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Attaqué par Jovenel Moïse, le président de la Cour des Comptes sort de son mutisme

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Les projets de l’Exécutif qui ont été rejetés par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif CSC/CA présentaient des anomalies, a fait savoir Rogavil Boisguéné, président de l’institution, ce mardi 8 septembre 2020. Le conseiller a  été contraint de rompre avec la discrétion après les attaques dont il a été l’objet, dimanche dernier, de la part des responsables du pays, lors d’une séance de « Dialogue Communautaire » animée par le président Jovenel Moïse.

Tandis qu’aucun document n’a encore été soumis, en ce sens, à la Cour des Comptes pour avis conformément à la loi,  des membres de l’Exécutif ont mentionné à l’émission du 6 septembre 2020 « que la Cour a bloqué le projet de contrat de construction d’un pont sur la Rivière des Anglais, dans le Département du Sud », a regretté Rogavil Boisguéné dans sa note de clarification. « Que cache cette déclaration à la société ? », s’interroge-t-il.

Le président de la Cour des Comptes évoque le cas du projet de contrat relatif à la construction de la centrale électrique à double combustible (diesel et gaz naturel) de 55,5 MW dans la commune de Carrefour.  M. Boisguéné estime que c’est un document frappé de nullité qui a été présenté à la CSCCA pour avis. « Ce projet de contrat ayant été soumis à la Cour, pour avis de conformité, le 6 août 2020 en violation de ses propres termes, soit en cumulant quatre-vingt-dix-neuf (99) jours à partir de la date de départ et sans l’accord mutuel écrit entre les parties», indique-t-il.

En ce qui a trait au projet de contrat d’électricité dont plusieurs sections ont entièrement été écrites en anglais qui a reçu un avis défavorable de l’institution, Rogavil Boisguéné met en avant les dispositions de l’article 6 du décret du 10 février 1967 sur la légalisation des pièces administratives et judiciaires et de l’article 46 de la loi du 10 juin 2009 sur les marchés publics qui exigent la traduction par un expert assermenté des documents rédigés dans une langue autre que les langues officielles de la République d’Haïti.

« Une telle violation de cette disposition légale ne constitue-t-elle pas entre autres une cause de non-conformité de ce projet de contrat ? Serait-il demandé à la Cour de violer les lois de la République ? », se questionne le conseiller, dans la note.

Si la Constitution, en son article 219, stipule qu’« Il ne peut être établi de privilège en matière d’impôts, les vingt-neuf (29) projets de contrat conclus entre l’État et des Entreprises locales pour l’achat de masques de protection contre la Covid-19 n’ont tenu compte de cette disposition constitutionnelle. « Il est prévu dans tous ces projets de contrat une clause d’exemption de tous droits et taxes. De ce fait, aucune disposition n’a été prévue pour le prélèvement de l’acompte de 2% au profit de l’État », révèle Rogavil Boisguéné.

Par ailleurs, indique le conseiller, la Cour ne saurait se constituer en une entité de blocage des projets de développement au profit de la population haïtienne. Il précise que dans le cadre de l’accomplissement de ses attributions constitutionnelles, légales et règlementaires, la Cour exerce un contrôle a priori sur les projets de contrats qui lui sont soumis par les entités publiques. « Le législateur a institué ce contrôle de nature préventive pour éviter le recours à des mesures correctives trop coûteuses ou la constatation a posteriori de dégâts irréparable », ajoute-t-il en citant la Constitution et les autres instruments légaux de la République tel que le décret du 23 novembre 2005.

D’autre part, M. Rogavil Boisguéné regrette que l’Exécutif, par des déclarations non fondées, voire menaçantes, impute aux conseillers de la Cour des Comptes, le blocage des projets.  « Le pouvoir exécutif, par les voix des plus hautes Autorités de l’État, a, d’une part, tenu des commentaires erronés sur les travaux de la Cour et, d’autre part, dangereusement ciblé les Membres du Conseil comme étant responsables de leurs manquements flagrants à remplir leurs missions avec diligence, compétence et efficacité » a écrit le président de la Cour des Comptes.  « Alors, ces Autorités s’enlisent inconsidérément dans des démarches et des déclarations équivoques qui frisent l’intimidation voire représentent des menaces ouvertes », estime-t-il.

« Ces derniers temps, certains avis de conformité défavorables que la Cour a émis sur les projets de contrats soumis par le pouvoir exécutif se trouvent, au premier rang, à la base des désinformations, allégations calomnieuses et déclarations menaçantes dont sont l’objet à répétition les Membres de l’institution », dénonce M. Boisguéné. Toutefois, celui-ci confie que « seuls des personnalités et des groupes politiquement motivés semblent ne pas apprécier ce tournant décisif important bien favorablement accueilli par les membres de la population qui espèrent impatiemment voir une meilleure gestion des finances publiques nationales que seul l’exercice rigoureux de la fonction de contrôle peut garantir ».

Fidèle à sa mission de contrôle pour la bonne gouvernance financière et administrative du pays, le Conseil de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif en profite pour renouveler à la population haïtienne notamment ceux qui sont assoiffés de transparence et de justice administrative, « sa ferme détermination à respecter scrupuleusement les prescrits de la constitution et d’autres instruments légaux et règlementaires en vigueur sur les finances publiques», conclut la note qui porte la signature de M. Rogavil Boisguéné, président de la Cour.

Marc Andris Saint-Louis

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