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2020 : le système médical Haïtien en berne

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L’année 2020 a été une année particulièrement difficile pour le système sanitaire haïtien. Entre Covid-19, insécurité et manque de structures, beaucoup de  problèmes ont rendu encore plus difficile l’accès aux soins de santé en Haïti.

« Depi w rantre nan lopital isit, ou gen yon pye w nan koulwa lanmò », chantait D-Fi. Effectivement, le système sanitaire haïtien est chancellant. Tout comme la maladie et le malheur sont imprévisibles, l’accès aux soins n’est pas garanti aujourd’hui et devient, problématique, surtout pour les petites bourses.

La Covid-19: un doigt accusateur sur les faiblesses du système

Si plusieurs  événements avaient commencé à jeter une ombre sur le tableau de la santé en Haïti, celui qui a eu le plus d’impact fut la révélation des deux premiers cas de Covid-19 par le gouvernement.  On assista alors une vague de panique dans les hôpitaux qui se sont retrouvés vulnérables face au virus: les équipements manquaient, les moyens de tester les gens  qui s’étaient rendus dans les hôpitaux étaient presqu’inexistants, la prise en charge des patients présentant les symptômes était aléatoire. Tout cela, en dépit du fait que le gouvernement se déclarait prêt à recevoir les premiers cas de Covid-19.

Face à l’absence de structures efficaces pouvant protéger tout le monde, les patients hésitaient à se rendre dans les hôpitaux pour se faire soigner. Ainsi, le centre de dialyse de l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) a observé une diminution du nombre habituel de patients.  Ceux-ci étaient découragés de venir non seulement parce que le service était  abandonné à son triste sort, mais aussi parce qu’il n’y avait aucun plan pour assurer leur protection, alors qu’ils souffraient de comorbidités.  Ce fut au cours de cette même période, soit entre avril et mai, que la population  a commencé à se plaindre d’une épidémie de fièvre que le gouvernement associait à la Covid-19. La salle d’opération de l’HUEH a dû, selon les aveux du chef de service de traumatologie et d’orthopédie qui s’est confié à l’AlterRadio, fermer ses portes suite à trois cas de contamination chez les médecins résidents. Des situations troublantes qui n’ont pas cessé de perturber ceux  dont l’état nécessitait des soins.

Darline Desca à la rescousse de la Maternité Isaïe Jeanty

L’année 2020 a été particulièrement  éprouvante pour la Maternité de Chancerelles. Dépourvue d’une ambulance pouvant aller chercher les patients, elle a exigé que les ceux-ci se rendent à l’hôpital par leurs propres moyens. En plus de cela, la Maternité Isaïe Jeanty a perdu sa génératrice.

Darline Desca a heureusement vu le jour dans la Maternité et a promis, au début du mois de juin, de la doter d’une génératrice. Elle a tenu sa promesse en remettant, le vendredi 14 août 2020, les clés de la génératrice aux responsables. Darline Desca en a profité pour attirer l’attention sur le fait que les artistes devaient ne pas seulement se contenter de chanter et de faire danser, mais aussi s’impliquer parce que  la société a besoin d’eux.

Grèves à volonté

Les grèves dans les hôpitaux ont été aussi de la partie. En effet, face à certaines situations où était ressenti le besoin de protester et de se faire entendre, des équipes médicales de certains hôpitaux, notamment de  l’HUEH, ont fait grève, tout en admettant que les premières victimes étaient les patients.

Au début du mois de septembre, le personnel médical de l’HUEH a réclamé de meilleures conditions de travail et davantage  d’équipements pour soigner les maladies,  notamment une génératrice pouvant garantir l’électricité stable à l’hôpital. Plus tard, suite au kidnapping dont a été victime le docteur Hans David Télémaque dans l’exercice de ses fonctions, plusieurs hôpitaux privés, dont l’hôpital Bernard Mevs et le centre hospitalier Sainte Marie, ont réagi en observant une journée de grève le lundi 30 novembre, rejoignant ainsi leurs confrères des hôpitaux universitaires dans leur mouvement de protestation. Ces grèves, surtout en ce qui concerne l’HUEH,  n’ont pas manqué de décourager certains patients qui ont dû rentrer chez eux  sans avoir reçu de soins.

La santé mentale en berne

L’insécurité croissante qui a déferlé sur le pays n’a pas contribué à arranger les choses. La population vit dans la crainte et le stress quotidien. « Il y a toujours une mauvaise nouvelle. On a toujours l’impression qu’on sera peut-être la prochaine victime », déplore une jeune étudiante.

En effet, les cas de kidnapping et de crime ne cessent d’augmenter,  même si le Secrétaire général de l’ONU  affirme que la montée du kidnapping fait diminuer le taux de criminalité. Les parents vivant à la campagne ne sont pas de cet avis et certains mettent la pression sur leurs enfants qui étudient à Port-au-Prince afin qu’ils rentrent au bercail. «Le sifflement des balles près de chez moi, l’angoisse que je vis quotidiennement, il y a des choses que j’évite de dire à mes parents, sinon ce serait pire », continue l’étudiante.

Beaucoup de gens ont peur de se faire enlever. « J’ai toujours l’impression d’être suivi, je me sens obligé de toujours regarder par-dessus mon épaule, tout le monde me paraît suspect », déclare un autre étudiant. «Sursauter au moindre bruit, ne jamais se sentir en sécurité, ce n’est pas une vie. On s’étonne ensuite des cas d’AVC et d’autres maladie liées au stress chez les jeunes» , continue-t-il. Cette situation de stress quotidien occasionne souvent des dépressions chez les jeunes, alors que la population commence à peine à s’intéresser aux psychologues.

Le bilan sanitaire de cette année est alarmant et demanderait une meilleure considération par les pouvoirs publics.  En effet, les conditions ne sont aucunement  réunies, ni pour garantir l’accès aux soins à la population haïtienne, ni pour lui garantir une bonne santé mentale. Il serait urgent que les responsables commencent à s’inquiéter de la situation, si l’on veut une amélioration pour l’année à venir.

Ketsia Sara Despeignes

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