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À chaque commune son petit carnaval si c’est possible !

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Depuis quelques années, le carnaval national perd son prestige. Toutefois, malgré l’insécurité qui s’étend sur tout le territoire, plusieurs villes entendent organiser des festivités carnavalesques. Les conditions de vie fragilisées, l’insécurité et les routes devenues impraticables à cause des gangs ont gravement endommagé le secteur culturel local. Vu le contexte actuel, la réalisation du carnaval national semble illusoire et le Gouvernement affirme qu’il supportera certaines mairies qui organiseront ces festivités.

Alors que le mois de février  avance  au grand galop, le Gouvernement, par le biais de la Ministre de la Culture et de la Communication, Emmelie Prophète Milcé, s’est prononcé sur le carnaval pour cette année 2023. La Ministre est claire : il n’y aura pas de grand carnaval national. Selon Mme Milcé, une fois de plus, le Gouvernemen reprend le format de l’année dernière (2022).  Elle souligne que le Gouvernement va soutenir certaines mairies qui organisent des activités carnavalesques dans  leur ville.

Parallèlement, certaines écoles et autres institutions privées et publiques ne parlent pas encore de congé carnavalesque, même si, selon le calendrier national, les jours gras sont programmés du 19 au 21 février. Par ailleurs, la situation à Port-au-Prince n’a pas évolué. Les groupes armés élargissent progressivement leur territoire et la capitale est prise en otage, de part et d’autre. Ainsi, les déplacements deviennent de plus en plus difficiles, car plusieurs routes et quartiers  sont sous le contrôle des bandits armés.

Les festivités carnavalesques à Port-au-Prince sont devenues irréalisables , d’autant plus que cela fait très longtemps que la vie nocturne n’existe quasiment plus dans la capitale. Sans oublier le kidnapping, les disparitions soudaines et la criminalité qui remontent en flèche, depuis la nouvelle année. La population est totalement terrorisée par les gangs qui dictent leur loi, maintenant dans plusieurs grandes communes. La capitale est délimitée par des bandes armées, qui selon les organismes de défense des droits humains, occupent près de 60% de son étendue . La circulation et la participation des touristes sont presqu’impossibles.

Du point de vue culturel et traditionnel, si le carnaval est l’occasion d’encourager la solidarité et l’union entre tous les Haïtiens sur le territoire et à l’étranger, cette année, chacun reste dans son milieu immédiat pour célébrer avec les moyens disponibles. D’ailleurs, aucun thème n’a été retenu au niveau national. Ordinairement, un thème annuel est retenu pour les festivités carnavalesques par les autorités nationales, toutefois, cette année, chaque ville choisit son propre thème.

Les artistes et groupes musicaux, pour la plupart, ne montrent pas trop d’intérêt à produire et à créer, à part quelques rares meringues 2023 qui roulent sur les ondes radiophoniques. Même si, depuis plusieurs semaines déjà, les rues de Port-au-Prince et de quelques villes de province se préparent pour les réjouissances populaires annuelles, comme le prévoit le calendrier national. En effet, des activités pré-carnavalesques ont été remarquées dans plusieurs villes, comme Jacmel, Ouanaminthe ou encore le Cap-Haïtien, depuis la fin du mois de janvier.

À Jacmel, les dimanches pré-carnavalesques ne sont pas aussi colorés et bondés de monde que lors des années précédentes. Par ailleurs, le Bureau du Carnaval de Jacmel compte poursuivre les planifications liées à l’organisation du carnaval 2023 qui se déroulera autour du thème: « Ansanm yon lòt Jakmèl posib ». Dans la ville de Ouanaminthe, les couleurs, la joie et la foule sont au rendez-vous lors des festivités pré-carnavalesques. Déterminés à mettre la ville en feu lors des trois jours gras, les ouanaminthais entendent se réjouir autour du thème: « An n pote kole pou yon lòt Wanament ».

Du côté du Cap-Haitien, devenu depuis quelques temps déjà, le bastion des activités socio-culturelles en Haïti, les capois planifient les festivités carnavalesques avec un cœur joyeux. D’ailleurs, dans un communiqué rendu public le 3 février, la mairie de la deuxième ville du pays a annoncé des réjouissances carnavalesques du 17 au 21 février, soit des festivités de 5 jours. Malgré l’insécurité meurtrière qui sévit dans la capitale et sur les routes menant vers le Nord (Canaan et autres), le Cap-Haïtien fait de son mieux pour ne pas se laisser faire en hébergeant dès que possible des activités socio-culturelles, comme récemment le Pap Jazz. Ce qui explique clairement le choix de ce thème par les autorités locales: « Ann ede Okap kenbe Ayiti vivan ».

En outre, d’autres villes en dehors de la capitale, comme Miragoâne, Saint-Marc ou encore Jérémie, projettent de ne pas laisser les trois jours gras traditionnels passer inaperçus. Malgré tout, Port-au-Prince essaie de suivre la tendance. D’ailleurs, les activités pré-carnavalesques interrompues à Port-au-Prince avaient repris timidement au Champ-de-Mars et à Lalue, le dimanche 5 février dernier.  Même s’il faut reconnaître que ces réjouissances carnavalesques n’avaient rien à voir avec les célébrations traditionnelles  habituelles.

Le carnaval national n’est que l’ombre de lui-même depuis plusieurs années. Les couleurs vives, les « rara », les défilés, les chansons envoûtantes, le plaisir, les fous rires et les sorties nocturnes ne sont que des souvenirs lointains. Plus les années passent, plus le pays perd ses traditions et sa raison d’être. Si l’année dernière, malgré la situation chaotique, le Gouvernement d’Ariel Henry avait financé certaines mairies pour l’organisation du carnaval national, cette année encore, à quelques jours des «  trois jours gras », le Gouvernement entend privilégier la même formule.

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

pleyla78@gmail.com

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