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Watson Saintil, un leader altruiste qui s’engage auprès des personnes à mobilité réduite

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Ayant connu un parcours parsemé d’embûches avec notamment son handicap dès son plus jeune âge, Watson Saintil n’a cessé de lutter pour l’inclusion des personnes à mobilité réduite dans le pays. En effet, le jeune leader croit qu’il revient à l’État de prendre sa responsabilité afin d’améliorer les conditions de vie des minorités, en particulier des personnes déficientes, en Haïti.

Watson Saintil vient au monde le 30 juin 1990 dans une famille de cinq enfants dont il est l’aîné. Quelques mois après sa naissance à Pétion-ville, ses parents se séparent et sa mère quitte la maison, le laissant  à la garde de son père. C’est ainsi qu’il vit le plus clair de son enfance avec son père et ses quatres frères et sœurs.

Watson grandit dans sa ville natale, allant d’un quartier à un autre. Il fait une partie de sa scolarité primaire au Collège Mixte de Pétion-ville (Kay madan Asne), et l’autre partie au Centre Classique de Don Bosco (Kay pwofèt). Puis, il entame ses études secondaires à l’Institution Mixte de Saint Joseph (Kay levi). Arrivé en neuvième année, on lui diagnostique une maladie rarissime en Haïti, la polyarthrite rhumatoïde, qui va lui coûter quelques années de scolarité, avant qu’il ne puisse boucler ses études en 2009 au Collège Moderne d’Haïti.

La cause de son handicap

« Je ne suis pas né avec mon handicap », informe Watson Saintil dans une interview avec Le Quotidien News. Nous sommes en 1999, Watson fréquentait encore le Collège Mixte de Pétion-ville. Âgé de neuf ans, très virevoltant pour un enfant de son âge, Watson s’amusait sur la cour de récréation de l’école, sprintant d’un point à un autre. Alors qu’il courait à toute allure, il s’est fait sécher brutalement par un camarade avec un tacle dangereux. Malgré sa résistance, il il est tombé par terre. Dès lors, «  j’ai commencé à souffrir d’atroces douleurs. Mes parents ont commencé à dépenser une fortune pour essayer de trouver une solution », raconte Watson, qui n’a jamais songé à expliquer à ses parents l’origine de ses maux à l’époque.

« J’ai commencé à supporter  ces douleurs dès l’âge de neuf ans. Quelques années plus tard, en 2006 pour être précis, j’ai dû abandonner les cours à cause des douleurs. On m’a hospitalisé en 2008 à l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti où j’ai passé huit mois sous surveillance médicale. C’est là qu’on a découvert que je souffrais d’une maladie plutôt rare en Haïti, qui porte le nom de polyarthrite rhumatoïde », se rappelle Watson Saintil, licencié en communication sociale à  l’Université de Port-au-Prince. Qui pis est, les spécialistes pour ce cas précis se font aussi rares que la maladie en Haïti.

Il importe de noter que la polyarthrite rhumatoïde, selon Le Manuel MSD, est une arthrite inflammatoire dans laquelle les articulations, au niveau des pieds et des mains en général, développent une inflammation qui provoque un gonflement, une douleur et, souvent, la destruction des articulations.

C’est ainsi qu’il a perdu sa mobilité en 2007 avant d’être hospitalisé un an plus tard à l’Hôpital Général. En conséquence, « mes jambes ne pouvaient plus soutenir le poids de mon corps ; j’avais perdu plusieurs articulations au niveau de mes membres inférieurs », explique le natif de Pétion-ville, animé d’un grand courage.

Grâce au soutien d’une organisation internationale, Watson parvint à subir une opération très coûteuse aux États-Unis en 2010, destinée à lui mettre des prothèses internes afin de faciliter ses déplacements. « Ces prothèses ont atténué les douleurs que j’avais au niveau de ma hanche gauche, témoigne-t-il. On me les avait mis pour une durée de dix ans, or ce temps-là est déjà écoulé. Il faut que je les change afin de pouvoir continuer à vaquer à mes activités. Dans le cas contraire, elles pourraient me causer d’autres complications », s’inquiète Watson, qui n’a pas encore les moyens financiers pour une nouvelle opération.

