90 % de la capitale d’Haïti est sous l’emprise des gangs armés, selon l’ECCREDHH
6 min readLes gangs armés gagnent quotidiennement en puissance jusqu’à avoir aujourd’hui le contrôle de Port-au-Prince à 90%. C’est du moins ce qu’a indiqué l’Ensemble des Citoyens Compétents à la Recherche de l’Égalité des Droits de l’Homme ( ECCREDHH) lors de la publication d’un rapport sur la situation des droits de l’Homme en Haïti pour le mois de janvier 2023.
Les actes de violence persistent en Haïti. La passivité des autorités laisse présager que le pire est à venir. L’opération baptisée « Tornade 1» annoncée par Frantz Elbé, le Directeur Général a.i de la Police Nationale d’Haïti (PNH), n’a pas encore eu les effets escomptés. La peur. Voilà ce qui s’installe au sein de la population, particulièrement chez les gens qui habitent ou fréquentent la capitale. Port-au-Prince est assiégée par des bandes armées. Selon l’Ensemble des Citoyens Compétents à la Recherche de l’Égalité des Droits de l’Homme (ECCREDHH), la capitale d’Haïti est contrôlée à 90% par les gangs armés.
L’ECCREDHH précise dans l’introduction de son rapport que Port-au-Prince est contrôlé du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. L’organisme de Défense des Droits Humains constate que les groupes armés sont partout et contrôlent presque tout dans la capitale. Cependant, la détérioration du climat sécuritaire du pays affecte également la PNH. Depuis un certain temps, les policiers sont devenus les cibles des gangs armés.
À en croire l’ECCREDHH, du 1er au 30 janvier 2023, 18 policiers ont déjà été victimes d’actes attentatoires à leurs vies. De ces derniers, l’organisme de défense des droits humains précise que 16 ont été tués, un autre a été blessé par balles et l’un autre est porté disparu.
Retour sur les attaques ayant conduit à l’assassinat des policiers durant le mois de janvier 2023
L’ECCREDHH rappelle à cet effet que « le 10 janvier 2023, à Carrefour-Feuilles, dans l’après-midi, deux policiers ont été tués. Il s’agit de Dempsey Denis et Jean Daddy Previlus; le 17 janvier 2023, au Bicentenaire, une patrouille policière a été prise dans un guet-apens. Le policier Dudley Lafond a été tué. Son cadavre a été emporté par les bandits armés. Un autre policier, Jonathan Jolicoeur, a été blessé par balles; le 20 janvier, à Métiver, dans la commune de Pétion-Ville, cinq policiers ont été pris dans une embuscade. Trois d’entre eux ont été tués. Il s’agit de Gérald Octinal, Duckens Cejuste et Luc Eliezer. Un autre policier est sorti blessé lors de cette attaque. Il s’agit de Pascal Guillaume. Par contre, Wiclern Stanisclas est porté disparu.
Le 25 janvier 2023, à Liancourt, six policiers ont été tués par les bandits de la base « Gran Grif », opérant à Savien dans le département de l’Artibonite. Il s’agit de Kether Louis, Mackès Badin, Donalson Innocent, Norabert Aurelus, James Junior Félix et Camille Pierre. Un autre du nom Osny Mesadieu, a été blessé par balle; le 26 janvier 2023, un agent de la PNH a été tué à Delmas 52, pendant qu’il revenait de son travail ; le 30 janvier 2023, un autre agent de police de la PNH a été tué à Fessa, une localité de la commune de Pétion-Ville, en se rendant à son poste de service ».
À côté de l’assassinat tragique de ces policiers, plusieurs commissariats parallèlement ont été attaqués, voire détruits par les gangs criminels, selon les constats de l’ECCREDHH. « […] C’est le cas du commissariat de Pernier qui est totalement détruit, du commissariat de Liancourt qui est entre les mains des gangs armés et de celui des Gonaïves qui a été attaqué par des individus armés et heureusement il n’y a eu aucune victime », a précisé l’ECCREDHH.
Par ailleurs, l’organisation dénonce le comportement des policiers qui se sont rendus à l’aéroport international de Toussaint Louverture en signe de protestation suite aux assassinats de leurs frères d’armes. « Il est inacceptable que des policiers se laissent emporter par la colère en tentant de prendre d’assaut la piste de l’aéroport International pour s’en prendre à un premier Ministre de facto revenu d’un voyage officiel », explique l’organisation de défense des droits humains en soulignant que des telles attitudes sont intolérables.
Des cas d’enlèvements dénoncés
Les autorités continuent de faire preuve d’impuissance face à ceux qui ne cessent de kidnapper et séquestrer des citoyens contre rançon. «[…] Le 18 janvier 2023, dans la commune de la Croix-des-Bouquets, au moins 30 personnes ont été kidnappées par des bandits du groupe de « 400 Mawozo » dans un autobus de la compagnie Capital Coach Line, qui transportait des passagers en provenance de la République Dominicaine », a rappelé l’ECCREDHH ajoutant que le samedi dans la soirée, de Delmas en passant par Bourdon à Laboule plus d’une douzaine de personnes ont été enlevées, parmi lesquelles se trouvaient Mike Mercier et sa femme.
Selon L’organisation, les gangs armés jouissent d’une totale impunité suite aux dysfonctionnement des différents appareils de l’État et de l’incapacité dont fait preuve la PNH face aux gangs criminels qui sèment partout la terreur. Toutefois, l’ECCREDHH estime qu’il n’y a rien de surprenant dans le fait que le pays se retrouve aujourd’hui dans une la situation d’insécurité généralisée. « […] Cela ne saurait être autrement dans un pays où l’on retrouve environ « 240 de gangs armés, sans compter plus 600 000 armes illégales en circulation », affirme l’organisation de défense des droits humains.
Le cas des gangs de Liancourt/ Savien
Tout comme dans le département de l’Ouest, les gangs armés font également la loi dans le département de l’Artibonite. « Les gangs du groupe « baz Gran Grif » dirigé par le dénommé « Lukson » imposent leur loi et prennent en otage la population civile. Ils s’attaquent aussi aux policiers. Si bien que le 25 janvier 2023, six (6) policiers ont été assassinés suite aux nombreuses attaques armées. Pour le moment, ces gangs contrôlent le commissariat. Ils détournent des camions de marchandises, rançonnent des passagers et menacent les usagers de la route », a rappelé l’ECCREDHH.
Qu’en est-il de la justice et du droit à la santé ?
L’ECCREDHH dénonce la difficulté dans laquelle se trouve le système judiciaire haïtien suite au flux des personnes placées en détention préventive prolongée et qui meurent dans des conditions inhumaines. Parallèlement, eu égard au droit à la santé, il affirme qu’il a toujours été très fragile en Haïti. Néanmoins, en raison des différents événements enregistrés dans le pays, dont la suspension des activités de l’Organisation de Médecins Sans Frontières dans la commune de Carrefour, il est évident que le droit à la santé continue de se détériorer.
L’ECCREDHH exhorte les autorités étatiques à prendre des mesures urgentes pour faire face à l’insécurité généralisée tout en invitant la population à un sursaut patriotique pour endiguer le dépérissement de la société haïtienne. De plus, l’organisme de défense des droits humains exhorte « les acteurs politiques et économiques à trouver un accord fonctionnel en vue de la réalisation des élections qui permettra au pays de retourner à l’ordre constitutionnel dès 2024 ».
Jackson Junior RINVIL
rjacksonjunior@yahoo.fr