« Cette nouvelle année scolaire sera une pure improvisation », estime le professeur Frantzley Valbrun
4 min readLe lundi 3 octobre 2022 devait marquer le début d’une nouvelle année scolaire 2022-2023. En pleine crise de carburant, toutes les activités du pays sont au ralenti ou à l’arrêt, et la rentrée scolaire n’a pas eu lieu. Pour le professeur, Frantzley Valbrun, l’avenir de cette année scolaire est clair, la conjoncture socio-économique et le climat politico-sécuritaire feront d’elle une pure improvisation.
Près d’un mois après le début de la crise provoquée par la rareté des produits pétroliers et la levée des subventions sur le carburant, le pays est enfoncé dans l’un de ses plus longs mouvements de protestation anti-gouvernementale. Victime collatérale, l’école ne parvient toujours pas à reprendre son cours dans le pays, la rentrée scolaire est mise à mal, et le Gouvernement semble impuissant. Dans un communiqué publié sur sa page officielle facebook le 2 octobre, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) a reconnu les empêchements à la réouverture des classes.
« Le MENFP reconnaît que la première semaine du calendrier scolaire 2022-2023 démarrant le 3 octobre sera difficile pour la relance des activités scolaires dans plusieurs endroits du pays et s’attend à une rentrée scolaire progressive », a-t-il indiqué, en promettant les efforts du Gouvernement en vue de créer un cadre sécuritaire approprié et un dispositif adéquat afin de faciliter le déplacement de la population en général et des écoliers, en particulier.
Pour le professeur et poète Frantzley Valbrun, aucune condition n’est réunie pour cette nouvelle année scolaire déjà prévue pour septembre, puis renvoyée pour le 3 octobre dernier. « Jusqu’à présent, aucune préparation n’est faite et l’État n’est toujours pas en mesure d’accompagner la population par des subventions scolaires ou d’autres aides d’ordre socio-économique, une population complètement appauvrie », a-t-il expliqué. « Regardant objectivement la situation actuelle, le constat est clair : le Ministère de l’Éducation Nationale sera obligé de renvoyer une nouvelle fois l’année scolaire, aucune condition n’est réunie, et la date est déjà passée », estime-t-il.
« Le constat pour les enfants qui seront assis dans les salles de classe, c’est que cette nouvelle année scolaire sera une pure improvisation. Les conditions normales d’apprentissage des enfants reste encore un véritable défi parce que la conjoncture socio-politique du pays demeure exécrable et l’environnement est très difficile », explique-t-il.
Par ailleurs, il croit que les différents acteurs devraient trouver une solution à même de favoriser les conditions nécessaires à la rentrée scolaire. « L’école, étant un bien public, dit-il, doit être sauvegardée et préservée en tout temps. Il appartient à tous les acteurs d’y contribuer pour le bien et le futur de nos enfants ».
Crise d’éducation, une crise de système
Si la rentrée scolaire n’est pas possible pour nombre d’enfants du pays, c’est aussi à cause d’un système qui rend la vie difficile pour une large partie de la population. Le chômage bat son plein, l’insécurité sociale et alimentaire règne dans toutes les régions du pays, et l’inflation est galopante. Face à cette situation, beaucoup peinent à tenir le rythme. « Pour moi, le système est en défaillance. Il ne peut pas répondre aux exigences de la vie », estime le professeur.
Pour lui, l’éducation tient une place importante dans toute société, et la nôtre a construit un système éducatif qui ne lui profite pas. « Dans toute société moderne, l’éducation est un moule qui forme le citoyen pour qu’il serve la collectivité. Cependant, chez nous c’est différent, notre système scolaire forme des inconnus qui écraseront les autres à l’avenir, bâtissant ainsi un système où vivre est vraiment difficile pour la plupart », dit-il.
Pour la journée mondiale des enseignants le 5 octobre, le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation Professionnelle a reconnu la nécessité de moderniser le métier d’enseignant en Haïti afin d’améliorer la qualité de l’éducation. « Aucun changement n’est possible sans un changement au niveau des conditions de vie et de la modernisation du métier des enseignants et des enseignantes. Je reconnais que l’État doit faire plus d’efforts afin que vous cessiez de perdre l’espoir et d’abandonner le métier. Cependant, je vous encourage tous à continuer la collaboration qui permettra d’aboutir aux transformations qui doivent être effectuées », a déclaré le Ministre dans un communiqué sur la page facebook du Ministère dans la journée du 5 octobre. Les nécessités sont connues de tous, mais les actions tardent toujours à venir.
Clovesky André-Gérald PIERRE
cloveskypierre1@cloveskypierre