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Visiter les sites historiques lors des fêtes nationales : le cauchemar des dirigeants politiques haïtiens

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Se rendre sur les sites historiques et touristiques constitue une manière symbolique pour les chefs d’État haïtiens de commémorer la mémoire et l’histoire d’Haïti. Cette coutume, qui ne date pas d’hier, est respectée chaque année par les plus grands dignitaires de l’État haïtien dans la plus grande solennité qui soit. Pourtant, cette tradition est aujourd’hui galvaudée à cause de l’incapacité des chefs d’État de se rendre sur les sites historiques et touristiques. Le dernier échec d’Ariel Henry témoigne de ce constat.

Déposer une gerbe de fleurs sur le site du Pont Rouge, là où, historiquement, on reconnait que le Père de la Nation  a été assassiné ; adresser un discours sur la place de l’Arcahaie ; se rendre après la messe et le te deum sur la place des Gonaïves pour s’adresser à la nation…, telles sont les actions symboliques, entre autres, que chaque année, les chefs d’État  ont la coutume de faire pour commémorer l’histoire d’Haïti. Cette tradition, devient aujourd’hui par contre, un exercice impossible à réaliser. Soit à cause des oppositions populaires, soit à cause des bandits armés, les chefs d’État ne peuvent plus, systématiquement se rendre sur les sites historiques et touristiques pour commémorer et célébrer les fêtes nationales. Depuis Michel Martelly jusqu’à Ariel Henry, digne héritier de Jovenel Moïse, le bilan de l’échec est assez lourd.

Martelly et Vertières

L’histoire de l’échec des dirigeants haïtiens dans leur tentative de visiter les sites historiques et touristiques lors des fêtes nationales a pris une tournure importante à la fin du mandat de l’ancien Président Martelly. Décrié pour sa gestion de l’État et pour les nombreux scandales de corruption, dont celui du fameux Petro Caribe, le chanteur du groupe Sweet Micky a fait face à une forte opposition. Ainsi, le 18 novembre 2015, il n’a pas pu respecter la coutume consistant à aller à Vertières pour commémorer cette bataille qui fut l’une des plus décisives pour l’Indépendance haïtienne.

Pour répondre à cet échec révoltant, l’ancien Président de la République a adressé un message préenregistré dans lequel il a fait un appel à l’union et à la paix. Car pour lui « pour que la victoire de Vertières puisse être possible, les Noirs et les Mulâtres, les hommes des villes et des campagnes se sont entendus, se sont mis ensemble malgré leurs problèmes, les différents conflits qu’ils avaient entre eux, ils ont cru dans le coude à coude et cela leur a permis de rassembler toutes leurs forces pour se battre et mettre Haïti debout. »

Jovenel Moïse, le grand champion

Si échouer dans la tentative de se rendre sur les sites historiques et touristiques était une discipline olympique, l’ancien Président Jovenel Moïse, assassiné au pouvoir, aurait été le plus médaillé. En effet, de sa prise du pouvoir à son assassinat, l’ancien entrepreneur a raté environ 7 occasions de commémorer en bonne et due forme les fêtes historiques du pays.

Le 17 octobre 2018, bien qu’il se soit rendu sur le site du Pont Rouge pour y déposer une gerbe de fleurs et se livrer à d’autres rituels, il a laissé le lieu à la hâte à cause des tirs nourris venant des armes de ses opposants.  Ce fut son premier échec.

Le 17 octobre de l’année suivante, ayant joué la carte de la prudence, le Chef de l’État ne s’est pas rendu au Pont Rouge pour rendre hommage au Père de la Nation. Il a par contre, préféré déposer une gerbe de fleurs au Musée du Panthéon National d’Haïti. Au cours de cette même année, le 18 novembre, c’est au Palais National que le Président Jovenel Moïse a adressé son discours  sur l’union pour commémorer la Bataille de Vertières.  

 En 2020, beaucoup d’occasions ont été manquées par Jovenel Moïse pour commémorer les fêtes historiques de façon formelle.

Le premier janvier 2020, le Président de la République a simplement déposé des gerbes de fleurs aux pieds des trois monuments historiques (Toussaint Louverture, Jean Jacques Dessalines et Henry Christophe) pour fêter la fête de l’Indépendance. En effet, à cause des menaces d’une opposition en feu à cette époque de crise politique, Jovenel Moïse a préféré rester dans la capitale lors du 216e  anniversaire de l’Indépendance.

Si la commémoration du 217e anniversaire du bicolore haïtien a été paralysée le 18 mai 2020, le Président Jovenel Moïse a tout de même adressé un discours à la nation. Dans ce discours, il a souligné que « le 18 mai est une date très importante dans l’histoire du pays. C’est ce jour-là que le drapeau de notre pays est né dans la ville de l’Arcahaie en 1803. Ce fut une grande étape qui nous a conduits directement à l’Indépendance du pays un an après le premier janvier 1804 ».

Le 17 octobre 2020 encore, Jovenel Moïse ne s’est pas rendu au Pont Rouge pour honorer la mort de l’Empereur Jean Jacques Dessalines. Il a, avec la présence de ses gardes de sécurité, déposé une gerbe de fleurs au MUPANAH. Le 18 novembre de cette même année, à cause de la pression de l’opposition, le Président ne s’est pas rendu à Vertières.

L’année 2021 qui a été une année de tumulte, a été difficile pour le Président Jovenel Moïse. Par conséquent il n’a pas pu se rendre aux Gonaïves pour fêter l’Indépendance haïtienne. De même, il n’a pas  pu se rendre à l’Arcahaie pour commémorer la fête du drapeau.

La désillusion d’Ariel Henry                      

La présence d’Ariel Henry à la primature est très contestée et s’inscrit dans un contexte de trouble politique et de crise sécuritaire. Mais malgré cela, le Premier Ministre a fait des efforts significatifs pour commémorer les fêtes nationales en se rendant sur les sites historiques. Mais en vain !

Le 17 octobre 2021, c’est sous une pluie de balles d’armes automatiques que le cortège du PM a fait marche arrière pendant qu’il se rendait  sur le site du Pont Rouge pour commémorer la mort de Dessalines. L’ironie de l’histoire, c’est que le célèbre chef de gang baptisé G9, Jimmy Chérisier, alias Barbecue, s’est lui-même rendu sur le site.

Mais Ariel Henry ne s’est pas laissé décourager par cet échec. Si l’on proférait des menaces à son encontre la veille du 218e anniversaire de l’Indépendance d’Haïti, il n’a pas succombé à la peur. Le 1e janvier 2022, le locataire de la Primature s’est bel et bien rendu aux Gonaïves pour la fête de l’Indépendance. Mais c’est sous une pluie de balles qu’il a dû laisser la ville, sans pouvoir  prononcer son discours.

Le lendemain de l’incident, le Premier Ministre Ariel Henry a assuré qu’il « n’a pas peur et n’aura jamais peur des bandits ».

Cela semble désormais être une évidence : les Chefs d’État haïtiens ne peuvent pas aller sur les sites historiques et touristiques pour commémorer les fêtes historiques. 

Jonas Reginaldy Y. DESROCHES

Email : jonasdesroches@gmail.com

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