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Youyou, le bijou du théâtre haïtien

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Se passant de présentation, le plasticien haïtien Édouard Baptiste, plus connu sous le nom de Youyou, exprime amplement sa joie d’emprunter ce passage artistique dans le théâtre. Une expérience qui lui aura permis de se découvrir davantage en explorant la plénitude de son art.

Youyou est ce petit nom empreint d’une certaine hilarité que porte Edouard Baptiste, plasticien et comédien, jouissant d’une belle aura dans le secteur artistique haïtien. Son talent émerveillé sur scène rappelle le brillantissime Lobo Dyabalara, qu’il a eu la chance de voir en action avant le départ de ce dernier pour le grand orient. Avec son timbre de voix résonant, son style sur scène et son sens d’humour suscitant l’émotion dans l’auditoire, Édouard Baptiste, au fil des âges, s’est taillé un bel habit dans l’univers du théâtre haïtien.

Pourtant, le comédien ne s’est pas connecté très tôt avec cette forme d’art qui libère la parole. C’est au début de l’année 2000  qu’il rencontra le metteur en scène Guy Régis Junior, à qui il doit ses premières répliques sur scène. « Je ne saurais parler de ma carrière de comédien sans citer le nom de Guy Régis Junior, qui m’a initié au théâtre », témoigne avec gratitude Édouard Baptiste, dit Youyou, joint par téléphone. S’il n’était pas encore sur scène avant sa rencontre avec Guy Régis, il rôdait toutefois autour comme plasticien très courtisé pour les décors des scènes.

C’est dans les rues que Youyou a manifesté pour la première fois son entrain dans le théâtre.

2000-2001

2001-2002

2002-2003

Le monde est absent

Les hommes sont absents

Les plus robustes peuvent se rappeler en effet de ces paroles chantées par ces jeunes comédiens pieds nus, portant des tenues de deuil, des années 2000, qui faisaient du théâtre de rue. « C’était nouveau en Haïti ce théâtre de rue. Un théâtre auquel les spectateurs n’étaient pas habitués. On a vite retenu leur attention, et on a su par la même occasion faire passer efficacement nos messages », se souvient le comédien Youyou, passionné de lecture, qui mettra son talent au service des différentes entités de l’Université d’État d’Haïti, à travers de nombreuses pièces, notamment le fameux texte de Franckétienne, Bobomassouri.

 « Je prenais plaisir à admirer de grands comédiens de l’époque, comme Daniel Marcelin, Papa pyè. Mais ce qui m’a le plus incité à m’investir dans le théâtre, c’est la plume poétique d’Henri, un auteur français. Ces paroles me disaient quelque chose…au final, c’est sous l’influence de sa plume que j’ai réellement senti le besoin de faire  du théâtre », raconte celui qui est devenu entretemps une bête de scène.

Youyou a continué son cheminement dans le monde du théâtre en jouant dans de nombreuses  pièces sous la  direction de plusieurs metteurs en scène très  connus comme le Belge d’origine italienne, Pietro Varrasso, avec lequel il a suivi des séminaires de formation en vue de parfaire son talent, en Haïti ou en Belgique. Il est passé de la rue à la scène de la FOKAL avec la pièce « Les incendiaires ». Il a également marqué les esprits dans « L’animal imaginaire » du russe Valère Novarina et de la fameuse pièce « Men tonton makoutvletounen » dans laquelle il s’éclate politiquement avec son compagnon de scène, Jacques Adler Jean Pierre, dit Bòsmadichon.

Cependant, « Zonbilage » est de loin sa pièce décisive, celle qu’il a expérimentée le plus intensément, à en croire ses mots. « C’est une pièce qu’on a jouée dans un contexte particulier, où le séisme venait de tout dévaster. Sous le patronage de l’UNESCO, on a produit cette pièce comme un hommage aux victimes », explique Youyou qui venait de perdre sa mère à cette époque.

…Dèy o !

Kijou ka jou, pou jou vin jou

Dèyo !

Dlotounen San, San tounen dlo

Dèyo !

Chimen  lavi fè pil nan twou

Dèy o !

Se frè n aksè n yo kialee…

Cette pièce aura été la plus belle de sa carrière jusque-là.

Comme la plupart de ses pairs, Youyou se plaint du fait qu’un comédien en Haïti ne puisse pas subvenir à ses besoins en exerçant sa profession. C’est la conséquence de l’absence de politique culturelle qui valoriserait les différents acteurs du secteur le plus important du pays. « Nou genyon leta anreta, k ap mete n an reta pou n rebati », martèle Edouard Baptiste dans sa langue vernaculaire. « Mais il y a certaines passions que l’on vit au quotidien qui valent plus que la richesse », s’empresse-t-il de préciser avec un sourire émaillé d’une grande satisfaction. Pour pallier au déficit du théâtre, le quinquagénaire jongle avec les arts plastiques, sa première passion. Bientôt, on aura l’énième opportunité de découvrir ses œuvres lors d’une grande exposition qu’il envisage.

Statler LUCZAMA

Luczstadler96@gmail.com

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