Quand l’insécurité menace l’économie du pays
3 min readL’insécurité semble recouvrir par vagues déferlantes le territoire haïtien qui ne cesse de compter les massacres et d’assister à l’augmentation de l’instabilité. Cette situation paralyse grandement les activités économiques dans le pays, ce qui n’est pas sans conséquences.
Pillages, blocages de routes nationales par les gangs armés, massacres : les nouvelles sont alarmantes sur le plan global. Des propriétaires d’entreprises lâchent prise et cessent leurs activités. Les banques aussi sont entraînées dans la foulée puisque la Sogebank a vu sa succursale à Martissant vandalisée, alors que celle-ci avait fermé ses portes dès le 4 juin 2021. Cette situation inquiète énormément certains jeunes entrepreneurs qui voient l’aboutissement de leurs projets retardé, sinon compromis.
C’est ce qu’exprime Juste-Cœur Beaubrun, jeune entrepreneur et étudiant en sciences économiques. Pour lui, l’entrepreneuriat ne se fait pas en dehors de la politique puisque cette dernière aura des incidences sur lui. Aussi, il croit que si l’État doit créer les conditions pour investir, il est de la responsabilité d’un entrepreneur qu’il s’engage dans la vie politique du pays. « Cette situation d’instabilité m’a incité à investir dans la technologie pour plus de stabilité. Cela m’a aussi poussé à envisager comment contribuer à la stabilité politique en Haïti, puisque je veux pouvoir continuer à y investir », déclare-t-il.
Selon l’étudiant, les menaces économiques pèsent lourd sur le pays. Parmi ces menaces, il cite à la fois l’inflation qui monte et la dépréciation de la gourde. Il continue pour affirmer que si la valeur de la gourde diminue, si la facture des importations augmente, c’est parce que les gens ont besoin de plus de devises pour acheter. « La situation entraîne le découragement des investisseurs. Or, une diminution considérable de l’investissement fait chuter aussi la production. Nous nous retrouvons donc avec une économie en phase de récession », déclare-t-il. La situation entraînerait aussi des pertes pour certaines entreprises qui se trouvent obligées de fonctionner au gré de l’insécurité.
Pour lui, pour qu’un pays ait une économie solide, l’État de ce pays doit mettre en place des politiques publiques efficaces. En effet, santé, infrastructures et sécurité sont autant de paramètres dont elle dépend. « Si l’on considère qu’à l’heure actuelle, près de 6 millions de personnes se trouvent en situation de pauvreté en Haïti et que le PIB décroit continuellement, il y a lieu de s’inquiéter », affirme-t-il.
Selon le dernier rapport du Bureau Intégré des Nations-Unies en Haïti (BINUH), le Gouvernement travaille à un retour à la croissance en 2021, le Produit Intérieur Brut (PIB) ayant connu une contraction estimée à 3.7% en 2020. Toutefois, la BINUH estime que cette perspective aurait besoin d’une nette amélioration de la situation politique et des conditions de sécurité. Aujourd’hui, en juillet 2021, la situation semble s’aggraver et non s’améliorer si l’on considère l’impasse politique dans laquelle se trouve le pays avec l’assassinat du Président Jovenel Moise.
Si, selon la BINUH, les investissements directs étrangers en Haïti sont passés de 105 millions de dollars en 2018 à 75 millions de dollars en 2019, il est à prévoir que la situation du pays pourrait occasionner une plus grande chute, surtout que la crise sanitaire engendrée par la COVID-19 aggrave la situation.
Pendant ce temps, l’Association des Industries d’Haïti (ADIH) dénombre 2200 emplois perdus par l’industrie textile qui, selon elle, est le plus grand pourvoyeur d’emplois du secteur privé formel. L’association estime que d’autres usines risquent de devoir interrompre leurs activités à cause de l’insécurité et de la pénurie de carburant récurrente. Elle déplore aussi qu’un ensemble d’entreprises tombent en faillite, plaçant ainsi des centaines de familles dans des conditions très précaires compte tenu de la hausse du taux de chômage.
Ketsia Sara DESPEIGNES