Ouanaminthe : une plaie de plus, le cancer est toujours là !
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Haïti est un pays paradoxal. Chaque jour qui arrive apporte de nouvelles priorités. On dirait un classeur bien garni d’évènements, les uns plus drôles que les autres. L’opinion publique est manipulée. Elle est condamnée à tout gober car le rythme avec lequel les sujets d’actualité évoluent donne le vertige.
Depuis maintenant trois semaines, la ville d’Ouanaminthe vole la vedette aux gangs. La poursuite par la population des travaux de construction du canal initié sous l’administration de Jovenel Moïse attire toutes les attentions. Elle déclenche une vague d’émotions, mais aussi un éveil de solidarité chez plus d’un. Ouanaminthe est devenue dans un temps record le principal centre d’attraction du pays, noyant du coup tous les autres problèmes qui assaillent Haïti. On peine à déceler ce qui est dans cette affaire du m’as-tu-vu, de l’engagement citoyen ou s’il s’agit d’une vitrine politique pour des affairistes.
Sur ce dossier, le Gouvernement actuel d’Haïti est hésitant. Il se montre précautionneux. Il fait moins de bruit avec l’affaire, comparé à la République Dominicaine qui se livre à une vaste campagne d’intimidation et de manipulation. Il se contente de faire circuler des notes pour rassurer la population en disant qu’il est de son côté sans pour autant s’investir dans le projet. Car, les travaux se poursuivent grâce à la détermination de la population, des marathons réalisés et de la contribution de particuliers et de structures jugeant que c’est un exercice à encourager.
Au regard de l’énergie mobilisée derrière ce projet par la population, on dirait qu’elle ignore que le pays est au bord de l’explosion. Que les gangs poursuivent en toute impunité leurs exactions. Que la capitale croule sous la boue. Que des milliers de familles dorment à la belle étoile, exposées à la pluie, au froid, à toutes sortes d’abus. Le Gouvernement en profite. C’est un bon moment de répit. Combien de villes montreront, par la suite, autant de dynamisme pour initier ou continuer des projets de développement au bénéfice de la majorité ? En quoi l’exercice des habitants du Nord-Est peut-elle galvaniser toutes les autres régions à engager des campagnes diverses au bénéfice de la majorité ?
Ce serait fantastique si l’exemple des habitants d’Ouanaminthe faisait boule de neige. Si ce signal retentissait un peu partout dans le pays. Si nous arrivions à faire corps contre la mauvaise gouvernance. Contre la corruption au sein de l’administration publique. Si nous parvenions à censurer les activistes politiques. Après la rivière Massacre, nous aurons également besoin de cette synergie pour épurer le système politique et économique du pays. Pour la construction du canal, beaucoup de différends ont été mis de côté. Et si les antagonistes politiques s’en inspiraient ? Et si un instant, ce courant traversait nos élites qui se font avilir par les États-Unis, le Canada et la République Dominicaine ? Après Ouanaminthe quelle sera notre prochaine destination ? Notre prochain projet ?
Résister à la République Dominicaine s’en est une, forcer l’État Haïtien à couper court à ses vieilles pratiques en est une autre. De toute évidence, n’oublions pas que cette crise est la conséquence directe de notre gestion. De l’image que nous donnons de nous. La République Dominicaine agirait forcément différemment si nous étions un pays uni, un pays stable, un pays gouverné et administré. Si nos dirigeants se faisaient respecter. Nous avons donné trop de prétextes aux étrangers pour nous ridiculiser. Nous leur apportons notre corde, les prions de nous pendre et ensuite on se plaint. Poursuivons la construction du canal, mais n’oublions pas que la plupart de nos dirigeants sont des asservis.
Daniel SÉVÈRE
