Haïti : Un système judiciaire à réformer !
3 min readEntre les tribunaux vandalisés à travers certaines juridictions du pays, des juges qui travaillent dans des conditions difficiles, l’absence d’accompagnement de l’État, les cas de corruption et le dysfonctionnement à répétition de certains tribunaux à travers le pays, le système judiciaire haïtien se trouve dans une mauvaise impasse. Loubens Elysée, Président du Réseau National des Magistrats haïtiens (RENAMAH), peint un tableau sombre et triste de l’appareil judiciaire.
En Haïti, la femme aux yeux bandés va de mal en pis. Étant l’une des institutions régaliennes, la justice haïtienne est affaiblie et réduite à sa plus simple expression. Les nombreux actes de vandalisme contre les tribunaux, n’ont du tout pas aidé le système judiciaire. Au contraire, ils ont malheureusement contribué à son affaiblissement. « Il s’agit d’une situation chaotique. Nombreux sont les dossiers qui ont disparu. On a du mal à savoir qui est un présumé criminel ou qui est un innocent. La seule option qui reste à partir de ce moment, c’est de reconstituer les dossiers. Pour ce faire, c’est à l’aide des témoignages car on ne peut pas juger les personnes en question. En conséquence, elles restent en détention », déclare le président du Réseau National des Magistrats haïtiens (RENAMAH) Loubens Elysée sur les ondes le 22 novembre 2023.
La détention préventive prolongée est devenue au fil des temps en Haïti un fléau. Elle donne lieu à des violations graves des droits humains. Car les personnes incarcérées n’ont pas toujours l’accès à un juge ou à un avocat pouvant faciliter leur libération. Face à cette situation déshumanisante, certains acteurs de l’appareil judiciaire s’engagent dans la lutte contre la détention préventive prolongée. Cependant, cela doit se faire en conformité avec les principes. « Lutter contre la détention préventive prolongée, c’est permettre de juger les gens, de condamner les coupables et de libérer les innocents», a fait savoir le Magistrat Elysée en précisant par ailleurs que la question du habeas corpus en groupe est problématique. « Dès qu’il s’agit de la question des droits de l’Homme, cela doit être jugé ou évalué individuellement et non de manière collective », a précisé le Magistrat. « La question d’une seule action pour un groupe de personne peut faciliter la libération de certains criminels sans que la justice n’ait eu le temps de faire une gestion rationnelle des dossiers de ces personnes en question », prévient-il.
Le climat d’insécurité dans lequel se trouve Haïti ne cesse de s’intensifier quotidiennement. Les gangs poursuivent leurs offensives contre la population civile dans plusieurs quartiers de la région métropolitaine de Port-au-Prince et dans certaines villes de province. Dans la commune de Cité Soleil, particulièrement, il n’y a pratiquement aucun commissariat et aucun tribunal en fonction depuis un bon bout de temps.
Les cas d’enlèvement se poursuivent un peu partout dans l’aire métropolitaine. Les chiffres des personnes tuées par balle ne cessent d’augmenter. Cet état de fait s’explique, pour certains, par la passivité de la justice. Or, pour le responsable du RENAMAH, il ne faut pas responsabiliser uniquement la justice dans cette situation difficile dans laquelle se trouve Haïti. « La justice n’est pas la seule responsable de la situation actuelle du pays. Cependant, il y a certaines personnes en liberté aujourd’hui qui n’auraient pas formé des foyers de gangs si elles étaient en prison parce qu’elles auraient déjà comparu par devant la justice », admet le Magistrat Elysée.
En dépit de cela, le responsable du RENAMAH s’en prend à ceux qui critiquent la justice haïtienne. « Certaines personnes affirment haut et fort leur statut politique dans le pays alors qu’en réalité elles sont celles qui ont nommé les juges corrompus dans le système judiciaire », révèle le Magistrat Elysée en soulignant que c’est à tout le monde de prendre conscience aujourd’hui.
Compte tenu des nombreux tribunaux vandalisés, de l’impunité qui règne en maître, la justice qui, selon certains, se retrouve sous la coupe réglée de l’Exécutif, a grandement besoin d’une réforme en profondeur.
Jackson Junior RINVIL