout compte fait, attribuer le mérite paternaliste de sa création spécifiquement à l’Europe occidentale, n’en serait pas un européocentrisme mais en témoignerait seulement une reconnaissance historique. Comme mentionné ci-dessus, le moyen-âge représente un moment qui s’étend sur une durée qui met en intervalle le Vème au XVème siècle. Alors, si l’université a pris naissance jusqu’au XIIIème, qu’est ce qui, à cette époque assurait la transmission du savoir, l’enseignement supérieur bien avant sa création et comment les appelait-on ? Christophe Charles et Jacques Verger nous disent, dans leur ouvrage majeur sur l’université que bien avant l’établissement formel des universités il existait des écoles. Les disciplines enseignées dans ces écoles apparentaient à celles enseignées dans l’Antiquité, et elles étaient considérées comme constituant la culture savante, la forme la plus haute de savoir intellectuel à laquelle pouvait prétendre un homme libre.Les écoles du Moyen-âge étaient dominées par le catholicisme et se donnaient pour tâches d’enseigner les arts libéraux, segmentées dans une double catégorisation : trivium qui comprenait la grammaire, la rhétorique, la dialectique ou la logique et quadrivium qui comprennait l’arithmétique, la musique, la géométrie et l’astronomie[4].
Le haut Moyen Age, c’est-à-dire cette période se situant entre le Ve et le XIIe siècle a été déterminante pour la mise en place du système éducatif médiéval[5] , nous dit Pierre Riché. Alors que l’autorité Romaine s’effondre, une nouvelle forme d’autorité, s’institue et substitue l’ancien ordre et s’établi en régime dominant prenant en charge l’éducation[6]. Le surgissement des universités occidentales, au Moyen-âge, au environ des XIIème et XIIIème siècle n’est point étonnant, encore moins sorti de nulle part, à cause des écoles monastiques et cathédrales qui périclitaient. Elles sont les héritières, une façon très académique de dire, de ces écoles là[7]. Ces écoles, datant du XIIème représentaient le socle éducatif de l’époque, d’où son appellation Siècle des écoles. Parfois qualifié de siècle de Renaissance, le XIIe siècle mérite tout autant d’être appelé «siècle des écoles», plus précisément des écoles urbaines[8]. Ces écoles, très particulières, revêtaient de plusieurs formes dont on pouvaitit distinguer les écoles monastiques dirigées par des moines et les écoles cathédrales que l’on retrouvait dans certaine cathédrale. Pour les auteurs du livre Histoire des Universités du XIIe – XXIe siècle, le réseau scolaire s’est considérablement étoffé, quoiqu’il eu une diminution assez conséquente des écoles monastiques comparée à l’augmentation des écoles cathédrales. « C’est ainsi que, dès la première moitié du XIIe siècle, la plupart des cathédrales de la moitié nord de la France Angers, Orléans, Paris, Chartres, Laon, Reims, etc. ou des pays mosan et rhénan possédaient une école permanente de bon niveau où lon enseignait les arts libéraux et l’Écriture sainte ».[9] Au déclin des écoles monastiques, les écoles cathédrales prenaient donc de l’essor. Au côté des écoles cathédrales une nouvelle pratique faisait surface où des maîtres indépendants décidaient d’enseigner et vivaient de ce que leurs versaient comme honoraires les élèves. On appelait cette prolifération d’écoles des écoles privées, ayant aucune affiliation particulière. Face à cela, l’église riposta, citons ce nous dit Charle Christophe et Verger Jacques :
Cet essor spontané inquiéta lÉglise qui, depuis le haut Moyen Âge, affirmait son monopole en matière scolaire. Elle mit alors au point le système de la licentia docendi généralisé par le troisième concile de Latran (1179) : pour ouvrir une école, même privée, il fallait désormais être en possession dune « autorisation denseigner » délivrée dans chaque diocèse par lévêque ou son représentant. Ce système simposa dautant mieux que la plupart des maîtres restaient, par leur statut personnel, des clercs[10].
