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Sans renforts massifs, la PNH demeure le dernier rempart

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Dans une conjoncture sans précédent, évoquant les périodes de guerre, la police haïtienne s’efforce de remplir ses fonctions malgré des ressources limitées. Avec un effectif à peine supérieur à 13 000 agents au 31 décembre 2023 et un manque criant d’équipement, la PNH fait face à la montée en puissance des gangs armés.

Depuis le début des événements ayant conduit à la démission forcée du Premier ministre Ariel Henry, les groupes armés ont gagné en influence, plongeant le pays dans un chaos total. Malgré cela, la PNH a semblé reprendre du poil de la bête après avoir subi plusieurs attaques, notamment des assassinats de policiers et la destruction d’infrastructures policières. En l’espace d’une semaine, pas moins de trois chefs de gangs ont été tués lors d’affrontements avec les forces de l’ordre. Parmi eux, figure un évadé de l’attaque contre la prison civile de Port-au-Prince le 2 mars dernier.

Dans une déclaration adressée à la population en début de mois, le Directeur Général de la PNH avait salué le courage des policiers, soulignant qu’ils « continuent de risquer leur vie pour protéger la population et éviter l’effondrement du pays ». Cependant, outre les difficultés matérielles auxquelles est confrontée l’institution, son effectif diminue rapidement. Selon le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), 1 663 agents de police, dont 152 femmes, ont quitté l’institution en 2023. Durant la même période, 48 agents ont été tués et 75 blessés. Au 31 décembre, la police nationale comptait 13 196 agents, dont 1 588 femmes.

Cependant, les effectifs de la PNH ont été renforcés de 786 nouveaux agents avec la graduation de sa 33e promotion le 11 mars 2024, après seulement 4 mois de formation. Selon le BINUH, cela fait partie d’un programme de formation de base accélérée lancé le 5 novembre, destiné à 796 cadets, dont 116 femmes. L’école nationale de Police a été rénovée et équipée à cet effet avec le soutien de partenaires internationaux.

Une aide qui fait encore défaut

De temps à autre, la PNH reçoit quelques équipements pour renforcer ses capacités. En octobre 2023, la mobilité de la police haïtienne a été renforcée par la livraison de 20 véhicules de patrouille non blindés et de 250 motos dans le cadre du « programme conjoint d’appui aux policiers haïtiens, qui vise à améliorer leur professionnalisme ». Cependant, près de la moitié des véhicules blindés de l’institution sont hors service, endommagés lors d’opérations de police, en panne ou tombés entre les mains des gangs.

Malgré les nombreuses déclarations dénonçant les défis matériels auxquels est confrontée l’institution, tant par des acteurs locaux qu’internationaux, des mesures concrètes pour renforcer l’institution se font toujours attendre. Depuis plus de 5 mois, le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté une Résolution sur le déploiement en Haïti de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité pour une durée d’un an. Une avancée saluée par de nombreux acteurs, mais le déploiement de la MMAS ne semble toujours pas imminent, même si les gangs ont gagné en influence et paralysent le pays.

Pour le Professeur James Boyard, cette situation pose problème. « Le problème est que le premier paragraphe de cette Résolution accorde à la MMAS une durée initiale de 12 mois, à compter de la date du vote de la Résolution », a-t-il déclaré sur son compte X (anciennement Twitter). « En d’autres termes, si le déploiement des forces du Kenya devait commencer aujourd’hui, elles n’auraient qu’un peu plus de 5 mois pour atteindre les deux principaux objectifs de la mission, à savoir la neutralisation des espaces criminels et des acteurs criminels ».

Selon lui, il serait dans l’intérêt du gouvernement haïtien de créer rapidement le Conseil National de Sécurité (CNS), qui aurait notamment pour mission d’encadrer et d’orienter stratégiquement la MMAS afin d’optimiser la réalisation des objectifs clés dans un délai minimal. « Nous n’avons plus le temps de permettre à cette nouvelle mission internationale de se contenter d’une simple posture d’interposition, comme cela a été le cas pendant les 14 années de la MINUSTHA », a-t-il ajouté.

Les bases pour une solution globale

Selon le Professeur Boyard, une solution militaro-policière ne suffira pas à apporter une solution durable à la crise. Pour lui, il doit s’agir d’une « solution globale », incluant également deux autres catégories de mesures complémentaires visant des objectifs à moyen et long terme :

1. Une « Stratégie de Peacebuilding » :

-Promotion de programmes de prévention de la violence communautaire et développement de partenariats stratégiques locaux avec la Police communautaire.

-Relèvement économique des communautés marginalisées, axé sur les programmes d’autonomisation des femmes et le développement de l’entreprenariat solidaire.

-Reconstruction de la confiance sociale et rétablissement de l’autorité de l’État.

-Promotion du dialogue communautaire et de l’inclusion sociale.

-Développement d’une culture de médiation, de gestion des conflits communautaires et de prévention des agressions sexuelles basées sur le genre.

-Amélioration de l’accès des populations marginalisées aux services publics de base.

-Promotion de la justice transitionnelle, etc.

2. Un Plan national de réforme de la gouvernance politique, économique et territoriale :

-Mise en œuvre d’une nouvelle politique commerciale, industrielle et d’emploi axée sur le développement agricole, l’agrobusiness, la promotion de l’économie numérique et de l’entrepreneuriat innovant chez les jeunes.

-Promotion de l’équité budgétaire entre tous les départements et amélioration de l’équilibre interrégional en termes de transfert de services et de technologies

Clovesky A.-G. PIERRE

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