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Un Guerrier est mort?

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Nous avons tué Makindi. Il était un guerrier. Il luttait. Il se battait chaque jour. Il affrontait les obstacles. Il résistait. Il était d’accord que rien ni personne ne pouvait l’empêcher de vivre chez lui, dans son pays. 

Mais nous avons, une fois de plus, tué l’espoir. Nous avons mangé une nouvelle vie. Nous avons détruit un bel avenir. Nous avons arraché la vie à un Guerrier. 

Il laisse derrière lui, une femme et deux enfants. Deux petites filles qui nourrissaient les promesses d’un père merveilleux, aimant. Une femme qui travaillait aux côtés de son mari adoré tous les jours, sur qui elle jouait l’avenir. 

Comment lui faire accepter cette condition? Comment peut-elle expliquer à ses filles que leur père est mort et qu’il aimait Haïti, il voulait y travailler, rendre service à son pays, mais qu’il y est mort? 

Nous parcourons une voie sombre.   Nous sommes engagés dans des allées macabres. Nous nous lavons les mains dans le sang que nous buvons goutte à goutte. Et notre humanité s’étiole.

J’ai le cœur en sanglots. Mais je ne veux pas croire que Makindi Guerrier est vraiment mort. Je le regarde encore sourire. Je le regarde rire. Je le regarde donner des indications. Je l’entends dire à ses collaborateurs comment procéder dans ce cas-ci ou dans cette situation-là. 

Makindi Guerrier, très jeune, très humble, ne te dit pas qu’il est grand chirurgien-dentiste. Tu constates par toi-même qu’il est une énormité dans sa profession et qu’avec lui, il y a bien plus à espérer. 

Makindi Guerrier te soigne et s’excuse s’il te voit feindre une sensation de douleur. Il a le souci de la perfection et rêve d’une société plus juste. Il te soigne avec ou sans argent. La personne humaine est sa priorité. 

Combien de médecins connaissons-nous comme lui? Combien d’Haïtiens connaissons-nous comme lui?  Peu! Très peu! Mais, tout cela, n’a pas pu permettre qu’il survive de la mort. Sa seule faute: être Haïtien et vivre  en Haïti.  

Quel peuple, quelle société ne met pas tout en œuvre pour protéger ces valeurs, ces compétences? Quel pays ne serait pas fier d’avoir un fils si prodigieux tel que Makindi Guerrier? 

Regardons autour de nous, sommes-nous seulement conscients de ce qui nous arrive! Qui dira qu’il n’est pas responsable? Qui dira qu’il n’est pas coupable? 

Pas moi. Car, je me sens une responsabilité énorme dans cette descente aux enfers du pays, dans cette dégénérescence de la société, dans la mort de Diego, de Netty, de beaucoup d’autres avant et après eux, mais encore plus dans celle de Makindi Guerrier. 

Tu diras sans doute que tu n’es pas l’État, que ce n’est pas ton rôle de changer les choses, de rétablir la sécurité, d’exterminer les bandits qui ont arraché la vie à Makindi Guerrier et de mille et un autres. 

Tu diras sans doute que tu as fait de ton mieux, que tu as écrit des livres, des textes, tu as parlé derrière ton micro, à la radio, à la télévision, sur les réseaux sociaux pour dire que les choses doivent changer. 

Tu diras sans doute, que tu as été président, ministre, directeur général, que tu as fait le nécessaire, que tu as aidé des gens. Tu diras sans doute que tu as réalisé beaucoup de projets, tu as permis que des enfants aillent à l’école, tu as distribué ton argent à ceux qui sont dans le besoin, tu as pris en charge des familles entières. 

Tu diras encore que tu as été un révolté dans le temps, mais que tu es désabusé maintenant, que tu es fatigué, que tu as trop lutté pour un changement mais que les années passent et nos situations empirent. 

Tu diras encore et encore. Et tout ça sonnera bien beau. Sinon que nos maux persistent et que le problème se pérennise. Nous avons toujours des néophytes au pouvoir qui mènent le pays à tâtons avec les mains et les pieds liés, embourbés dans la merde, le mensonge et le complot contre toi et moi. 

Ils vendent nos rêves, nos aspirations et tuent les compétences. Tu ne te bouges pas et tu laisses émerger des incultes dans toutes les sphères de la société, du pouvoir politique, partout. 

Tu regardes dans le silence des actions que les lois les plus injustes, que les decisions les plus folles, s’installer dans le sein de la corruption, le mal absolu de cette société. Les conditions des peuples ne changent jamais quand ils sont faits de femmes et d’hommes si lâches, si peureux et si insouciants. 

Tout ce qui compte pour toi, n’est-ce pas ton confort personnel? Risquerais-tu ta vie dans une vraie révolte? Es-tu prêt à te battre? Es-tu prêt à défier nos Boureaux? 

Moi, je suis un lâche. Sinon, je serais déjà devant le Palais national, la Primature, la résidence privée d’Ariel Henry, de tous ses ministres et de ses alliés pour réclamer justice pour Makindi Guerrier, pour Diego, pour Netty et tous les autres. Mais toi, tu n’es pas moins lâche que moi puisque tu gambades dans la merde tout comme moi et tu acceptes d’en respirer la pestilence sans aucune gêne. 

Tu n’es pas moins lâche que moi puisque tu acceptes d’être dirigé par des hommes et des femmes tels qu’ils sont au pouvoir, complices des gangs armés, des bandits, des kidnappeurs, quand ils ne sont pas eux-mêmes bandits et kidnappeurs. 

Ils cautionnent le kidnapping, ils cautionnent nos malheurs, ils cautionnent nos misères. Sinon ils y mettraient un terme. À défaut de cela, ils lèveraient leurs culs de traîtres et de menteurs des fauteuils qu’ils occupent pour laisser à d’autres la possibilité de le faire. 

Mais pire, nous cautionnons tout ce qu’ils cautionnent parce que nous les acceptons avec toute la merde qu’ils chient chaque jour dans nos visages et nous l’avalons avec plaisir dans nos coins de confort apparent. 

Je sais que je n’ai aucune garantie de vie en Haïti, et j’assume cela. Je sais que je peux mourir ce soir ou demain. Je l’assume. Mais je n’ai pas choisi de naître dans ce pays de merde et je ne choisirai pas de le quitter. J’accepte mon sort tel que l’ont fait Makindi Guerrier et les autres. 

Mais je sais aussi que je me battrai avant de mourir. Je sais que je veux me révolter avec vous pour déraciner l’Etat d’aujourd’hui qui a tué Makindi Guerrier. Je suis déjà une cellule à moi tout seul. Alors, est-ce qu’on fait la révolution? OUI ou MERDE? 

Jackson Jospeh pour la nouvelle Haïti ! 

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