L’origine
Le remplacement progressif des écoles par les universités paraît inévitable face aux transformations que subissaient les structures traditionnelles. Après la chute ou déclin des écoles monastiques, les écoles cathédrales à leur tour connaissaient un déclin à la seconde moitié du XIIème siècle et cédaient la place aux universités. La nouvelle situation a soulevé beaucoup d’interrogations pour élucider les raisons profondes de l’échec des écoles. Mais, on aurait dit que c’était inévitable. La montée des structures universitaires commençait à s’apercevoir en Bologne, quoique, au début du XIIème siecle, il ne s’agissait que d’écoles privées et indépendantes. La transformation réelle survient en 1190 ou on commençait à voir de rassemblement d’étudiants en fonction de leur origine géographique, par nations[11] se regrouper pour fonder l’université. Alors que les maîtres choisirent de se soumettre aux recommandations de la commune, des étudiants, comme soulevé bien avant, s’organisèrent entre eux pour former l’université. La commune tenta de contester à la formation des universités étudiantes, mais elles bénéficièrent du soutien de l’autorité papale qui profite pour les imposer le licentia docendi. « Vers 1230, l’université de Bologne, au moins pour les droits civil et canonique, était solidement constituée […] Mais ce n’est qu’après 1270 que la Commune finira par reconnaître officiellement son existence et les privilèges des étudiants (taxation des loyers, exemptions fiscales) »[12]. En France cette transformation et association des étudiants pour la formation d’université débuta vers les 1200 et en Angleterre une situation similaire se présenta vers la reconnaissance d’une université ( Oxford ) en 1214. Faudrait-il rappeler que la formation ou création des universités s’operait en accord avec le pouvoir pontifical par le biais du licentia docendi ce qui, du coup, subordonnait ces universités au contrôle ecclésiastique. À cela une définition s’impose du fait universitaire de l’époque, on entendait donc par université une « communauté (plus ou moins) autonome de maîtres et d’étudiants réunis pour assurer à un niveau supérieur l’enseignement d’un certain nombre de disciplines »[13]. Le jeu était fait, maintenant on pouvait parler d’université, une institution fondamentalement concentrée sur la formation supérieure des sujets dans un espace donné. À noter qu’elle subissait l’emprise de l’ecclésiastique puisque cette dernière s’érigeait en puissance de l’époque, donc difficile de ne pas avoir son empreinte. De plus, lorsqu’on mentionnait les faveurs, ça se référait aux subventions et financements que lui fournissait l’église pour son fonctionnement.
L’institution et son rôle.
L’université n’est pas le fruit d’un hasard encore moins un phénomène spontané mais le résultat d’un processus historique. Depuis l’Antiquité en passant par le Moyen-âge, des écoles monastiques aux écoles cathédrales et de ces dernières aux écoles privées pour aboutir à la constitution de l’institution universitaire. Tout cela représentait des étapes. Sa création a été faite pour répondre à des besoins particuliers auxquels aspirait la société. L’université est donc cette institution qui se présente, en premier lieu, comme l’espace ayant pour prérogative la transmission et la production de savoirs et de connaissances par la méthode de l’enseignement tout en s’assurant de s’adonner à la recherche scientifique pour produire sur des problèmes spécifiques. L’université « remplit une fonction essentielle de transmission d’un héritage, scientifique dabord, et plus largement culturel et civilisationnel »[14]. Elle représente le savoir collectif d’une société agissant et réfléchissant sur des domaines divers qui pourraient représenter des obstacles en vue d’apporter des solutions, de fournir des réponses qui se distinguent de celles provenant du sens commun où les résultats obtenus seront utiles, importants pour le développement collectif aussi pour l’avancement et le progrès du/des champs scientifiques duquels ces propositions ont été émises. Guy Rocher dans son texte Re-définition du rôle de l’université affirme que « l’université doit à la fois transmettre et entretenir l’héritage des connaissances les plus avancées acquises depuis des générations et enrichir ce patrimoine de découvertes, de pensées nouvelles, de perspectives renouvelées.»[15] Donc l’université s’affirme comme détentrice de l’âme scientifique d’une société et s’assure de la transmission, la préservation, la sauvegarde du savoir tout en garantissant son enrichissement. Le rôle de l’université s’appuie donc sur la formation supérieure et l’enseignement scientifique pour la prospérité de toute une société. Pour André Ségal «l’institution universitaire se définit comme la connexion entre la société et le savoir. L’existence de l’université signifie que la société reconnaît au savoir une nécessité et une fonction propre »[16].
N’est ce pas d’un utopisme déplaisant que de voir attribuer à l’université, en tant qu’institution, ce caractère fonctionnel et utilitariste qui la prive de toute subjectivité, la faisant, de ce fait, totalement objective. Pourtant, étant une institution, elle est dotée de package de connaissances, extérieures, qui guide le comportement des acteurs[17]. Ou encore, parce qu’elle institue des rapports explicite et conditionne le comportement des agents et leur donnent des rôles bien définis pour façonner la conduite de calleux qui la fréquente. Car, elle n’est pas seulement cette institution qui remplit un rôle technique, mais celle aussi qui imprime des choses dans l’esprit parce que l’enseignement est d’autant plus qu’une affaire politique que social. Nous soutenons par là, que l’université n’est pas seulement cette institution qui se donne comme prérogative l’enseignement et la formation, elle est aussi cette institution qui produit des élites et qui s’engage à la conservation de l’ordre social.
Son rapport avec les pouvoirs.
