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Possible renouvellement du mandat du BINUH : un mal non nécessaire, selon le Professeur Ismaël P. Volcymus

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Nombreux sont ceux qui constatent l’échec des missions onusiennes en Haïti. Pour sa part, Ismaël P. Volcymus, géographe, croit que la République d’Haïti est capable de gérer seule son espace.

Le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a été établi par la Résolution 2476 du Conseil de sécurité du 25 juin 2019 et déployé sous le Chapitre VI de la Charte des Nations Unies dans l’objectif de « conseiller le gouvernement d’Haïti pour promouvoir et renforcer la stabilité politique et la bonne gouvernance ». Son rôle est d’être consultant pour le gouvernement haïtien sur des sujets importants tels que les dialogues et réformes, les élections, la professionnalisation de la Police, la réduction de la violence communautaire et de la violence des gangs, la réforme judiciaire, les conditions pénitentiaires ou encore sur la protection des droits humains.  

L’ONU et son Secrétaire Général considèrent que les opérations de maintien de la paix sont d’une grande importance pour la stabilité internationale. Toutefois, les États sont les premiers responsables de l’établissement d’un climat de paix. Lors de ses allocutions à l’occasion de la Journée internationale des casques bleus des Nations Unies le 29 mai dernier, le Secrétaire Général des Nations Unies, Antonio Guterres, l’a rappelé. « Nous le savons : la paix s’obtient lorsque les gouvernements et les sociétés unissent leurs forces pour régler les différends par le dialogue, instaurer une culture de la non-violence et protéger les plus vulnérables », a-t-il dit. 

Une mission contestée

Cependant, nombreux sont ceux qui, en Haïti, croient que la présence onusienne n’affiche aucun succès. En effet, plusieurs organisations avaient, dès la demande du renouvellement du mandat du BINUH, contesté la démarche. Moleghaf, CNOHA, UNNOH, Fanm Vanyan, PAPDA, etc. C’est également le cas du Professeur Ismaël Paul Volcymus, détenteur d’un Master II en géographie, doctorant à l’Université des Antilles, et enseignant à l’Université, qui croit que la solution haïtienne à la crise actuelle doit être trouvée par les acteurs locaux, en dehors de tout diktat international.

Selon le professeur, le bilan des opérations de maintien de la paix en Haïti est catastrophique, et qu’elles n’ont plus lieu d’être. « Au bilan de la MINUSTHA en Haïti, on peut mentionner des actes de viols, des massacres dans certains quartiers populaires et l’évènement le plus tragique, l’introduction du choléra dans le pays », s’indigne-t-il. « Si Haïti représente une menace pour la paix et la sécurité internationale aujourd’hui, la communauté internationale en est pour beaucoup. Et même après 18 ans de présence onusienne dans le pays, la situation est de loin bien plus chaotique que lors de leur arrivée ».

Si l’insécurité peut pousser certains à croire que la présence d’une force onusienne est souhaitable, le géographe, lui, pense que le pays a la capacité de mieux gérer son espace, et d’y rétablir l’ordre. « L’insécurité est certes un grave problème chez nous. Cependant, les solutions peuvent et doivent être haïtiennes. Nous n’avons pas besoin de l’étranger pour cela. Nous avons des gens dans le pays qui ont le sens du sérieux et nous avons la possibilité de les encadrer. Si nous attendons l’aide étrangère, nous n’irons nulle part. Ces étrangers ont des antécédents avec Haïti, des contentieux historiques, nous ne pouvons pas leur faire confiance », plaide-t-il.

Selon lui, l’insécurité actuelle a également une racine sociale, et la solution doit aussi passer par elle. « Il ne suffit pas de renforcer l’appareil répressif pour combattre l’insécurité. Il faut améliorer les conditions de vie des jeunes citoyens, qui sont infrahumaines. L’aspect social du problème est encore plus important à considérer que l’aspect répressif ».

Rapport du BINUH au Secrétaire Général des Nations Unies, l’aveu d’un échec ?

Dans son rapport de juin 2022 fait au Secrétaire Général, le BINUH livre son constat de la situation en Haïti. « Les enlèvements et les homicides volontaires ne sont pas tous signalés, mais la Police Nationale d’Haïti a tout de même enregistré 540 enlèvements entre le 1er janvier et le 31 mai 2022 (soit une augmentation de 36,4 %), contre 396 au cours des cinq derniers mois de 2021, tandis que le nombre d’homicides volontaires a augmenté de 17 %, de 668 au cours des cinq derniers mois de 2021 à 782 au cours des cinq premiers mois de 2022. Ces chiffres ne cessent d’augmenter, atteignant des niveaux sans précédent », selon ce rapport. « Rien qu’en mai, 198 enlèvements et 201 homicides ont été signalés, essentiellement dans le département de l’Ouest. Dans un des cas, deux bus remplis d’enfants ont été enlevés, le 24 mai ». « La détérioration des conditions de sécurité est restée au premier plan du débat public, de même que les personnes déplacées par la violence des bandes organisées », exprime la cheffe du BINUH dans ce rapport.

Après 18 ans de présence onusienne dans le pays, la situation d’insécurité et d’instabilité est à son paroxysme. Néanmoins, la mission croit devoir rester dans le pays. Lors d’une « évaluation du mandat du  BINUH » qui a été menée sous la direction d’un « expert indépendant », Mourad Wahba, qui a formulé des recommandations sur ledit « mandat et les ressources allouées à son exécution, ainsi que sur la structure du dispositif des Nations Unies en Haïti », la présence onusienne est nécessaire dans le pays, toujours selon le rapport du mois de juin 2022 au Secrétaire Général.

« Dans son rapport, l’expert indépendant a conclu qu’Haïti traversait l’une des périodes les plus difficiles de son histoire, estimant que les causes profondes de l’instabilité dans le pays exigeaient avant tout des solutions politiques et qu’une mission politique spéciale des Nations Unies restait la structure la plus appropriée et la plus efficace pour relever les principaux défis se posant. Il y indiquait qu’une mission politique des Nations Unies demeurait nécessaire et que le BINUH devrait être habilité à poursuivre ses missions de bons offices et s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité, qui sont intrinsèquement politiques, renforcer le soutien apporté à la Police pour endiguer la violence des bandes armées, et améliorer son action auprès de tous les secteurs de la société, y compris les communautés vivant dans des zones contrôlées par des bandes organisées ».

 Clovesky André-Gérald PIERRE

 cloveskypierre1@gmail.com

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