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Rapatriement massif, détention préventive, l’addition est salée pour de nombreux Haïtiens en République Dominicaine

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Après le mur frontalier qu’érige le Gouvernement dominicain le long de la frontière, c’est le rapatriement des Haïtiens depuis la République Dominicaine qui se poursuit. 74,3% des Haïtiens interpellés en République voisine sont retenus en détention préventive.

Les relations entre les deux Républiques partageant l’Île d’Hispaniola ne cessent de se détériorer chaque jour davantage. Au mois de février dernier, le Gouvernement dominicain a entrepris de construire un long mur électrifié le long de la frontière entre les deux pays, dans l’objectif, disait-il, de lutter contre la contrebande, le trafic d’êtres humains, les trafics d’armes, de stupéfiants, etc. S’élevant contre cette mesure, bien que passée sous silence par les autorités haïtiennes qui se laissent faire, plusieurs entités de la société civile ont élevé la voix pour condamner ce qui, selon certains, tend beaucoup plus à séparer les deux peuples qu’à solutionner ces problèmes prétextés. 

Aujourd’hui, ce sont les droits des migrants haïtiens à obtenir justice qui sont remis en cause. En effet, sur un total de 1 464 Haïtiens incarcérés en République Dominicaine au moment de la publication des dernières données statistiques en la matière par la Direction Générale des Services Pénitentiaires et Correctionnels de la République Dominicaine, 1 088 sont en détention préventive. Une semaine après la publication de ces données, les autorités haïtiennes gardent encore le silence sur ce dossier, mais des organisations de défense des droits de l’Homme s’insurgent.

Ces Haïtiens doublement victimes selon le Groupe d’Appui aux Rapatriés et Refugiés (GARR)

Seulement 376 Haïtiens incarcérés en République Dominicaine ont été condamnés par les tribunaux, toujours selon ce rapport. Sur le total des Haïtiens incarcérés là-bas, 306 sont détenus pour des accusations d’homicides et 285 pour vols qualifiés. Les Haïtiens représentent l’essentiel des étrangers incarcérés en République Dominicaine, soit 80% de leur nombre. Toujours selon ce rapport de la « direction des prisons », une personne sur vingt incarcérées est de nationalité haïtienne. 

Cependant, les autorités dominicaines semblent être conscientes que les conditions de détention ne sont pas conformes aux lois et règlements du pays. Pour le colonel Roberto Hernández Basilio, directeur général des services pénitentiaires et correctionnels, la surpopulation dans les centres de détention est un fait en République Dominicaine, et il faudrait accélérer le processus pour les actions en justice, d’après les informations relayées par le service de presse du Procureur général de la République Dominicaine. Pour pallier à ce problème de surpopulation carcérale, Hilda Patricia Lagombra, directrice du modèle des prisons, soutient qu’il est nécessaire que le système pénitentiaire ait une vigilance constante qui permette de répondre aux plaintes qui sont générées. 

De son côté, Joseph Mike Lysias,  responsable de communication et de plaidoyer pour le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR) – contacté par le journal Le Quotidien News, estime que ce rapport ne fait aucun état d’autres violations des droits des prisonniers, ni en particulier ceux des Haïtiens. Cependant, M. Lysias souligne que les Haïtiens sont constamment victimes de violation de leurs droits en République voisine, et certains pourraient être doublement victimes à cause de leur présence irrégulière sur le territoire dominicain. 

Pour Joseph Mike Lysias, le manque de documents d’identité joue également un grand rôle dans la détention préventive prolongée des Haïtiens en République Dominicaine. « Des fois, le manque de moyens économiques ou l’absence de pièces d’identité empêchent les Haïtiens d’avoir droit à la justice quand ils sont interpellés en République Dominicaine. Cette situation les rend très vulnérables et même victimes d’abus, certains ne portent pas plainte à cause des vagues de rapatriements vers Haïti »,  dit-il.

Les rapatriements se poursuivent

Selon son « Rapport des rapatriements et retours spontanés février-mars 2022 », le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR) compte pas moins de 4 527 rapatriés de février à mars 2022, parmi eux 3 822 hommes, 535 femmes, 33 filles et 77 garçons. Toujours selon ce rapport, 2 535 Haïtiens ont été rapatriés via la frontière à Belladère, 256 à Malpasse, et 1 736 à Ouanaminthe. 

Selon le responsable de communication et de plaidoyer du GARR, les conditions de rapatriement se font au détriment des droits des migrants. Cette violation se fait non seulement au regard des responsabilités dominicaines qui ne respectent pas les dispositions du Protocole d’Accord sur les mécanismes de rapatriement signé entre les deux pays en décembre 1999, qui fixe les conditions de rapatriement et sa mise en œuvre, mais aussi les responsables haïtiens qui ne remplissent pas leurs obligations y affairant. 

« Le Protocole d’Accord sur les mécanismes de rapatriement signé en 1999 n’est respecté ni du côté des autorités haïtiennes, ni du côté dominicain. Les deux pays ont leurs responsabilités à prendre pour que les migrants ou les rapatriés soient bien traités. L’État haïtien n’a pas pris ses responsabilités pour construire des centres dans les zones frontalières pour accueillir les migrants lors des rapatriements massifs. Du côté des autorités dominicaines qui, elles, ont plus de responsabilités suivant ce protocole, plusieurs violations sont fréquemment observées. Des familles sont séparées lors des rapatriements ; les autorités ne leur permettent pas d’aller récupérer leurs effets personnels ; les rapatriés sont certaines fois maltraités ; et les rapatriements ne se font pas toujours au cours de la journée comme il est fait mention dans le protocole d’accord », a fait savoir Joseph Mike Lysias.

Toujours selon le rapport du GARR, 7 546 Haïtiens sont retournés en Haïti de manière spontanée, parmi eux 3 105 hommes, 3 165 femmes, 643 filles et 633 garçons. Ce qui ramène le nombre total des Haïtiens ayant passé la frontière haïtienne depuis le territoire dominicain à 12 073 migrants pour les seuls mois de février et mars 2022.

Clovesky André-Gerald Pierrecloveskypierre1@gmail

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