Dès sa constitution au Haut Moyen-âge, l’université a fait l’objet de convoitise de plusieurs forces, voulant l’assujettir pour en avoir le contrôle total. Les autorités ecclésiastiques et laïques luttaient toutes pour posséder et subjuguer cette institution à peine née, qui ne voulait qu’être autonome. Même si, ces autorités donnaient une illusion d’autonomie à l’université pour gérer ses propres affaires, l’emprise ne faisait que s’agrandir. Du XIIIème au XVème siècle plusieurs universités ont vu le jour, augmentant le nombre d’institution, grâce à la faveur de l’église, de quelque Prince ou celle des autorités politiques mais toujours avec la confirmation de l’autorité pontificale[18]. L’institution restait à cette époque contrôler par l’ecclésiastique. Néanmoins, la tendance auquel elle se pliait sous l’autorité de l’église commençait à se diminuer dans la fin du Moyen-âge et changer, non pas de manière brusque, mais progressivement. On remarquait que les pouvoirs politiques commençaient à s’intéresser et portaient un regard beaucoup plus attentif sur les universités. « Tout en restant officiellement institutions d’Église, les universités passèrent de plus en plus sous le contrôle des villes et des États qui attendaient d’elles à la fois la formation des lettrés et des juristes compétents dont avaient besoin leurs administrations en plein développement, et leur contribution à l’élaboration de l’idéologie nationale et monarchique qui accompagnait la naissance de l’État moderne » [19].
L’attachement de cette institution aux pouvoirs existait depuis des lustres, et continue de se manifester de la même manière, la convergence de ces autorités pour l’accaparation de cette institution prouvait leur volonté de toujours reproduire les valeurs de la société. Cela laissait à étendre la fonction politique que dispose l’université ou encore son rôle dans la conservation des structures. « Tout système d’enseignement, nous dit Guy Rocher, du primaire à l’université, est une institution politique. Il instruit, éduque, forme des citoyens selon une certaine conception de la société civile et de l’État dans lesquels il fonctionne »[20]. Or, dans une société, selon Braud, les valeurs dictées et auxquelles s’affirme, s’identifie la population ne sont en générale que la définition imposée par classe dominante[21].
Expansion
Plus haut, on été évoqué la fondation de nouvelle université dans la fin du Moyen-âge, cette pratique s’est accrue dans l’époque moderne où s’est fondée une plus grande quantité d’université. On suppute qu’elles sont passées d’une soixantaine d’universités actives en 1500, à 143 en 1790. Plus en détails, de 1500 à 1790, il y a même eu 137 fondations dont une cinquantaine échoua. En dépit du fait de l’augmentation des universités observée, plusieurs grandes villes, pôle politique et économique, telles que Londres Amsterdam, Anvers, Bruxelles, Rouen, Lyon, Madrid, Milan, Berlin, Saint-Pétersbourg, en sont restées dépourvues, probablement, une méfiance à l’égard des gouvernements et des élites bourgeoises[22].
La prolifération des universités ne s’est pas limitée à l’occident puisque l’institution universitaire a commencé à s’étendre à l’extérieur de l’Europe, dans les colonies américaines. Les plus anciennes fondations de l’Amérique latine furent celles de Saint-Domingue (1538), Lima (1551) et Mexico (1551) ; instituées par charte royale, avec des statuts inspirés de Salamanque et Alcalá, presque toujours contrôlées par des ordres religieux (Dominicains, Jésuites). En Amérique du Nord, les premières universités, se présentaient sous la forme de collèges, et furent davantage le fruit d’initiatives locales. Il était question de former les pasteurs et administrateurs dont avaient besoin les colonies anglaises. On relate que les premiers collèges furent ceux Harvard en 1636, Williamsburg en 1693 et Yale en 1701. On dénombrait dans l’année 1776 environ neuf institutions universitaires dans l’Amérique du Nord. [23]
À mesure que la relation de l’université avec l’église et le pouvoir politique persistait et moins on pouvait parler d’autonomie. L’un des traits marquant de l’époque moderne a été le contrôle plus prononcé des pouvoirs politiques sur les universités. En d’autres termes, on assistait à la fin de l’autonomie de cette institution. Enfin, sans se focaliser sur les facteurs qui ont conduit à ces événements que l’on identifie à la massification l’université rappelons que le tiers de siècle qui a suivie la seconde guerre mondiale, c’est à dire entre 1945 à 1980 cette institution a fait l’objet de divers troubles. Nous allons plutôt toucher un point sensible marquant la métamorphose de l’université par l’apparition d’une vision nouvelle de penser les rapports dans le monde.
Le modèle Neo-libéral.