Une adaptation difficile

« Au départ, j’ai eu beaucoup de mal à faire les efforts que je faisais auparavant. J’étais limité dans mes mouvements. Même quand je m’habillais par exemple, je n’y arrivais pas sans le soutien de quelqu’un, ou je mettais plus de quarante minutes à me déplacer sur des distances que je parcourais jadis en seulement dix minutes. Cela m’a énormément affecté psychologiquement », témoigne Watson Saintil, psychologue et travailleur social. « Ce n’était pas facile, ajoute-t-il, mais je pouvais compter sur mon oncle et ma tante, une nouvelle famille qui m’a accueilli ».

Affronter le regard gavé de pitié des uns, et les comportements discriminatoires des autres, rythmait son quotidien. Il se rappelle encore les propos d’un chauffeur qui lui a refusé une place à l’avant de sa voiture à cause de sa mobilité réduite. « M pa pot jan de moun sa yo nan machin mwen », lui avait-t-il lancé. « Cela a bouleversé mes pensées, puis je me suis mis à réfléchir à tous ceux qui connaissent ce genre de difficulté », avoue le leader de CESPHA, passionné de voyage et de lecture.

De cette nouvelle réalité, il puise sa détermination pour aller au bout de ses objectifs, en témoignent ses mots. « Cela m’a permis de comprendre qu’en réalité ce qui importe, ce n’est pas le temps que l’on prend à accomplir quelque chose, mais le fait de bien la réaliser et surtout avec beaucoup d’amour », déclare Watson Saintil, coordonnateur du Centre de support aux personnes handicapées (CESPHA). « C’est ce qui m’a motivé à m’adapter aussi vite dans la société », poursuit-il.

Les principaux obstacles aux personnes déficientes en haïti

Le travailleur social Watson Saintil a pris le temps d’identifier dans cette interview les différentes causes qui, selon lui, constituent des barrières pour les personnes à déficience en Haïti. Tout d’abord, il remet en question l’éducation familiale. « Dès que l’on naît avec une déficience dans une famille, on a tendance à nous priver de scolarité, à nous marginaliser », déplore M. Saintil, qui se plaît en bonne compagnie.

« Il y a aussi la manière dont la société perçoit les personnes à mobilité réduite, comme une sorte de malédiction, un sort jeté par une divinité diabolique, ou le fruit d’un péché, entre autres. On nous considère comme des malades, mais en réalité une déficience n’est pas une maladie », indique-t-il, avant de préciser qu’une maladie peut causer un handicap, comme dans son cas.

Enfin, la troisième cause, selon lui, est l’irresponsabilité de l’État haïtien qui ne s’engage pas à respecter les droits humains en général. « L’État ne garantit pas nos droits à l’éducation, à la santé, au logement social. Il ne garantit pas non plus l’emploi aux personnes à mobilité réduite, l’accessibilité des transports et des bâtiments publics. Et on parle d’un État qui a ratifié la convention relative aux personnes handicapées des Nations Unies, et qui a publié une loi sur l’intégration des personnes handicapées en 2012. C’est, entre autres, toutes ces causes qui freinent l’inclusion des personnes de cette minorité en Haïti », épilogue  Watson Saintil, engagé dans cette cause, invitant tous les secteurs de la société à s’impliquer dans l’amélioration des conditions de vie des personnes à déficience, souvent marginalisées.

En outre, Watson Saintil se dit concerné par le bien-être collectif. « C’est une source de motivation pour moi, affirme-t-il. Plus vous vous engagez pour améliorer la vie des autres, plus votre vie sera comblée de bonheur. Plus vous donnez de l’amour dans votre entourage,  plus vous en recevrez en retour », estime Watson, rappelant aux jeunes que l’avenir du pays repose sur leurs épaules.

Statler LUCZAMA

Luczstadler96@gmail.com

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