12 octobre 2025

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Rentrée judiciaire 2025-2026 : plusieurs tribunaux dans « l’impossibilité de fonctionner régulièrement en raison de l’emprise constante des gangs armés »

Au cours de l’année 2024-2025, le système judiciaire haïtien a été confronté à de nombreux obstacles. Plusieurs tribunaux de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince et de certaines villes de province se trouvent dans l’impossibilité de fonctionner régulièrement en raison de l’emprise constante des gangs armés, si l’on croit l’Association Professionnelle des Magistrats (APM). À travers une cérémonie tenue le 6 octobre 2025, le président de la Cour de Cassation, Me Jean Joseph Lebrun, a officiellement lancé la reprise des travaux judiciaires pour l’année 2025-2026 sur l’ensemble du territoire haïtien.

La cérémonie de lancement de la rentrée judiciaire 2025-2026 s’est déroulée dans les locaux de la Cour de Cassation au Champ de Mars, alors même que les autorités avaient, il y a plusieurs mois, décidé de quitter les lieux en raison de la détérioration du climat sécuritaire. Lors de cette cérémonie, le président de la Cour, Me Jean Joseph Lebrun, siégeait aux côtés de neuf autres juges de la Cour et du ministère public, dirigé par le commissaire du gouvernement près la Cour, Me Carvès Jean, assisté du greffier en chef, Me Pierre-Richard Allonce.

Dans son discours, Me Lebrun s’est adressé à la population haïtienne en l’exhortant à garder foi en la justice de leur pays. « Ayez confiance en votre justice. En rouvrant cette année judiciaire, nous affirmons, contre vents et marées, que la République tient debout et que sa justice continuera d’être au-dessus de la mêlée afin de se battre pour le triomphe de la démocratie », a-t-il déclaré.

Me Lebrun a rappelé que cette cérémonie constitue un moment républicain fort, une tradition institutionnelle symbolisant la permanence de la justice, son autonomie et sa mission fondamentale : assurer le service public de la justice, dire le droit, garantir les libertés individuelles et protéger l’ordre juridique de la République.

Me Lebrun a dressé un tableau sombre de l’année judiciaire précédente. « L’année judiciaire écoulée a été marquée, encore une fois, par des défis majeurs : la persistance de l’insécurité, le fonctionnement précaire ou le dysfonctionnement de certaines juridictions, les menaces ouvertes ou voilées contre les magistrats et la lourdeur des procédures, aggravée par ce contexte délétère », a-t-il souligné. Pourtant, ajoute-t-il, « la justice haïtienne, durant l’année écoulée, a poursuivi son petit bonhomme de chemin, contre vents et marées, car le bateau tangue, mais il ne doit pas couler ».

Par ailleurs, Me Lebrun a salué les efforts du personnel judiciaire malgré les difficultés rencontrées. Il a présenté des chiffres sur les décisions rendues par le tribunal de première instance de Port-au-Prince et par les cinq cours d’appel du pays. Le président de la Cour de Cassation a félicité les juges et les greffiers pour leur dévouement, rappelant que la justice demeure un pilier essentiel de la stabilité démocratique et nationale.

Le président du CSPJ a reconnu que le système judiciaire haïtien traverse une période de grande fragilité : manque de moyens, désorganisation des tribunaux, lenteurs procédurales et perte de confiance du public continuent d’affaiblir l’institution. À en croire Me Lebrun, l’appareil judiciaire fonctionne dans un contexte d’urgence, où les magistrats travaillent souvent sans sécurité ni ressources adéquates.

Me Lebrun a exhorté les autorités et les acteurs de la justice à coopérer pour renforcer l’efficacité du système. Il a insisté sur la nécessité d’un suivi administratif rigoureux, de rapports réguliers et d’une amélioration des conditions de travail dans les tribunaux. Il a plaidé pour une justice forte, indépendante et respectée, capable de garantir l’État de droit. « La justice n’est pas un privilège, mais un droit. Elle doit redevenir l’instrument de la paix sociale et du redressement national », a-t-il conclu.

Présent à cette cérémonie, le chef du gouvernement, Alix Didier Fils-Aimé, a promis, entre autres mesures pour la nouvelle année judiciaire, l’opérationnalisation des pôles judiciaires spécialisés, la mise en œuvre d’un programme de formation dans le cadre de la réforme pénale, le renforcement de l’inspection judiciaire du ministère de la Justice, ainsi que la construction de trois centres pénitentiaires modernes pouvant accueillir jusqu’à 15 000 prisonniers.

Toutefois, pour le responsable de la Primature, « l’idéal de justice que nous chérissons n’est pas encore à nos portes ». Selon le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, l’année judiciaire 2024-2025 n’a pas été catastrophique en matière de réalisations, contrairement à ce que certains pensent. Pour étayer ses propos, il a évoqué plusieurs accomplissements qualifiés de significatifs, notamment la publication du décret créant les pôles judiciaires spécialisés, l’ouverture prochaine de deux nouvelles juridictions, la nomination d’une cinquantaine de parquetiers et la redynamisation du Conseil national d’assistance légale.

Le cri d’alarme de l’APM sur l’état préoccupant du système judiciaire

Dans un communiqué publié le 6 octobre 2025, l’Association Professionnelle des Magistrats (APM) a attiré l’attention des autorités et de la population sur l’état préoccupant du système judiciaire haïtien. L’APM a révélé que plusieurs tribunaux, particulièrement dans la zone métropolitaine et certaines villes de province, sont aujourd’hui dans l’impossibilité de fonctionner régulièrement à cause de l’emprise constante des gangs armés.

L’association a également souligné que de nombreux tribunaux ne disposent plus de locaux appropriés. « Certains ont été contraints de fermer leurs portes, d’autres ont été déplacés, souvent dans des conditions indignes et incompatibles avec le bon fonctionnement de la justice. Certains tribunaux de première instance fonctionnent avec un seul juge d’instruction », a précisé l’APM, déplorant que cette situation compromette gravement l’accès des citoyens à la justice.

Selon l’APM, les violences des gangs ont paralysé les institutions judiciaires et semé la peur parmi les magistrats, les avocats et le personnel judiciaire. Elle a également dénoncé les conditions de travail précaires des magistrats. Face à ce constat, l’association exhorte les autorités de l’Exécutif à prendre des mesures urgentes pour garantir la sécurité des infrastructures judiciaires, réhabiliter les tribunaux vandalisés, renouveler le mandat des juges et assurer la protection des magistrats et du personnel judiciaire. « Le CSPJ doit s’assurer que les tribunaux et cours soient dotés de matériels de bureau, de véhicules et de moyens adéquats leur permettant d’assurer une meilleure distribution de la justice », a exigé l’APM.

Aussi convient-il de rappeler que la cérémonie de la rentrée judiciaire 2025-2026 s’est tenue au Champ de Mars, dans un environnement plutôt calme, en présence des conseillers-présidents Leslie Voltaire, Smith Augustin, Edgard Leblanc Fils et Frinel Joseph, ainsi que des membres du gouvernement, du corps diplomatique, du chef de la police André Vladimir Paraison, du doyen Bernard Saint-Vil, du secrétaire technique du CSPJ Jean Hervé Alcé et du représentant des droits humains, Me Gédéon Jean.

Jackson Junior RINVIL

rjacksonjunior@yahoo.fr

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