Le néolibéralisme représente un modèle économique qui régi les rapports économiques entre les pays et les rapports entre individus vivant dans une société. Ce modèle ou doctrine succéda beaucoup d’autres qui ont servi de flambeaux qu’adopta plusieurs gouvernements dans le cadre de leurs politiques. À chaque contexte de crise ou d’insuffisance théorique surviennent des penseurs qui théorisent, dans l’intention de trouver une solution de redéfinition du modèle en faillite ou pour élaborer de formules adéquates répondant aux exigences du moment. Le néolibéralisme fait suite à une doctrine dont les composants stipulaient le contrôle et l’intervention de l’État sur le marché pour le réguler. Une formule qui a réussi à faire sortir les pays touchés par la Grande dépression des années 1930 de l’abîme économique dans lequel ils se trouvaient et voguer sur le chemin de la prospérité pendant plusieurs années. Ces formules et nouvelles propositions, jetaient les bases institutionnelles de cette paix économique (facultatif) qu’on qualifiait de trente glorieuse. Mais le dynamisme qui caractérise le fonctionnement de l’humanité rattrapa ce moment de répit et pertuba les bases établies par la théorie keynésienne qui s’avérait être inefficace pour la résolution de la crise des années 1970. Citons ce que nous dit Maurice Lagueux à sujet :
La machinerie économique inspirée de Keynes, que la plupart des gouvernements occidentaux ont eu tôt fait de mettre en place avec un succès qui ne semblait pourtant pas devoir se démentir aux cours des «trente glorieuses», s’est mise, vers le début des années 1970, à tourner pratiquement à vide. Elle devait en principe permettre de mâter, selon le cas, soit l’inflation, soit la stagnation de l’économie, mais quand ces deux maux, que la théorie keynésienne présentait comme exclusifs l’un de l’autre, se sont mis à sévir ensemble en donnant lieu au phénomène que l’on a baptisé «stagflation», les gouvernements occidentaux se sont brusquement trouvés complètement désemparés[24].
L’État redevient ce qu’il a été bien avant l’application des mesures Keynésiennes, un «Étatréduit aux seules fonctions régaliennes aptes à garantir la fluidité de la circulation des marchandises et lexécution des contrats, sans prétendre se mêler de réglementer davantage lune ou lautre ou réguler leur mouvement densemble censé produire par lui-même les conditions de son homéostasie»[25]. Les gouvernements perdaient encore une fois cette autonomie pour entrer dans la logique du marché. Le néolibéralisme est aussi cette idéologie qui prône une vision de la société et de l’individu conditionné pour être prêt à vivre dedans[26].
Sans prétention aucune, notre préoccupation ne se tient pas sur le fait d’élaborer en général sur ce qu’est le néolibéralisme. Nous pensons que beaucoup d’auteurs on eu a faire ce travail. Mais nous avons voulu présenter le plus succinctement possible le contexte de son apparition et ce qui caractérise cette nouvelle formule. Par rapport à cela, l’université a donc pris part et s’est inscrite dans cette vision globale, non point unanime.
L’adoption.
Au cours des siècles cette institution à subit d’énormes changements, survenus à des périodes déterminées orientant les principes qui la définissait vers une autre direction. « Cette mutation décisive a été favorisée par le triomphe du néolibéralisme comme idéologie et comme pratique effective de régie des rapports sociaux dans le monde moderne »[27]. L’université qui jadis avait pour mission, la transmission et la production de savoirs et de connaissances par la méthode de l’enseignement tout en s’assurant de s’adonner à la recherche scientifique pour produire sur des problèmes spécifiques, n’est plus. Cet aspect de l’institution lui permettait de formé en lieu et temps voulu des intellectuels capables de réfléchir sur les problèmes phares et fournir des éléments ou pistes de solution. Alors qu’elle devrait être cette institution-là, porteuse de connaissance et de solution, elle s’est métamorphosée en une entité qui défend la logique néolibérale en formant des experts prêts à fouler le marché de l’emploi. Jacques Pelletier affirme, quoique, « dotée traditionnellement d’un statut d’institution de type communautariste vouée à la formation d’esprits libres et autonomes, l’Université devient, sous la poussée notamment de la mondialisation marchande, une organisation régie par la logique utilitariste et instrumentale qui inspire l’ensemble des entreprises dans nos sociétés modernes »[28].
Dans cette perspective, l’université se subordonne de plus en plus aux valeurs et aux normes qui définissent la logique néolibérale. Ce modèle conçoit l’institution universitaire comme un organisme à visée instrumentale dont les voies sont délimitées par des besoins spécifiques marqués par le fonctionnement du marché et de ses demandes de formation spécialisés. C’est une vision qui pense l’université comme un espace de formation du «capital humain» – un concept important dont le modèle a oblitéré son sens « pour qu’on ne puisse plus raisonner en termes de force de travail que sa marchandisation voue à l’exploitation »[29] – et qu’on devrait mettre aux services des entreprises. Cette vision « lie de manière directe la formation aux besoins réels ou présumés du marché en la ramenant à sa composante professionnelle au détriment de sa vocation plus générale et universelle »[30]. Par conséquent, ce fourvoiement ou dénaturation de l’université n’est que le résultat de l’idéologie néolibérale, adoptée par l’institution, qui régie le monde et pour le coup obère profondément les zones d’interventions de l’université, la détourne de sa responsabilité en tant qu’institution formatrice d’esprit indépendant et libre.
