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Sans support face à la saison cyclonique qui approche, les paysans dans le Sud-Est se serrent les coudes et espèrent être épargnés

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La région des caraïbes est frappée chaque année par des événements météorologiques extrêmes qui amènent inondations, destructions massives, pertes en vies humaines, en têtes de bétails ou autres biens matériels. Haïti est rarement épargnée, comme l’a démontré l’Ouragan Matthew en 2016 ou celui Grace en août 2021.  À l’arrivée de la saison des ouragans 2022, des experts de l’Université de Chicago prévoient qu’elle sera plus active que la normale. Et en face, des agriculteurs haïtiens espèrent un retournement de situation.

Dans un rapport publié en avril dernier, l’équipe de recherche sur la météo tropicale et climatique de l’Université de Chicago a estimé qu’en comparaison avec la période de référence 1991-2022, la saison 2022 présente des indicateurs qui révèlent une hausse des activités cycloniques. Pour cette saison qui débutera officiellement le 1er juin, le nombre des tempêtes ayant reçu un nom était de dix-neuf au moment de la publication du rapport, contre quatorze en moyenne au cours de la période de référence. Parmi ces dix-neuf tempêtes prévues, neuf seraient des ouragans majeurs, alors que la moyenne était de sept jusqu’alors. 

Pour Haïti qui compte des victimes, voire des décès après quasiment chaque grande averse, cette situation pourrait plus tard être ajoutée sur la liste des grandes catastrophes si les autorités ne s’attèlent pas à des mesures urgentes pour éviter les dégâts. Dans les milieux provinciaux, peu d’efforts sont actuellement consentis pour préparer les populations face aux événements météorologiques extrêmes à venir, ni en termes de sensibilisation sur les comportements à adopter, ni en termes de constructions d’abris. À Port-au-Prince non plus, ainsi que dans ses zones environnantes, les travaux pour curer les canaux ou encore les efforts de prévention ne sont pas au rendez-vous. La population est livrée à elle-même face à la situation, alors que les « grandes conférences internationales pour le financement de ceci ou de cela… » se multiplient dans les hôtels de la région métropolitaine.

Les agriculteurs laissés en pâture

Si, d’une manière générale, la population est laissée pour compte, c’est un calvaire deux fois plus immense qui attend les agriculteurs. Camille Saintil, agriculteur dans la section communale de Baie d’Orange, commune de Belle-Anse, mais aussi à Séguin au Sud-Est du pays, dit faire face à beaucoup de difficultés et ceci sans aucun soutien des autorités. « Ici, nous sommes livrés à nous-mêmes, sans aucun agent de la protection civile, sans aide ni des autorités politiques, ni d’une ONG pour nous préparer aux intempéries ou aux autres dangers qui menacent nos récoltes ».

Face à cette situation, la coopération semble être seule capable d’améliorer les chances de mener une vie un peu décente. « Comme nous ne recevons aucune aide, nous sommes obligés de développer entre nous des modèles de coopération et de créer des associations pour pouvoir augmenter nos chances de récolter, et ainsi assurer la survie de nos familles, puis venir en aide aux autres de la communauté », dit celui qui est secrétaire de l’« Òganizasyon Tèt-ansanm Ti-savann Bèdoranj » (OTTB). 

« Parfois, nous nous réunissons pour mettre en place quelques petites actions, comme les corvées. Pour ce faire, nous nous réunissons en groupe de planteurs pour effectuer des « konbit » afin de mieux faire le travail. Ainsi c’est mieux fait, dans un délai plus court, et ça nous laisse une petite chance d’améliorer notre récolte », dit-il.

Cependant, il n’est pas toujours aisé de prêter la main forte soi-même. « Lorsqu’il nous est difficile de le faire pour l’un de nos compères, nous cotisons avec le peu d’argent que nous avons afin de permettre à l’autre de louer la main-d’œuvre, pour ne pas perdre sa récolte. Nous faisons de même lorsque quelqu’un fait face à des situations imprévues comme c’est le cas pour les maladies. Nous agissons ensemble pour combler le vide laissé par l’État et les autres entités », soutient-il sur un ton fier. 

Quand la nature s’érige en monstre

« Si les cyclones nous frappent encore cette année, ce sera pour nous une catastrophe immense parce que les semences n’ont pas été une réussite cette année. Déjà sans intempéries nous avons perdu la plupart de nos plantations de choux, de carottes, etc. Avant-hier j’ai acheté des semences de choux, mais elles sont entrées dans la terre, et j’ai tout perdu, sans même m’avoir donné une once d’espoir. D’autres fois, le climat nuageux brûle les plantules sans leur laisser la chance de grandir », se désole Camille.

« Les changements climatiques, poursuit-il, contribuent à nous voler nos plantations. De plus, les engrais nous causent beaucoup de torts. Nous avons essayé d’utiliser les engrais pour fortifier la terre et nos semences, ça commençait à porter fruit. Mais aujourd’hui il nous est de plus en plus difficile d’en trouver, et la terre s’y est habituée, elle ne veut plus porter fruit sans les engrais ».

Il n’y a pas que le climat qui joue des tours à Camille, les insectes sont aussi de la partie. « Nous ne sommes pas encore dans la saison des récoltes, alors que la saison cyclonique approche à grand pas. Nous avons planté du maïs, mais  nous sommes à peine au moment de nettoyer les jardins, pour enlever les mauvaises herbes. C’est pareil pour le pois. Quoiqu’il soit plus résistant pour survivre à certains ouragans, des insectes viennent jouer les trouble-fêtes. Les escargots, les criquets, les chenilles viendront les « assassiner ». Les escargots sont déjà là en cette saison, et nous ne sommes pas encore prêts proches de la récolte ».

Prière aux dieux

Face à autant d’incertitudes et à la menace qui grandit, Camille tend naturellement à espérer le miracle parce qu’il craint le pire malgré le peu d’informations qui lui arrive depuis la radio. « Nous ne pouvons que prier pour que la saison ne soit pas trop tumultueuse, ce n’est pas de notre ressort. Seul le divin peut nous épargner. Même si « Madame Météo » semble ne pas annoncer de gros événements, elle ne peut rien faire s’ils arrivent, alors on espère ».

Et sans possibilité de faire autrement, les paysans comme Camille sont bien obligés de cultiver leurs champs afin de faire face aux nécessités de la vie. « Malgré la mauvaise situation, on est obligé de résister et de poursuivre notre œuvre chaque jour que Dieu fait. Nous sommes nés ici, nous n’avons pas les moyens d’aller ailleurs. Alors on espère que la situation finira par évoluer parce que nous ne pouvons pas suivre ».

Pendant que des récoltes entières risquent d’être perdues à cause de la saison des ouragans, ce ne sont pas moins de 4,6 millions de personnes qui se trouvent en situation d’insécurité alimentaire. Le pays connaît des catastrophes en chaîne, et aucune ne semble être prête à l’épargner. Et entre-temps, la machine du développement peine à démarrer, et ceux qui n’arrivent pas à se  construire une vie décente, soit se livrent à des activités criminelles, soit choisissent l’émigration qui n’est autre qu’une situation d’exil.

Clovesky André-Gerald Pierrecloveskypierre1@gmail.com

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