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Quand l’État transforme les rues en salles de classe

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Il faut remonter aux années 2003-2004 pour recenser un soulèvement estudiantin important dans le pays. Depuis, des mobilisations isolées sont été organisées, mais elles n’ont pas fait long feu. La bataille en faveur du salaire minimum proposé par le député de Pétion-Ville d’alors, Steven Benoit, en est un exemple.

S’il est vrai que l’on attribue les qualificatifs d’agitateurs, de révolutionnaires, de perturbateurs à certaines facultés comme celles des Sciences humaines, d’ethnologie, de droit, l’INAGHEI,  ou l’ISSERS, entre autres, il faut bien reconnaître que les étudiants, outre  leurs problèmes liés aux affaires académiques, se concentrent surtout sur leur sphère d’activités. Les politiques n’ont pas les méninges surmenées, ils passent tranquillement leurs journées à gaspiller l’avenir du pays, ils se querellent, ils font passer le temps. Les apprenants, eux, s’épuisent plus à penser à ce qu’ils vont devenir qu’à se concentrer sur leurs études. Ils  ont laissé aux politiciens, durant presque deux décennies, le champ libre. Le temps suffisant en tout cas pour plonger le pays dans le gouffre.

Dans le viseur des groupes armés et des assassins fantômes, les étudiants des universités ont déjà derrière eux deux semaines sur le macadam pour faire le deuil de l’un des leurs, exécuté comme un vilain tueur, un chien errant. Ils sont là pour dénoncer le laxisme de l’État, l’insouciance de l’exécutif, semble-t-il, friand  de sang humain, l’insécurité grandissante, la banalisation de l’importance de toute vie, et le culte du meurtre. Les dirigeants de l’État, comme les disciples du Christ qui essayaient d’écarter Batimé pour que le maître ne puisse entendre sa voix, ferment  yeux et se bouchent les oreilles. Ils sont là, agrippés au pouvoir, laissant les agents de l’ordre  tirer sur les universitaires et les lycéens. La rue a une occupation, la République va bon train ! Aux étudiants le macadam, aux salles de classe la poussière, au peuple le dollar qui alterne hausse et baisse, ainsi que les massacres à répétition, aux politiciens le pouvoir et les privilèges.

Soulignons que, dans cette funeste histoire ‘il n’y a pas que les universitaires à protester, les élèves des écoles publiques sont eux aussi dans les rues, et, ce, à travers toute la République. Ils exigent le minimum : la présence des professeurs en salle de classe. Ces derniers, pauvres enseignants ! réclament depuis des lustres le plus légitime de leurs droits : de meilleures conditions de travail. Les gouvernements se suivent, les budgets se succèdent, la part de l’université se détériore progressivement, le système  éducatif va en decrescendo. Après avoir perdu plus de sept mois au cours de cette année   les lycéens  voient mal leur avenir. Le MENFP, au contraire, ne prend pas les mesures  qui s’imposent pour sauver ces deux mois de rallonge. En guise de professeurs, les malheureux lycéens reçoivent des gaz lacrymogènes et sont victimes de la brutalité policière .Les flammes des pneus  incendiés, le soleil de plomb, les gaz toxiques des policiers : il n’y a apparemment pas de meilleur programme scolaire à  proposer aux apprenants haïtiens pour  les aider à clore une année scolaire  hors normes.

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