L’université[1] en Haïti
La société haïtienne a hérité dès sa création d’un mode d’organisation hiérarchique qui occasionne des tensions tout au long de son histoire. Ces crises sporadiques prennent sources dans les contractions internes de la société entre la classe des valeurs et la classe défavorisée. En effet, après que la masse populaire dans sa volonté la plus juste et justifiée ait apportée une forte contribution pour la lutte contre l’esclavage et la colonisation, ils se sont vu reléguer dans une position de marginaliser, exclus dans ce qui a trait à l’accession aux richesses nationales. Le prix même de cette trahison vaut la mise en place d’une structure qui se fonde sur des bases inégalitaires dont l’épanouissement d’une minorité se fait au détriment de la majorité. À aucun moment ces conflits ont pu renverser l’idéal établie par la classe possédante. Beaucoup d’auteurs s’interrogent sur les causes de ces échecs et finissent par dire qu’il y a un manque de constance, d’organisation et de conscientisation etc.
Il n’importe certainement pas à ce texte de dégager la posture de l’institution universitaire et les mesures prises pour proposer des pistes de solution en vue de résoudre ces crises ou du moins aider à l’aboutissement des révoltes dans les décennies passées. Certes, une étude à ce sujet serait nécessaire et bien venue pour nous éclairer sur ce point. Mais ce texte s’inscrit de préférence dans une dynamique plus comptemporaine et se donne pour objectif d’analyser la posture actuelle de l’université face aux crises successives mais spécifiquement la crise sanitaire dans laquelle se trouve le pays. La question fondamental auquel nous prétendons répondre est pourquoi une institution dont, dans son ultime mission est d’assurer le développement de la société se trouve atteinte d’aphonie dans les moments jugés déplorables où on nécessite le plus son apport ?
Bref récit et multiplication de l’université[2].
L’enseignement supérieur a pris source en occident au XIIème siècle, mais c’est le XIXème siècle qui représentait le siècle où on posait les bases pour la création d’une institution de formation supérieure en Haïti. Cela commença en 1815 où le roi Henry Christophe créa une Académie royale qui comprenait une école de médecine, de chirurgie et de pharmacie, une école des arts et métiers et une école d’agriculture. En suivant les pas du Roi, Jean Pierre Boyer essaya de mettre sur pied un Académie nationale d’Haïti mais hélas qui ne dura point. D’autres fondations suivirent au milieu du siècle, c’était pour la plupart des initiatives privées, mais elles n’étaient pas abouti. Le premier véritable établissement public d’enseignement supérieur a été, selon Caleb, l’école de Droit (actuellement Faculté de Droit et des Sciences Economiques) qui fut inauguré en Avril 1860 par Élie Dubois. Elle était logé dans l’actuel bâtiment de la DGI et les professeurs était des juristes formés en France[31].
Encore d’après Pierre-Caleb il y eu la création de la Faculté des Sciences en 1902 sous forme d’institution d’enseignement privée dénommée École des Sciences appliquées. Dans la première moitié du XXème siècle, il eu plusieurs construction d’université mais elles étaient toutes orientées vers la technique puisqu’elles étaient influencées par le pragmatisme laissé par les américains sous l’occupation. La création d’université ne resta pas là, on aurait dit qu’il y eu dans l’autre moitié une explosion dans la création d’université. Une situation qui s’est accrue par la démocratisation de cette dernière, provoquant une massification de l’enseignement supérieur. En 2006, une résolution a été prise sous le gouvernement de Jacques Édouard Alexis et René Préval par le ministre de l’éducation nationale et de la formation professionnelle Gabriel Bien-Aimé qui vise à créer une université publique dans chaque département géographique du pays (les Universités Publiques en Régions, UPR) dans l’optique de décentraliser l’enseignement supérieur public[32]. On dénombre aujourd’hui, selon Ilionor, 200 universités à travers le pays. Seulement 138 sont reconnues par les instances compétentes, daprès Paul Yves Fausner[33], le responsable de Direction de l’enseignement supérieur et de la recherche (DESR). La prolifération des universités implique, parallèlement, une méthode de formation centrée sur la traditionalité inadéquate à notre réalité et inapte à se lancer dans le débat public d’une importance nationale.
L’impact de la crise sur l’université haïtienne
Les épisodes de crises qui se succédèrent tout au long de ces trois décennies ne sont que le résultat d’une crise totale dans l’acception de Michel Hector[34] que traverse le pays. Les vagues d’accalmies que connaissent la société sont que passagère et donneront lieu à de nouvelles circonstances où la population se régimbera, parce que la crise des structures dans le sens de Michel-Rolph[35] n’est jamais résolue. Dans une approche holistique de la chose, la société en elle même constitue un tout dont ses parties sont aussi influencer par son mode d’organisation. En ce sens, la forme passive qu’affiche l’institution universitaire n’est autre que le reflet de la structure globale. La crise continue qui ronge le milieu universitaire représente une livide figure faisant le portrait du rapport découlant de la société et de l’institution. De plus, cette structure est façonnée par le modèle néolibéral adopté par les universités où ils se comprennent comme étant des entreprises, très éloignées, ayant même aucun rapport avec leur environnement socio-économique.
Le détour de l’institution.
Modèle d’apprentissage.
