Môle Saint-Nicolas et son histoire figée de passé glorieux
4 min readAvec sa situation géographique privilégiée, le Môle Saint-Nicolas a été la porte d’ouverture pour l’exploration du Nouveau-Monde ainsi que le lieu d’introduction du christianisme. Convoité, désiré, envié, puis abandonné, il a fini par être exclu des projets de développement pour les villes potentiellement touristiques. De l’histoire, il ne lui reste que la fatidique date du 5 décembre 1492.
Le Môle Saint-Nicolas est une commune du département du Nord-Ouest d’Haïti. Elle est située à 185 km de Port-au-Prince, joignable à travers des routes rocailleuses en mauvais état et à 90 km de Cuba par bateau. C’est une ville de 227,1 kilomètres carrés située à une altitude de 36 mètres. Sa beauté environnementale est naturelle malgré le déboisement accru. Des plages de sable fin et blanc, une large baie protégée des vents, des coraux où vivent des multitudes de poissons multicolores dans une mer claire, forment le patrimoine naturel du Môle.
Le Môle Saint-Nicolas comporte trois sections communales : Côte-de-Fer, avec ses longues grottes, Mare-Rouge avec l’Église Sainte-Anne, et Cité D’espoir (Damé). La commune est réputée pour ses activités de pêche, d’élevage et ses cultures. D’où l’importance d’un port ouvert au commerce extérieur avec la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et Haïti. Elle a été surnommée le Gibraltar du Nouveau Monde en raison du couloir du vent la reliant à l’Amérique du Sud et à la péninsule de la Floride.
L’histoire du Môle Saint-Nicolas est connue. Le navigateur Christophe Colomb y débarque le 5 décembre 1492, découvre une île vertement conservée, plante la croix du christianisme et s’installe en exterminant les premiers habitants qui s’y trouvaient après les avoir réduits aux travaux forcés. Des noirs d’Afrique ont été contraints de les remplacer et ils ne purent acquérir leur liberté qu’après quatre siècles d’esclavage. Les vestiges de la Poudrière, du Vieux Quartier, de l’Église coloniale, du Fort Georges, de la Batterie de Vallières, du Fort du Ralliement, de la Batterie de Grâce rappellent encore les glorieux combats pour la liberté et sa sauvegarde.
Erneus Alexandra, licenciée en géographie est native de Mare-Rouge. Elle explique la vie au Môle. « La commune du Môle Saint-Nicolas est réduite à elle-même. C’est une ville en sommeil. On y ressent de la vie que lors des fêtes patronales le 5 décembre et le 26 juillet. Sinon, on essaie de survivre. Il n y a pas d’agronomes et de moins en moins de cultivateurs, les routes découragent et les voyages illégaux augmentent ».
Délaissé, le Môle n’a de grandiose que son histoire. Sa position n’est que malédiction. Pendant que d’autres pays le convoitent, le gouvernement le méprise. La commune et ses alentours ne font pas partie de la liste des espaces touristiques à développer. Parfois, les croisiéristes de Labadie viennent visiter les vestiges coloniaux au bénéfice du Cap puisque le Môle n’a pas d’office du tourisme. Alexandra poursuit ainsi : « Il n’y a aucune infrastructure scolaire, routière ou sanitaire. Autrefois, les examens officiels se déroulaient à Jean Rabel. On y restait pour les trois jours et on revenait chez nous. Ce n’est plus le cas depuis quelques temps, ils se déroulent à Mare-Rouge ».
En plus de son patrimoine historique, le Môle contient des sites naturels. Raisinier à Boukan Guinguette, la rivière Gorge et une cascade. Avec une route escarpée aux crocs aiguisés jusqu’à Mare-Rouge perchée à des centaines de mètres d’altitude, on peut atteindre la grotte Benyen et Anse-France qui permet d’apprécier l’effet du temps et de l’abandon sur les ruines de la Batterie d’Orléans ou du Fort Georges. La grotte Princeton découverte il y a quelques années aux Côtes-de-Fer, est l’objet de mystérieuses anecdotes farfelues. Les touristes curieux auront de quoi expérimenter au cas où ils exploreraient des grottes non loin des plages aux sables naturels et aux plantes et animaux endémiques du Môle.
« Le Môle a tout ce qu’il faut pour se développer d’elle-même. L’absence de routes bloque la rentrée de devises que pourraient engendrer les visites. L’absence d’infrastructures agricoles empêche la production et nous payons au prix double ce que nous pouvons produire. La vie est chère par ici », se plaint Alexandra.
Abandonnés à leur sort, les Forts sont devenus des dépotoirs à ciel ouvert. Déchets, excréments d’humains et d’animaux constituent le décor autour des chalets de l’époque coloniale qui ont résisté au temps. Les pêcheurs n’ont aucun appareillage moderne, les écoles professionnelles viennent de faire leur apparition, la médecine traditionnelle et la croyance en la mythologie haïtienne sont très présentes. Le Môle Saint-Nicolas est isolée du reste du pays. Plus proche de Cuba que de la capitale haïtienne.
« Le gouvernement doit valoriser les sites du Môle Saint-Nicolas pour inciter les touristes à explorer cette destination qui a une portée historique et religieuse. L’éducation est à repenser. Qu’il facilite l’importation et l’exportation avec le Cuba, il y a de quoi produire et revendre par ici », enjoint la géographe aux dirigeants du pays.
De tous les exploits du Môle Saint-Nicolas, il ne reste que les pages d’histoire. Les Môliens préfèrent traverser la mer des Caraïbes par bateau pour nourrir leur famille plutôt que de se voir mourir en attendant que quelqu’un leur offre des miettes. Le Môle s’est peut-être figé, mais ses fils et filles veulent vivre.
Genevieve Fleury
Félicitations Mme FLEURY 🙏nap kontinye pale jis yo tande vwa nou 🙏🥰ou prouve valèw kontinye briye 🙏