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Agressions sexuelles: À quand la fin de l’impunité?

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Child being subjected to violence - violence against kids

Depuis peu, les débats sur l’impunité, les agressions sexuelles et l’inceste sont très animés. Suite aux dernières vidéos circulant sur tous les réseaux sociaux impliquant directement le Pasteur Amel Lafleur et sa fille, des vagues de réactions ont fusé. « Malgré les sanctions prises par les instances concernées, il reste encore du chemin à faire pour éradiquer ce problème au sein de la société », estime Ruth Dharwina Valmyr, militante féministe. 

Vers la fin du mois de décembre, des extraits de vidéos sur les réseaux sociaux montraient le Pasteur Amel Lafleur de l’Église Indépendante de la Porte Étroite en train de toucher le corps de sa fille, d’illustrer des positions sexuelles avec elle et de proférer des propos indécents, dans l’enceinte même du temple. Selon les dires du Pasteur et de quelques témoins, ce dernier proposait une série de formations sur l’éducation sexuelle pour des couples mariés et tentait de les illustrer pour les participants. Toutefois, malgré les excuses proférées quelques jours plus tard, la justice s’est chargée de son cas et il a été interpellé pour outrage public à la pudeur et trouble de l’ordre social.

Par conséquent, ce 10 janvier, il a été auditionné dans les bureaux du commissaire du Gouvernement pour outrage public à la pudeur, puis l’affaire a été redirigée vers le tribunal correctionnel. En tant que personne morale, le Pasteur Amel Lafleur a été sanctionné par le Ministère des Cultes. Ce dernier a reçu l’interdiction de toute pratique ministérielle et pastorale, durant 5 ans, conformément à  l’article 13 du décret du 18 octobre 1978 condamnant la pratique de toute activité attentatoire à l’ordre et à la morale publique au sein de l’Église. Cette sanction perdure jusqu’au 3 janvier 2028.

Malgré les sanctions prises contre le Pasteur Amel Lafleur, beaucoup estiment que ce n’est pas suffisant. Car dans la société haïtienne, les victimes d’attouchements sexuels et d’inceste sont nombreuses, donc faire l’apologie d’une quelconque manière de contenus justifiant, illustrant et même encourageant les actes d’attouchements et d’agression sexuelles peut s’avérer très dangereux. Selon Ruth Dharwina Valmyr, étudiante en Sciences Politiques à l’UniQ, créatrice de contenus et militante féministe, il faut commencer par mettre des balises sur les réseaux sociaux et toujours dénoncer les contenus faisant l’apologie des violences physiques et sexuelles.

« Premièrement, la justice doit entrer en jeu pour instaurer des lois sur l’utilisation des réseaux sociaux en vue de poser les limites. Les contenus incitant à la violence et justifiant les crimes sexuels sont à bannir totalement et des lois sur le cyber-harcèlement doivent être mises en application. Dans un cadre non-juridique, il est important que les internautes s’impliquent beaucoup plus activement quand il s’agit de ce genre de contenu. Parfois, dénoncer ne suffit pas, il faut donc bannir ces personnalités, fort souvent influentes sur les réseaux sociaux, en se désabonnant ou en fermant leurs comptes sur les réseaux sociaux », soutient la militante et dénonciatrice des contenus sexistes et violentes sur ces réseaux sociaux.

Selon Ruth Valmyr, dans le cas du Pasteur, l’Église a son mot à dire et la justice en a dit trop peu. « Il ne s’agit pas uniquement des extraits de vidéos où il touche le corps de sa fille, mais aussi d’autres accusations de viol sur mineures dont il fait objet, depuis des années. La justice doit intervenir et poser des actions concrètes. Le suspendre pour 5 ans, alors que son église fonctionne et que les fidèles reçoivent les mêmes messages quoique divulgués par d’autres messagers est inadmissible. Il faut prendre des mesures strictes et rigoureuses pour empêcher que cela ne se reproduise sous une forme ou une autre », avance la militante.

 « Ensuite, pour les cas d’inceste et de pédocriminalité, il faut que chacun s’investisse dans l’éducation familiale en bâtissant une relation de confiance avec les enfants pour les protéger. Dans la société haïtienne, l’éducation doit être repensée. Les parents doivent être plus vigilants et plus à l’écoute des enfants, en acceptant que ces derniers sont des humains et qu’ils ont une volonté et des sentiments. Il faut les croire quand ils se confient à vous », continue la féministe. « Pour éradiquer ce problème, il faut impérativement commencer par la justice.  Il faut réviser certaines lois, en établir de nouvelles et mettre en application celles qui existent déjà en vue de combattre l’impunité », conclut Ruth D. Valmyr.

Dans la société haïtienne, les notions de sécurité, de paix et de justice sont utopiques et les droits humains, particulièrement les droits des enfants et des femmes passent au second plan. En effet, la justice s’implique trop peu dans les affaires de violences physiques et sexuelles et les structures ne sont pas appropriées au cadre socio-culturel haïtien.

Il faut rappeler que beaucoup de personnalités publiques, politiques et morales sont souvent accusées de violences sexuelles. Toutefois, ces gens circulent librement, signent des contrats importants et continuent d’exercer en toute liberté. Plusieurs se demandent: À quand la fin de l’impunité?

Leyla Bath-Schéba Pierre Louis

pleyla78@gmail.com

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