Ce faisant le produit, tout comme la société en générale, du modèle néolibéral l’université haïtienne ne forme plus en son sein des intellectuels mais des experts près à fouler le marché à la recherche d’un emploi. L’enseignement à base critique qui constituait l’essence même de cette institution a été frelaté dans son être le plus profond au profit d’une conception instrumentale. Ce type de formation assomme la portion de conscience critique chez les sujets tout en omettant de montrer que la société est une réalité en mouvement pouvant être transformer par la réflexion et l’action. Lenseignement évoque la réalité comme si elle était immobile, statique, segmentée et prévisible. La tâche de ce modèle d’enseignement est de remplir les élèves des contenus de sa narration, contenus qui sont détachés de la réalité, déconnectés du tout qui les a engendrés et peut leur donner une signification[36]. Cette approche de la formation nous amène au concept d’éducation bancaire fondée sur une vision de la conscience mécanique et statique aveuglant les sujets qu’elle prétend former.
Alors que, dans la perspective de Freire, elle devrait s’aventurer dans une éducation qui pose les problèmes, comme ça, les gens pourront développer leur pouvoir de perception critique en ce qui concerne leur façon dexister dans la société dans laquelle ils se trouvent afin qu’ils puissent finir par voir la réalité non plus comme une réalité statique, mais comme une réalité en mouvement, en cours de transformation. La réalité ne devrait plus s’appréhendée dans son immobilité mais être perçu comme cette entité définissable par son dynamisme. Cet enseignement construit tout un cadre référentiel qui leur décrit la réalité comme inchangeable ou comme une entité passive dont leur seul objectif c’est de s’adapter et non pas de la transformer. L’université se perd en restant accrocher à une idéologie de renoncement qu’elle transfère dans sa formation, devenant ainsi un obstacle à toute éveille de la conscience critique pour changer, proposer, ou suggérer.
L’université s’est donc mutée sortant d’un type institutionnel qui met en avant la transmission d’un savoir comme héritage à la fois scientifique et culturel pour passer à un type opérationnel qui vise à former des spécialistes directement préparés à satisfaire les besoins du marché auxquels s’attache les services des entreprises[37]. Par conséquent, « Le champ universitaire est devenu un marché où les étudiants sont les consommateurs de savoirs et de diplômes généralement inadéquats voire non conformes à la réalité haïtienne»[38]. Citons ce que dit Jacques Pelletier sur cette dichotomie que présente l’université :
La recherche, et cest logique, nest ni conçue ni intégrée de la même manière dans lun et lautre modèle. Dans luniversité à visée institutionnelle, elle fait partie intégrante de la mission fondamentale de formation que celle-ci sassigne et elle nexiste pas ou peu en tant que domaine autonome et séparé. Dans luniversité opérationnelle, elle se développe comme pratique largement indépendante de lenseignement et dans une optique dabord fonctionnelle et instrumentale commandée par la demande externe ou encore par sa propre dynamique endogène de développement […][39].
Perte de l’autonomie.
Le cas public
Ce détour peut aussi s’expliquer par l’université qui a perdu toute son autonomie pour se subjuguer à l’État. Or, l’université ne devrait avoir que des liens très étroit avec l’État, non pas se laisser contrôler par celui-ci. Rappelons que François Duvalier par un décret du 16 décembre 1960 changea le nom de l’Université d’Haïti en Université d’État d’Haïti ce qui avait pour finalité de lui permettre de contrôler l’Université suite à une grève des étudiants dans cette même année[40]. Aussi, l’université a été le lieu où il incrustait des inconditionnels pour souillé les mouvements de grève des étudiants, on appela ce acte la « macoutisation » de l’université[41]. Après ce décret, les recteurs et doyens ont été choisis par le gouvernement et non pas élus. Cette situation évolua pour un certain temps puisque les recteurs et doyens étaient maintenant élu même s’ils conservaient une affinité qui les dépossédaient de toute autonomie, les réduisant à de simple subalterne. L’université est, en ce temps en position de genuflexion face à l’État, alors que le rapport devrait être équilibré et non hiérarchisé comme observé. Dans ce cas la direction que prend l’enseignement n’est autre que celle choisie par le pouvoir accroché aux préceptes néolibéralistes, concordant avec la formation d’experts et non d’intellectuels capable de percevoir les failles pour ensuite proposer des éléments de réponses basées sur un discours scientifique.
Le cas privé
Les universités privées eux aussi sont détournées par rapport à leur adhésion au logique néolibérale. En effet leur adhésion s’explique par le fait que certaines institutions sont affiliées à des instances internationales originaire des pays porteurs de la doctrine dominante. D’autres sont des universités de confessions religieuses entièrement soumises aux recommandations et prescriptions venues d’ailleurs, c’est à dire, venues directement du pays ou émane la mission. Ces pays, sans préjugé de notre part, sont les bastions où s’élabore les théories néolibérales qui conçoivent la chose universitaire comme un marché.
