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Si Ben Laden était encore fugitif, aurait-il décroché un passeport haïtien?

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Dis mon ami, mon frère, dans ce carnaval de la corruption, reste-t-il quelqu’un de sérieux sur la terre de Dessalines en 2023 ? Les brûlants et scabreux épisodes qui secouent la diplomatie haïtienne viennent de clouer le cercueil de la Nation.

Un ambassadeur s’est sciemment trompé d’histoire et de vocation. C’est le comble ! Pensez-y un instant, vendre des passeports haïtiens à des étrangers en cavale, des fugitifs notoires recherchés par toute la communauté   internationale ! C’est très dangereux. Ce haut fonctionnaire serait devenu un jouet entre les mains de tout agent secret d’un pays adverse, désireux de le faire chanter pour parvenir à des fins inavouables. Et ce n’est pas la première fois. Un second est pris, les culottes baissées, en flagrant délit d’agression sexuelle sur une Japonaise. Voulait-il « venger la race », un clin d’œil à Maurice Sixto.

Te souviens-tu quand nos pères nous parlaient des Émile Saint-Lot, des Joseph D. Charles et Cie, de ces Haïtiens verticaux, de haute stature, qui brillaient de tous leurs feux dans la diplomatie mondiale?

Autrefois, après Dieu, sur l’échelle sociale, venaient immédiatement les ambassadeurs. C’étaient des agents de la paix qui agissaient avec doigté dans les coulisses pour éteindre les conflagrations, stopper les guerres, atténuer les esclandres. C’étaient des personnages presque effacés au-dessus de tout soupçon, destinés à concilier les rois. Ils étaient la vitrine de l’État à l’étranger, le vecteur ou le catalyseur de promotion de leur pays et chacune de leurs postures était prise en référence pour juger leurs compatriotes. Ah, oui, en ces temps-là, la diaspora était bien représentée. Ces grands hommes avaient droit au prédicat d’Excellence (Son Excellence était abrégée en S.E.).

Quel mal cette Nation a-t-elle encore fait au bon Dieu, pour se voir ainsi flageller et traîner dans la boue, à cause de ses « fils dégénérés » ? Les pires des ignorants nous traitent de « shit-hole » et la communauté internationale nous rit en pleine face à chaque fois que nous baratinons à propos de notre fierté de « première république noire ».

Le monde a changé depuis septembre 2011. Après des siècles d’exploitation effrontée, de violence aveugle, de colonisation intempestive, les spoliés de la terre se réveillent et sonnent le tocsin de la vengeance. La paranoïa nous dessine des terroristes à chaque coin de rue. Chaque déflagration sur le globe nous interpelle. Que ce soit Paris ou Barcelone qui saute, nos cœurs chavirent et nous pleurons les martyres. Plusieurs des auteurs de ces carnages, non appréhendés, deviennent des fugitifs en cavale. Trouveront-ils chaussures à leurs pieds avec un passeport haïtien, pour perpétuer leur travail de sape ?

Si, pour quelques dollars de plus, nous sommes prêts à vendre notre âme au diable, ayons au moins une pensée pour les innocentes victimes collatérales qui ne demandaient qu’à vivre simplement leur vie, loin du ‘’bling-bling’’, loin de cette maladie obsessionnelle de s’affirmer, de se montrer, de gravir les échelons sociaux vers les parenthèses enchantées.

Rien ne va plus chez nous. La justice n’est qu’un mot vide de sens, un assemblage de lettres obscures à faire rire les cons. Haïti ne produit aucune arme à feu, mais leur prolifération sur le territoire donne la sueur froide. Même l’Église en distribue, en veux-tu, en voilà ! La faim a un pays. L’institution charitable, « La Caisse d’Assistance Sociale », destinée à aider les plus pauvres, se trouve avec une directrice, menottée et emprisonnée, pour avoir siphonné, ratiboisé le fonds de 21 milliards de gourdes disponible… Si on se met à déblatérer sur le chemin de croix de la corruption, on n’en finira jamais, tant la liste est longue et non exhaustive.

Dans cette culture d’Alibaba où chacun exerce son droit d’extorsion, sans gêne et sans pudeur, la palme revient à celui qui a ramassé la plus grosse part du gâteau national. C’est ce qui explique la conversion naturelle de chaque homme d’affaires, de chaque politicien, de chaque gestionnaire public, de chaque fonctionnaire en un voleur patenté, dépouillant le pays avec le plus d’avidité possible. Ils sont devenus par la force des choses une clique d’abrutis.

En conséquence, de là à vendre un passeport à Ben Laden, s’il était encore en vie, il n’y aurait, pour ces bandits légaux à cravate, qu’un petit pas à franchir, sans remords et sans sourciller. Pauvre Haïti !!!

Max Dorismond

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