Alors que la saison cyclonique est au pas de la porte, Port-au-Prince et ses environs sont dans un état critique!
4 min readDans la région métropolitaine de Port-au-Prince tout comme dans plusieurs villes de province, de fines pluies suffisent pour que des montagnes de détritus s’élèvent jusqu’aux cieux et encombrent les rues. Au regard d’un rapport du programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publié en 2022, la surproduction de déchets quotidiens sur l’ensemble du territoire est alarmante. Alors que la saison cyclonique va commencer dans moins d’un mois, Port-au-Prince et ses environs se trouvent dans un piteux état.
La circulation à Port-au-Prince est entravée par de nombreux facteurs. Outre les restrictions imposées par les territoires de non-droit et récemment les barricades érigées un peu partout pour prévenir les attaques armées, les immondices prennent de plus en plus de place dans les rues de la capitale. La crise sanitaire en Haïti prend une ampleur colossale. Sur la liste des domaines négligés par le Gouvernement, la gestion des ordures organiques et inorganiques figure tout en haut. Les mairies ne prennent pas leurs responsabilités envers la population, alors que la production quotidienne des ménages et des entreprises s’élève à des tonnes dans tout le pays.
Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) publié en juin 2022 sur la gestion des déchets solides en Haïti, la production des déchets quotidiens s’élèvent à 0.6 kg par individu par jour. Selon ce rapport, en tenant compte de la population totale, ce chiffre équivaut à 6 600 tonnes de déchets générés par jour sur l’ensemble du territoire. Si la production de déchets solides est particulièrement élevée, les déchets collectés ne représentent que 12%, selon les données de la Banque Mondiale. Par conséquent, environ 5 808 tonnes de déchets jonchent les rues, bouchent les égouts et s’accumulent dans les ravines pour se rendre dans la mer.
Dans ce rapport, le PNUD cite quelques causes à l’origine de cette surproduction de déchets. Les facteurs démographiques, économiques et politiques figurent entre autres parmi les éléments qui occasionnent ce phénomène. Sur le plan démographique, la surpopulation et l’exode rural massif de ces dernières années, qui pis est, non accompagnés de mesures de planification et de dotation en ressources humaines et matérielles au niveau des municipalités, constituent des éléments non négligeables dans l’insalubrité chronique qui sévit en Haïti. Sur le plan économique, le budget alloué à la gestion des déchets est insuffisant pour répondre à la crise environnementale que connaît le pays. Si l’on tient compte de la situation présente, la pénurie de carburant sur le territoire national est un facteur à ne point négliger.
D’autre part, la situation politique fragile en permanence constitue l’un des premiers blocages pour la résolution de cette crise. Le fait est que les centres d’intérêts du Gouvernement ne se dirigent pas vers ce secteur. Aux dires du PNUD, les déficits en termes de planification et d’aménagement du territoire, la forte concentration des espaces habités, l’étroitesse des habitats et des voies de circulation compliquant énormément les stratégies à mettre en œuvre en vue d’assurer la collecte des déchets et l’assainissement des aires urbaines du pays, sont des blocages significatifs dans le développement sanitaire du pays.
« En plus de ces éléments, les conflits et les confusions d’ordre juridico-administratif créés par la loi du 21 septembre 2017 fixant les domaines d’intervention des municipalités et du Service National de Gestion des Résidus Solides (SNGRS), compliquent davantage la situation », soutient le PNUD.
La mauvaise gestion des immondices est à l’origine de l’insalubrité des centres villes, des plages, des rivières et des sources d’eau. « Il en résulte une prolifération des agents pathogènes et la détérioration des conditions de vie de la population. Le pays enregistre une augmentation de la prévalence des maladies aqueuses, respiratoires et cutanées, notamment chez les couches les plus vulnérables de la population, comme celles vivant dans les espaces urbains marginalisés, écologiquement fragiles proches des littoraux », souligne ce rapport.
Actuellement, la mauvaise gestion des immondices en Haïti se fait ressentir doublement. Dès que la pluie se déverse, notamment dans la capitale et ses environs, certains endroits sont impraticables tant pour les véhicules que pour les piétons, à cause des immondices et des inondations. Outre les déchets qui occupent les rues, certains endroits sont susceptibles d’être inondés ou d’être l’objet d’éboulements de terrain. L’environnement naturel se dégrade au regard de tous. Pourtant aucune mesure n’est prise pour le restaurer.
La situation est alarmante. Il est important de lancer un signal aux autorités municipales, au Ministère de l’Environnement, au Ministère des Travaux Publics, Transports et Communication qui ont une importante partition à jouer dans la restauration du milieu naturel local et bien-entendu dans le recyclage, la gestion des détritus, la construction de ponts et de canaux d’irrigation. Sinon, à chaque pluie, comme cela se faisait, la nature va demander des comptes, surtout avec la saison cyclonique qui va débuter le 1er juin.
Leyla Bath-Schéba Pierre Louis