À remarquer, que l’influence que subit l’université haïtienne ne provient pas d’un hasard ou une réalité ex nihilo. Au contraire, l’imposition de cette idéologie néolibérale a aussi affecté/infecté l’enseignement supérieur de beaucoup d’endroit du monde. Le détour de notre université qui la réduit en une simple institution opérationnelle, fonctionnelle et instrumentale est concomittant aux ruptures constatées dans la formation universitaire au niveau mondial. En ce sens, Louis Balthazar et Jules Bélanger prône un retour lorsqu’ils déclarent que : « Luniversité doit encore être le lieu où tout peut être remis en question, en raison même de la liberté universitaire, cest-à-dire de lindépendance de luniversité par rapport aux différents organismes sociaux qui peuvent exercer des pressions sur elle »[42]. Comme ça l’université pourrait disposée de sa personne et prendre la direction qui lui conviendrait le mieux. Ils affirment également que « la fonction de luniversité ne saurait donc être immédiatement utilitaire. Une université nest pas là dabord pour créer des emplois, pour servir les fins dun gouvernement, pour aider une entreprise à progresser ni même, dans limmédiat, pour fournir des compétences particulières en fonction des exigences du marché du travail […]»[43]. En se soumettant aux forces concourantes de la société, parce qu’elles ne visent qu’à l’affaiblir, l’université se raye de ce qui était sa fonction première de développer la pensée critique, de procéder à la recherche scientifique pour s’adonner à une tâche complètement utilitariste répondant au besoin du marché.
Nuance : Université et Étudiant(e)s
La séparation de ces deux choses qui, en réalité, paraîssent insecable peut prêter à équivoque dans la mesure où nous étions habitués à les considérer comme telle. Cependant une telle démarcation se trouve être capitale pour éviter une quelconque incompréhension. Depuis sa création l’université a toujours été élitiste, affirmer le contraire serait une opinion totalement controuvée. Elle a toujours été cette institution travaillant pour la conservation d’un ordre établie qui contraste aux aspirations collectives et contribue à la reproduction des inégalités sociales. Alors comment cette institution à la base élitiste peut dans ses programmes de formation éveiller la conscience critique chez les sujets qui la fréquente ? Nous doutions fortement que cela puisse se produire. Cependant, même si l’institution prescrit, inculque, conditionne les sujets en leur soumettant à des systèmes de valeurs ou codes normatifs, les sujets ne sont pas totalement soumis mais ont une marge qui facilite la déviation aux normes. Les sujets passent de l’agent, dont un ordre global lui est imposé, à l’acteur qui se réserve une marge de liberté sous le poids de certaines contraintes. Donc c’est ce qui explique, malgré cette formation bancaire, que les étudiants, avec l’appuie parfois de certains professeur(e)s, trouvent toujours le moyen d’entrer en conscience pour initier des mouvements. Prenons par exemple les mouvements étudiants du XXème siècle et celui en début du XXIème siècle contre les gouvernements, ils n’engageaient guère la position de l’université.
Conclusion.
L’université comme institution n’a jamais enclenchée de mouvement contre un pouvoir en place, elle s’est toujours gardée de ne pas se prononcer sur les crises quelque soit la nature : économique, sociale, politique et même sanitaire en ce moment. L’université haïtienne, qu’elle soit publique parce qu’elle est soumise aux ordres de l’état, qu’elle soit privée parce qu’elle est attachée soit à une mission religieuse ou une instance internationale, n’a aucune nécessité de communiquer, proposer, suggérer pour la résolution des crises précédentes encore moins celle que nous nous trouvons aujourd’hui pour la simple et bonne raison qu’elle se sent confortable et cohérente à sa mission actuelle ; celle de former des sujets incapables de porter un regard critique sur la réalité. La posture passive de l’université haïtienne s’entache d’une neutralité (ce qui n’est pas le cas) qui mais en exergue le caractère godillot de cette prestigieuse institution combien important pour l’avenir de notre pays. Nous tenons alors les propos suivants pour dire que l’université haïtienne de part sa spécificité diffère aux autres universités du moment que sur le plan matériel, financier et au niveau des infrastructures, mais sont proches idéologiquement.
Les crises précédentes ainsi que celle que nous traversons aujourd’hui ne dérange en rien l’université parce que ces crise n’ont jamais dérangé, ni l’État, ni les pays où sont sorti les instances qui contrôlent l’université. On nous dira que cette crise est particulière, nous l’accrodons, certes, mais cette incapacité à la gérer, ou à se prononcer la dessus provient de l’adhésion à la doctrine néolibérale qui handicape automatiquement la société et ces institutions y compris l’université dans son modèle de formation passive. D’où la « marionnettisation » de l’université haïtienne.
[1] Nous avons préféré dire l’université au lieu des universités en Haïti parce nous pensons que cette décantation serait inutile puisque, qu’elle soit privée ou publique, les deux formes l’enseignement supérieur en Haïti. Il est vrai que des différences s’impose au niveau de gestion, des infrastructures et des conditions d’études mais remarquons que ces différences se situent quasiment du point de vue matérielle alors que dans leurs méthodes d’enseignement elles se convergent.
