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Vides institutionnels et illégitimité: à quand un retour à des élections périodiques ?

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Au timon des affaires depuis bientôt dix mois, le Premier Ministre haïtien Ariel Henry incarne, dans ce poste qu’il occupe en dehors de toute règle constitutionnelle, cette conjoncture politique où le pays ne dispose presque d’aucun élu légitime. La non-tenue des élections depuis six ans n’affecte pas seulement les postes électifs qui se retrouvent vacants, mais indirectement toutes les institutions républicaines qui risquent de se retrouver à terme en situation d’illégitimité totale. Des experts en parlent au journal Le  Quotidien News.

« À bien des égards, l’impasse politique dans laquelle l’État haïtien s’enfonce n’a qu’une seule issue, les élections générales pour renouveler tout le personnel politique », explique l’historien et professeur Victor Benoit. Le choix de la démocratie représentative implique nécessairement l’organisation des élections afin de légitimer d’une part les représentants directs du peuple, et d’autre part ceux nommés ou désignés par les autorités politiques conformément aux provisions légales poursuit le chercheur en Histoire politique d’Haïti.

Le problème dans la solution électorale, c’est qu’aujourd’hui il faut avant tout trouver des solutions ponctuelles, ou du moins temporaires à certains problèmes ayant eux-mêmes découlé d’une crise de gouvernance de longue durée. Il y a ce que les medias appellent la « gangstérisation » du pays, non seulement d’un point de vue territorial où presque chaque quartier urbain subit la violence d’un chef autoproclamé, mais également et malheureusement la « gangstérisation » de l’État, où des personnalités politiques, élus, nommés, prétendants au pouvoir ou tout simplement militants, s’allient délibérément avec des gangs, les équipent en armes et en munitions afin de progresser dans leur velléités de conquête ou de maintien au pouvoir.

Ainsi, la non-tenue des élections en Haïti pour l’analyste et Docteur en Sciences Politiques Daniel Elinet relève d’une réalité géo-ethno-culturelle, où la violence et la politique se présenteraient comme des alliés historiques. L’analyse du chercheur haïtien est que l’expérience démocratique et donc des élections périodiques aurait échoué en grande partie parce qu’elle ne tenait pas assez compte des réalités propres à l’espace politique haïtien. « Au lieu de nous diriger vers une démocratie participative et libérale, nous nous sommes tournés vers un mode de gouvernance par accords politiques de moins en moins légitimes. Aujourd’hui encore, les acteurs n’espèrent qu’une chose, c’est qu’un nouvel accord politique les aident à sortir de la crise », affirme-t-il.

D’un autre coté, le temps ne joue nullement en faveur de la démocratie puisque les vides institutionnels se multiplient en cascade. Après la vacance de la Chambre basse et des deux-tiers du Sénat, puis de la Présidence avec l’assassinat brutal du Chef de l’État en fin de mandat, c’est le Conseil Électoral Provisoire (CEP) qui se retrouve en déficit de légitimité. Le Chef du gouvernement n’arrive toujours pas de ce fait à monter un nouveau CEP. Le vide institutionnel touche également le système judiciaire où les sièges vacants à la Cour de Cassation ne peuvent être comblés, faute d’avoir un Président de la République et un Sénat en exercice.

Plus le temps passe, plus il est compliqué de sortir le pays de l’impasse politique que constitue l’illégitimité des représentants de l’État, reconnaît le Docteur Elinet. Enseignant l’analyse politique au niveau de la licence à l’Institut National d’Administration, de Gestion  et des Hautes Études Internationales (INAGHEI), celui qui est aussi Vice-doyen à la recherche de cet Institut plaide pour des solutions haïtiennes, réalistes et patriotiques. « Revenir à la normale, c’est revenir à la constitutionnalité, aux élections périodiques et crédibles, aux nominations légitimes au niveau des pouvoirs publics. Il n’est pas possible aujourd’hui de dire quand est-ce que ça va se faire, si les prochaines élections le permettront ou pas », poursuit ce dernier, fustigeant au passage « la classe politique qui s’est décrédibilisée ».

Depuis maintenant près d’un an que l’État existe sans Président, sans Parlement, sans Conseils municipaux, ni départementaux, ni tout autre pouvoir décentralisé, les perspectives de sortie du pays de cette situation exceptionnelle s’assombrissent de plus en plus. Si le gouvernement d’Ariel Henry, qui trône pourtant seul au sommet de tous les pouvoirs, ne parvient même pas à monter un Conseil Électoral Provisoire, quitte à définir un calendrier électoral, les autres possibilités de sortie de crise, tels les accords politiques de diverses dénominations ne donnent pas de meilleurs espoirs eux non plus. À ce carrefour des grandes décisions, l’élite intellectuelle et politique ne devrait-elle pas se montrer, à l’instar de Jean Price Mars, patriotique et responsable, afin d’éviter à ce pays une énième occupation étrangère ?

À rappeler qu’une loi du Congrès américain baptisé the « Consolidated Appropriations Act, 2022 », votée au Congrès et au Sénat américain, a été signée par le président Joe Biden, le 15 mars 2022  par laquelle le partenaire #1 d’Haïti établit unilatéralement un cadre de coopération pour l’horizon septembre 2022. Entre autres exigences, qu’un nouveau Président et un nouveau Parlement soient entrés en fonction après des élections libres et équitables, ou que le pays soit dirigé par une autorité gouvernementale transitoire largement représentative de la société haïtienne, lit-on dans le texte.

Daniel Toussaint

danieldavistouss@gmail.com

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