[2] En raison de sa compacité, au cours de notre recherche, les informations sur la création des facultés d’État nous étaient plus facile à trouver. Mais, par rapport à leur nombre, il serait beaucoup plus difficile à exposer la date de l’apparition de toutes, ou mêmes de certaines universités privées. Toutefois, nous supposons, avec réserve, que le XXème siècle serait probablement l’époque où l’enseignement supérieur privé a pris un essor considérable.
Textes consultés
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[1] Freire, Paulo, Pédagogie des opprimés; suivie de conscientisation et révolution, 1970
[2] Verger, Jacques, Des écoles à l’Université, Revue histoire des facultés de droit et de la science juridique, p181-193
[3] Charles, Christophe & Jacques Verger, Histoire des universités XIIe – XXIe siecle, Collection quadrige, Édition Presse Universitaire Française, 2012, p 8
[4] Histoire des Universités. Op.cit p 9
[5] Riché, Pierre, Éducation et enseignement monastique dans le Haut Moyen Age. In: Médiévales, n°13, 1987. Apprendre le Moyen-âge aujourd’hui. p 132
[6] Riché, Pierre, Ibid, p. 132.
[7] Verger, Jacques, op.cit p 181.
[8] Verger, Jacques, Ibidem.
[9] Histoires des universités du XIIe – XXIe siècle, Op.cit. p. 9.
[10] Histoires des universités du XIIe – XXIe siècle, Ibid, p 10.
[11] Ibid, p 14.
[12] Ibid, p 14-15.
[13] Ibid, p 4.
[14] Pelletier, Jacques, & all, Université comptemporeine: un bateau à la dérive ?, Analyses et discussions, no 8, printemps 2006, p. 68
[15] Rocher, Guy, Re-definition du rôle de l’université, p 12. Un article publié dans le livre sous la direction de Fernand Dumont et Yves Martin, L’éducation 25 ans plus tard et après ? p 181-198 . Québec: l’Institut québécois de la recherche (IQRC), 1990, 432 p.
[16] André Ségal, Luniversité ou le savoir comme enjeu social, p 10. Un article publié dans louvrage sous la direction dAndré Turmel, Culture, institution et savoir. Culture française dAmérique, pp. 25-43. Québec : Les Presses de lUniversité Laval, 1997, 230 p.
[17] Dulond, Delphine, Sociologie des institutions Politiques, Editions la découverte, Paris, 2012, p 63.
[18] Histoire des Universités XIIe – XXIe siècle, Op.cit p 22-23.
[19] Histoires des universités XIIe – XXIe siècle, p 26-27.
[20] Rocher, Guy, Op.cit, p 17.
[21] Braud, Philippe, sociologie politique, Paris, Lextenso éditions, 2008
[22] Histoire des Universités XIIe – XXIe siècle, op.cit, p 57.
[23]Ibidem.
[24] Lagueux, Maurice, Qu’est ce que le néolibéralisme ?, Les Cahiers Virtues, 2004, p 20.
[25] Bihr, Alain, Idéologie néolibérale, p 13-14.
[26] Ibidem
[27] Université contemporaine : un bateau à la dérive ?, Op.cit, p 70
[28] Ibid, p 10.
[29] Bihr, Alian, Op.cit, p 14.
[30] Université comptemporaine : un bateau à la dérive, Op.cit, p 69.
[31] Deshommes, Pierre-Caleb, l’impasse difficile de l’université haïtienne, un article publié dans le Nouvelliste le 18-02-2014. 29-06-20
[32] Louis, Ilionor, Critique de la critique de l’université haïtienne.
[33] Ces informations on été recueillies dans un interview de Paul Yves Fausner donné au Nouvelliste dans un article titré «138 institutions d’enseignement supérieur reconnues dans le pays», publié le 12-10-2018.
[34] Hector, Michel, Crises et mouvements populaires en Haïti, Montréal : Les Éditions du CIDIHCA, 2000.
[35] Trouillot, Michel-Rolph, Les racines historiques de l’état Duvalérien, Port au Prince, éditions Deschamps, 1986.
[36] Freire, Paulo, Op.cit, p 29.
[37] Pelletier, Jacques, & all, Université comptemporeine: un bateau à la dérive ?, Analyses et discussions, no 8, printemps 2006.
[38] Louis, Ilionor, Op.cit.
[39] Université comptemporaine : un bateau à la dérive, p 69
[40] Deshommes, Pierre-Caleb, Op.cit.
[41] Pierre-Charles, Gérard, Radiographie d’une dictature, Montréal, éditions Nouvelle Optique, 1973 [1969], p 80.
[42]Balthazar, Louis, Jules Bélanger, LÉcole détournée, Montréal, Les Éditions du Boréal, 1989, p 155.
[43] Ibid, p 157.